Le réalisme politique régional dicte aux Occidentaux un changement de cap sur Nkurunziza

Speciose Nzeyimana était aux anges quand elle a appris la nouvelle du putsch contre Nkurunziza. Cette militante de l’UPRONA et extrémiste tutsie, s’est réjouie du débarras d’un pouvoir hutu: elle a lors parlé de la chute de Satan. Ses collaborateurs n’en croyaient pas leurs yeux. Mais il faut dire que ces mêmes émotions ont été observées à Bujumbura à travers les liesse des manifestants et des femmes bourgeoises qui se donnaient en spectacle pour le plaisir des médias internationaux. Tout était monté pour montrer au monde que Nkurunziza était vomi par son peuple. Les manifestantes avaient marché sur le centre ville, donc c’était la prise de la Bastille! France 24, RFI, Reuters etc. Encensaient.

Ce dimanche 17 mai 2015, le président Nkurunziza a accordé une interview de cinq minutes aux journalistes des médias étrangers. C’était à Bujumbura, à son bureau de travail. Le président Nkurunziza a déclaré avoir des échanges avec ses homologues kenyan et ougandais sur la montée des menaces des terroristes somaliens. Profitant du chaos créé au Burundi par trois semaines de manifestations violentes, les terroristes se seraient infiltrés au Burundi et seraient prêts à frapper. Ils pourraient s’attaquer aux intérêts burundais ou étrangers dans le pays. Le président Nkurunziza n’a pas développé.

A la question de savoir ce qu’il envisage comme représailles contre les putschistes, Nkurunziza a préféré dire qu’il laisse les services de sécurité, de défense et de justice faire les enquêtes et prendre les sanctions prévues par la loi. Sur la question de la poursuite du processus électoral, c’est le conseiller principal en communication Willy Nyamitwe qui a laissé entendre qu’un report léger des élections serait envisageable. On souligne que cette rencontre entre le président Nkurunziza et les médias a été qualifiée de preuve irréfutable du retour du président dans la capitale. Les médias étrangers avaient continué à entretenir le doute sur les informations diffusées par la présidence et la télévision nationale confirmant le retour du président.

Les Occidentaux avouent à demi-mots avoir mal apprécié la force de Nkurunziza

Il suffit de lire l’article de Colette Braeckman dans le soir pour comprendre le désarroi des Occidentaux. Cette dame jamais tendre avec Nkurunziza commence à argumenter autrement. Elle fait remarquer que sans l’appui des pays voisins, Nkurunziza n’aurait pu retourner à Bujumbura. Elle affirme que cette attitude de « realpolitik » n’est plus le monopole des Occidentaux! Elle est d’avis que Nkurunziza est pour les pays voisins le moindre mal et une force qui compte dans la lutte contre les terroristes en Somalie et dans la stabilisation de la RCA. Autrement dit, sa position n’est pas à négliger.

Il faut dire que les Occidentaux se sont trop fiés aux reportages des journalistes et aux déclarations des responsables de la société civile pour entamer une propagande contre Nkurunziza. Pour les Occidentaux, les manifestations violentes à Bujumbura et la complaisance de certains éléments de l’armée étaient les gages d’une chute facile de Nkurunziza. Quand les policiers réagissaient vivement contre les actes nulle part tolérables des manifestants, les Occidentaux mettaient en garde. Les sanctions sont d’ailleurs tombées du côté de la Belgique, des Pays Bas et de la Suisse.

Les USA exploitaient la carte sensible des opérations de maintien de la paix pour s’attirer les faveurs de l’armée: car les opérations constituent une manne pour les militaires burundais généralement mal payés. Tous les ingrédients d’une chute de Nkurunziza, comme un arbre dont les racines ont cédé à quelque tronçonneuse, semblaient réunis. C’est ainsi qu’à l’approche du sommet des chefs d’Etat de l’EAC à Dar es salaam, Pacifique Nininahazwe du FOCODE et grand meneur des manifestations invitait les jeunes drogués et surexcités à « tenir bon car le bout du tunnel approche ». Et quand le putsch a été annoncé, il a félicité les « libérateurs du peuple »! Idem pour Rwasa Agathon.

Mais Nkurunziza savait qu’il pouvait compter sur l’appui de l’armée où le CNDD-FDD dispose des effectifs non négligeables. Même du côté des ex-FAB, beaucoup d’officiers sont reconnaissants envers Nkurunziza pour un meilleur train de vie et une ouverture d’esprit de l’armée à travers la participation aux opérations de maintien de la paix dans le monde. On note que parmi les putschistes figurent au moins deux généraux de Bururi et un ancien ministre de la défense de l’ancien président Pierre Buyoya. L ’évocation d’un retour de Buyoya donne la chair de poule à bien des militaires ex-FAB. Ce qui a porté un grand discrédit à l’action du général Niyombare: comme une marionnette des inconditionnels de Buyoya.

Pierre ​Nkurunziza a cassé le tabou de la haine ethnique, il s’est efforcé de mettre en application les accords de paix d’Arusha et l’accord global de cessez le feu. Mais surtout, les services de renseignements disposent des budgets colossaux, des armes que l’armée ne contrôle pas et il faut ajouter l’unité spéciale de protection des institutions (garde présidentielle). C’est d’ailleurs le chef d’état major de l’armée, le ministre de la sécurité, le patron des renseignements, le général Adolphe Nshimirimana et le chef de cabinet de police du président qui sont cités parmi le noyau qui a empêché le putsch. Le ministre de la défense aurait été approché mais rapidement écarté car favorable aux putschistes. Une fois que la nouvelle du putsch s’est ebruité la veille, les services de renseignements ont suivi de près et ont renforcé la sécurité des points stratégiques notamment la radio télévision nationale et l’aéroport. Les Occidentaux ont donné le feu vert aux putschistes très confiants. Les quatre anciens présidents de la République étaient au courant. Ils sont jaloux de l’autorité et de la popularité de Nkurunziza. Il règne avec plus d’honneurs qu’ils n’en ont jamais eus. Ce qui explique la présence de deux anciens présidents parmi les candidats à la présidentielle de juin prochain. Ils avaient sorti une lettre contre Nkurunziza. A la demande des Occidentaux! La défaite n’est plus solitaire!

Et maintenant comment revenir en arrière?

Le putsch a échoué. C’est un constat. Nkurunziza s’en sort plus fort que jamais. Le monde découvre un président qui est appuyé par une armée robuste et loyale. Le monde découvre que les médias internationaux ont excellé dans la manipulation, que Nkurunziza est très populaire et non un dictateur qui est vomi par son peuple. Le monde entier découvre que Nkurunziza a des arguments juridiques qui recommandent de ne plus assimiler son cas à celui de Blaise Compaoré qui voulait modifier la constitution pour se maintenir au pouvoir. Le monde découvre que les Occidentaux ont organisé une campagne d’intoxication de l’opinion internationale sur les fameux accords d’Arusha: ces accords ne sont pas supérieurs à la constitution. Or, pour ce qui est de l’interprétation de la loi fondamentale burundaise, une cour a déjà tranché. Mais un juge a été acheté par les Occidentaux et exfiltré vers Kigali. Selon la loi burundaise, quand un juge a siègé et pris part aux délibérations, le jugement ou l’arrêt pris l’engage, pourvu que la majorité requise et le quorum soient réunis. Or, le vice président de la cour constitutionnelle s’est tiré au moment de la signature du document faisant acte d’arrêt. Donc, comme six juges sur sept ont signé, l’arrêt fait foi. Mais les Occidentaux ont dénigré la cour constitutionnelle pour cette importante raison que l’Union Africaine avait recommandé aux protagonistes burundais de s’incliner devant l’arrêt qui allait être rendu! Parce que l’objectif des Occidentaux était d’écarter Nkurunziza jugé trop proche des Chinois, des Russes, de l’Iran et de l’Afrique du Sud.

Les Occidentaux voulaient ce putsch car ils se heurtaient à une opposition farouche des Russes et des Chinois au conseil de sécurité de l’ONU. Toutes les tentatives de résolution contre le Burundi ont été réduites au brouillon bon pour la poubelle. La France, les USA et le parlement européen ont usé de tous les moyens pour diaboliser Nkurunziza, présenter le pays comme une dictature féroce et au bord d’un génocide. On se souvient que l’ONU à Bujumbura a violé les usages internationaux dans le but d’accuser Nkurunziza de tous les maux. Mais à chaque moindre vérification sur terrain, on tombait des nues. Idem que le monde entier vient de tomber des nues en voyant un président présenté comme opprimant son peuple revenir aussi rapidement et triomphalement aux commandes! Parce que le complot était artificiel. Parce que les Occidentaux croient être toujours à l’époque des Bob Denard!

Nkurunziza va de nouveau être courtisé dans la région et dans le monde. C’est désormais l’un des rares chefs d’Etat africains qui peut regarder les Occidentaux en face et leur dire qu’il ne leur doit rien. Mais être triomphaliste serait une mauvaise attitude. Il doit plutôt saisir toute main tendue des Occidentaux pour une refonte des relations de coopération et de protection des intérêts respectifs. Le Kenya plaide déjà pour qu’on cesse de déstabiliser le Burundi. Idem pour l’Ouganda. L’Union Africaine est favorable au respect du verdict de la cour constitutionnelle. Les grands perdants sont sans conteste les activistes, les médias privés et l’opposition. Pour les Occidentaux, ils ont compris et vont peut-être tenter un réchauffement des relations ou persévérer dans l’erreur d’isoler le Burundi pour le mettre au même niveau que le Zimbabwe. Sans l’appui des pays de la région, c’est encore vers un camouflet. Mieux vaut que l’Union Africaine joue les médiateurs entre les véritables protagonistes du conflit burundais: les Occidentaux et Nkurunziza.

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