Une analyse des Membres de la Diaspora Burundaise des Pays Bas regroupé au sein de la Coalition Internationale de la Société Civile du Burundi et les Associations de la Diaspora, REPRESENTANTION DES PAYS BAS.
Nous sommes mercredi, le 13 mai 2015. Une tentative de coup d’Etat inattendu est déjouée au Burundi. Malgré les démonstrations de rue des jeunes de l’opposition, dans certains quartiers de la ville de Bujumbura contre la candidature du président de la république M. Pierre Nkurunziza à un 2ème mandat controversé, le règlement du différend par des moyens politiques et légaux devrait être mis en avant. On n’en est malheureusement pas arrivé là, une clique de généraux et autres mutins de l’armée burundaise ont fait recours à des méthodes d’accès au pouvoir d’un autre âge. Après l’échec de ce mouvement anti démocratique, la situation demeure incertaine à Bujumbura, au moment où, après que sept candidats aient introduit leurs dossiers à la CENI, seuls les partis CNDD-FDD et l’UPRONA battent déjà campagne pour les Législatives et les Communales.
Le Chef de l’Etat M. Pierre Nkurunziza est invité à un sommet des Chefs d’Etat de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) qui se tient le 13 mai à Dar Es Salam. Entre autres points à l’agenda, la sécurité et la question des réfugiés burundais dans les pays de la sous-région. Dans le même temps, quelques jeunes dans certains quartiers de la capitale Bujumbura sont en effervescence depuis environ 3 semaines, en contestation de la candidature à un deuxième mandat de M. Nkurunziza. Barricades des routes, pollution de l’environnement par des pneus brûlés, confrontations avec les forces de l’ordre, échanges de balles entre manifestants et policiers, assassinats ciblés de toute personne soupçonnée d’être un ’’ Imbonerakure’’ par le feu, les armes blanche ou armes à feu, incendie des maisons et des voitures des particuliers, prendre en otage les gens des quartiers, bref tous les moyens sont bons pour exprimer leur ras-le-bol. Alors que les yeux sont tournés vers la capitale tanzanienne, les espoirs sont complètement annihilés.
Un Général de l’armée burundaise, ancien Chef d’Etat-major général des forces armées, Chef du Service National des Renseignements (SNR), et ancien ambassadeur du Burundi au Kenya, annonce sur une chaîne de radio privée la destitution du Président et la dissolution du Gouvernement, ainsi que la fermeture de toutes les frontières, y compris l’aéroport international de Bujumbura. Les rues de Bujumbura s’embrasent, les jeunes manifestants prennent d’assaut les grands artères de la ville en chantant et en scandant, aux côtés des mutins, des slogans à la gloire de : ‘’ Niyombare président ! Niyombare président … Dans cette folie d’allégresse démesurée, la radiotélévision REMA FM est littéralement incendiée. Les maisons de détention et leurs bureaux sont saccagés et pillés; les prisonniers, dont les jeunes arrêtés lors des manifestations sont libérés de force et leurs dossiers emportés ou détruits. Certaines boutiques du marché de Ruvumera dans la zone de Buyenzi sont également vandalisées.
Liesse de courte durée: Cette scène de folie va se prolonger jusqu’à tard dans la soirée avant de céder la place à une riposte violente par les fidèles au régime en place. Des tirs d’armes sont entendus dans plusieurs coins du centre-ville de Bujumbura et dans certains autres quartiers. Les négociations entamées entre l’Etat-Major général de l’armée burundaise et les putschistes aboutissent à un fiasco. Tard dans la nuit, le chef d’Etat-Major général des forces armées burundaises déclare, à la Radiotélévision Nationale du Burundi (RTNB), que le mouvement putschiste a échoué et que l’ordre constitutionnel est restauré.
L’information selon laquelle le président Nkurunziza est dans un avion sur le chemin de retour au Burundi met dos à dos les parties antagonistes. Jeudi le 14 mai, les tirs d’armes obligent les citadins à se clouer chez eux. Pendant la même journée, le numéro 2 du groupe putschiste, le Général Cyrille Ndayirukiye, confirme à l’Agence France Presse l’échec de la tentative. Il est arrêté le lendemain avec quelques autres mutins dans un quartier au sud-ouest de Bujumbura. Les manifestants abandonnent les barricades sur les différentes avenues des quartiers affectés et l’enthousiasme s’évanouie dans la peur et l’incertitude.
Guerre des médias: Les protagonistes dans cette crise ont voulu jouer sur contrôle des médias pour atteindre leurs objectifs. Alors que la presse privée échappe complètement aux autorités, la RTNB reste par contre son rempart. Les putschistes y ont opéré deux assauts infructueux dans le but de s’emparer de la RTNB afin de pouvoir s’adresser à toute la nation. La riposte de la force loyaliste a été si foudroyante qu’ils sont été obligés de se replier. Dans la nuit du mercredi à jeudi, des attaques attribuées de facto aux ‘’Imbonerakure’’, des jeunes affiliés au parti au pouvoir, le CNDD-FDD sont menées sur deux autres chaines de radio privées : la Radio Publique Africaine (RPA) et la Radiotélévision Renaissance sont accusées par le pouvoir de diffuser des informations incitant à la haine, au désordre et à la désobéissance civile. Alors que la RPA avait été fermée le 27 avril pour refus d’obtempérer à l’ordre de cesser la retransmission en direct des manifestations de rue, elle venait d’être rouverte par le Général putschiste quelques heures seulement après son coup d’état. La Radio RSF Bonesha FM qui a donné la tribune au Général Niyombare pour annoncer sa tentative et Isanganiro seront interdites de diffusion dans la matinée de jeudi. Une certaine opinion pense que ces attaques sont une vengeance contre l’incendie de la Rema FM.
Cause à effet ? :Les malentendus entre la Rema FM proche du pouvoir et les autres radios privées radicales comme la RPA, Isanganiro et Bonesha FM ne datent pas d’hier. Les politiciens et leaders des organisations de la société civile véreux ont envenimé l’environnement médiatique burundais en se faisant servir des organes de presse comme leurs caisses de résonance et au travers desquels diffamations, calomnies et médisance sont canalisées en violation flagrante de la déontologie. C’est aussi à travers les organes de presse que les organisateurs des manifestations de rue lancent les appels. L’’union sacrée’’ entre une partie de la presse, certaines associations de la société civile et certains partis politiques de l’opposition est devenue le symbole de l’élaboration de la stratégie de la contestation. Les médias font et défont à volonté l’image des leaders d’opinion. Mais y a-t-il un lien entre les manifestations contre la candidature de M. Nkurunziza et le putsch manqué ? Rien n’est moins sûr.
Le Général Niyombare soutenu par les frondeurs du CNDD-FDD, hier mal critiqués pourrait, il est fort plausible, avoir voulu profiter de l’image redorée par les médias et l’aile dure de la contestation de la candidature à un 2ème mandat de P. Nkurunziza. Son renvoi des SNR au lendemain de la remise du document dans lequel il dénonce son patron par rapport à ses velléités électoralistes et qui a cartonné dans la presse est à prendre en considération. Pour se relever de cette frustration il peut avoir pensé à l’approche de la vengeance.
Elections: La question qui se pose maintenant est de savoir si le processus électoral va poursuivre son cours normal. Huit candidats ont introduit leurs dossiers à la CENI pour les Législatives et les Communales. Malgré l’ouverture de la campagne, seuls les partis CNDD-FDD et l’UPRONA battent campagne. Les autres partis politiques et les candidats indépendants ne bougent pas vers leur électorat. Certains candidats ont même continué d’encourager les jeunes à continuer les démonstrations de rue au lendemain du dépôt de leurs candidatures à la CENI, tellement certains analystes se demandent si réellement le dépôt des candidatures n’est pas une manœuvre de distraction de l’opinion. Depuis longtemps des déclarations selon lesquelles les élections n’auront pas lieu ont été entendues de plusieurs bouches des opposants politiques et des leaders des organisations de la société civile.
En plus, comment comprendre, qu’une lecture différente de deux articles de la Constitution conduise toute l’opposition dans la rue de la capitale sans attendre les avis des institutions de règlement des différends et notamment la Cour Constitutionnelle ? Le plan est bien ficelé : boycotter les élections, créer un vide institutionnelle, exiger un Gouvernement de transition dans lequel le partage du pouvoir est pris en compte, le processus démocratique c’est de la foutaise. Mais cette stratégie risque d’échouer puisque la communauté internationale et le Gouvernement Burundais semblent s’accorder sur un report léger des élections.