Union africaine : plus de pragmatisme et d’indépendance ?

Il reste peu de temps au président rwandais Paul Kagame, mandaté par ses pairs il y a deux ans. Ce dernier a insisté pour que ce sommet soit convoqué pour faire passer ces réformes destinées à rendre l’UA moins bureaucratique et plus efficace.

En janvier 2019, il cédera son poste annuel de président en exercice de l’UA au chef de l’État égyptien, Abdel Fattah al-Sissi. « Notre objectif est simple : renforcer l’Afrique et donner à nos peuples l’avenir qu’ils méritent », a affirmé le président rwandais à l’ouverture de ce sommet rassemblant les 55 États membres de l’organisation panafricaine. « Les événements dans notre continent et dans le monde confirment la nécessité et l’urgence de ce projet », a-t-il ajouté.

L’avenir de l’UA en jeu

Longtemps critiquée pour sa lourdeur administrative et son inefficacité, la réforme proposée par le président rwandais visant notamment à garantir l’autonomie financière de l’organisation pour lui donner les moyens de sa souveraineté politique. «La plupart des États membres ne paient pas à temps », note le rapport publié en juillet dernier, lors du sommet de Nouakchott, et qui déplore « un impact négatif sur la mise en œuvre des programmes et l’exécution des budgets ». Kagame a donc cherché à tailler dans les dépenses de l’UA en limitant le nombre de sommets et de commissions, et à réduire sa dépendance à l’égard des donateurs étrangers. Il a aussi suggéré qu’elle circonscrive ses priorités à la sécurité, la politique et l’intégration économique.

Mais, plus de deux ans et cinq sommets après, plusieurs États-clés sont toujours extrêmement réticents et l’espoir de voir un accord global être conclu cette semaine dépend surtout de ce qu’il adviendra à Addis-Abeba. « Il faudra voir combien de chefs d’État viennent, et ça déterminera le succès du sommet [qui] déterminera d’une manière ou d’une autre le succès des réformes », remarque Liesl Louw-Vaudran, consultante auprès du centre sud-africain d’analyse Institute of Security Studies (ISS), citée par l’Agence France-Presse.

Pour l’instant, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Botswana, les Comores, le Togo et le Ghana ont confirmé qu’ils enverraient leur président. Le Nigeria et le Mozambique délégueront leur ministre des Affaires étrangères. Les autres pays n’ont pas fait savoir qui se déplacerait.

Où en sont les réformes ?

Certaines réformes ont déjà été adoptées. En début d’année, les chefs d’État de l’UA avaient accepté de faire passer de deux à un le nombre de sommets annuels.

Autre avancée : près de la moitié des 55 États membres ont accepté de payer une taxe de 0,2 % sur les importations pour réduire la dépendance de l’UA à l’égard des bailleurs étrangers, lesquels contribuent à son budget à hauteur de 50 %, et l’autre moitié trouvera un autre moyen de payer. Le budget opérationnel sert principalement à financer les coûts de fonctionnement de l’Union, de ses organes. Les coûts opérationnels s’élèvent à environ 110 millions de dollars en moyenne par an depuis cinq ans et sont financés exclusivement par les États membres.

Aucune décision n’a encore été prise sur les autres propositions de Paul Kagame, comme celle de donner plus de responsabilités au président de la Commission de l’UA, actuellement le Tchadien Moussa Faki Mahamat. Et ce n’est pas une mince affaire puisque la plupart des pays africains, notamment les plus puissants, sont réticents à l’idée de donner à l’UA la capacité de prendre des décisions à leur place, observe Liesl Louw-Vaudran. « Ils ne veulent abandonner aucune part de souveraineté à la Commission de l’UA. Ils la voient encore comme une sorte de secrétariat chargé de mettre en œuvre ce que les chefs d’État décident », explique-t-elle. Une illustration de plus que les réformes attendues ne vont pas aller d’elles-mêmes.

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Le Point