République Démocratique du Congo. Et maintenant? Pour une politique de la main tendue!

Le nouveau président, Felix Tsishekedi ©AFP

Selon André Flahaut, l’avenir de la RDC ne se joue ni à New York ni à Bruxelles… mais bien en RDC.

Par André FLAHAUT
Ministre d’État

La République Démocratique du Congo (RDC) n’est plus une colonie belge ! Certains l’oublient aujourd’hui encore, ou feignent de l’oublier. Il convient de le rappeler régulièrement avec force et vigueur.

©AFP

La RDC est un État souverain. Il faut s’abstenir de vouloir l’influencer ; s’abstenir de vouloir se le réapproprier ; s’abstenir de vouloir lui dicter – en fonction d’un paternalisme mal placé – la ligne à suivre. Évitons, surtout, de lui imposer nos modèles (quelquefois déficients) de gouvernance.

Évitons, surtout, de lui imposer nos modèles (quelquefois déficients) de gouvernance.
La démarche de partenariat doit être privilégiée. Cette démarche s’appuie sur le respect mutuel, la confiance, mais encore sur la prise en considération des moyens respectifs et des contraintes des partenaires. Tout l’enjeu est d’élaborer des programmes d’actions concrets et durables dans une multitude de domaines, en commençant par ceux qui répondent aux demandes de la population congolaise : la sécurité, l’éducation (en ce compris l’éducation citoyenne) et la santé. Trois thématiques qui préoccupent particulièrement les femmes.

Pendant des années, en RDC, à quelques-uns, nous avons travaillé sur ces bases et principes. Notre principal objectif : rencontrer et écouter, d’initiative ou à leur demande, tous les acteurs politiques, aussi bien de la majorité que de l’opposition. Nous avons eu l’honnêteté politique et intellectuelle de tenir à chacun, et de façon constante, le même discours. Nous avons travaillé dans la discrétion et sans privilégier les communications tapageuses et contreproductives. Nos conseils n’étaient pas des injonctions cachées. Notre intention était de faciliter les échanges, et non d’imposer un modèle. Cette façon d’agir, sincère et respectueuse, connue de tous, a été et reste appréciée par chacun – en Belgique comme en RDC. Certes, tout ce travail n’a pas été parfait. Il a quelquefois été critiqué, ou raillé. Mais nous avons agi. Et ceux qui doivent le savoir ne l’ignorent pas !

On a beaucoup parlé…

Ces dernières années, les spéculations politiques sont allées bon train. Nombreuses ont été les discussions à portée institutionnelle ou constitutionnelle sur la situation en RDC. On a beaucoup parlé… au point d’oublier, trop souvent, qu’il y avait une foule de sujets sur lesquels il fallait agir, parfois en urgence. Qu’à cela ne tienne ! L’action politique a eu lieu – d’abord pour répondre aux besoins de la population ; ensuite pour se démarquer des sanctions et des embargos. Lesquels ne font jamais qu’isoler les pays qui en pâtissent, et tendent à affaiblir, encore un peu plus, les populations qui les vivent.

Aujourd’hui, en RDC, contrairement à ce que certains prédisaient, annonçaient ou croyaient…, les élections ont eu lieu à travers le pays. Nous devons reconnaître le processus électoral, même si l’organisation (opérée par les seuls Congolais !) n’a pas été parfaite. La plus haute instance du pays, la Cour constitutionnelle, a confirmé les résultats. À présent, il nous faut respecter sa décision.

Joseph Kabila ©REUTERS

Demain, en RDC, Joseph Kabila ne sera plus Président. Emmanuel Shadary, le candidat issu de la mouvance présidentielle, et présenté comme le  » dauphin « , ne le sera pas non plus. Nous assistons donc, pour la première fois depuis l’Indépendance du pays, à une transmission du pouvoir présidentiel sur base d’élections – ceci sans guerre civile, situation qu’on doit à la raison du peuple congolais autant qu’à sa lassitude. Enfin, nous sommes les témoins d’une alternance politique, puisque le nouveau Président, Félix Tshisekedi – fils du leader et opposant historique de l’UDPS, feu Étienne Tshisekedi –, est issu de l’opposition.

Au reste, des élections législatives et provinciales ont eu lieu. Une cohabitation sera sans doute nécessaire. Reconnaissons, dès lors, que ce qui s’est passé en RDC annonce une ère nouvelle.

Politique de la main tendue

Cette ère qui s’ouvre est pleine d’opportunités pour les citoyens autant que pour les responsables politiques congolais – majorité comme opposition. Elle représente l’occasion d’un nouveau départ fondé sur la «  politique de la main tendue  » entre les différentes forces politiques. Le but est de favoriser, et de poursuivre en l’accentuant, la transformation d’un pays au cœur de l’Afrique : tout ceci au bénéfice prioritaire de sa population.

Cette nouvelle ère constitue l’occasion de reformuler nos engagements de partenariat et de redire notre disponibilité pour réactiver et intensifier le travail dans un grand nombre de domaines.

Nous devons redire que cette relation est d’abord une question d’attitude et de posture, et rappeler notre indignation face à tous les donneurs de leçons.
Nous devons aussi redire qu’aujourd’hui nous sommes disponibles pour être acteurs d’une redéfinition de nos relations avec le continent africain – en ce compris les pays du pourtour méditerranéen. Car c’est là notre axe naturel de solidarité.

Nous devons redire notre engagement à travailler à d’autres fins que celles de la recherche d’opportunités à sens unique.

Nous devons redire notre engagement à œuvrer sur les bases d’une relation co-construite d’appui mutuel et réciproque.

Nous devons redire que cette relation est d’abord une question d’attitude et de posture, et rappeler notre indignation face à tous les donneurs de leçons. À ceux-ci, nous disons que l’avenir de la RDC ne se joue ni à New York, ni à Bruxelles… mais bien en RDC.

Il y a du travail ! Mais il y a surtout une volonté sincère de faire fructifier cette nouvelle ère. Une volonté que je crois réciproque.