L’Egypte, en quête d’influence, prend la tête de l’UA

L’Egypte va assurer à partir de dimanche la présidence tournante de l’Union africaine (UA) pour 2019, mais ce poids lourd régional poursuivra sa quête d’influence sans chercher nécessairement à renforcer cette institution.

Addis Abeba, la capitale éthiopienne siège de l’UA, accueille les 10 et 11 février la 32e session ordinaire de l’assemblée des  chefs d’Etat et de gouvernement des 55 pays membres.

Au-delà des zones de tension sur le continent, les questions institutionnelles, dont le Rwanda de Paul Kagame – prédécesseur de l’Egypte – avait fait une priorité, devraient être au menu des discussions.

Parmi elles, l’instauration d’une taxe sur les importations permettant d’assurer l’indépendance financière de l’UA – dont plus de 54% du budget 2019 proviendra de donateurs étrangers – pourrait ne pas passer les réticences des Etats, dont l’Egypte.

La réforme de la Commission est encore plus sensible. En novembre 2018, la majorité des Etats a rejeté le projet de donner au chef de l’organe exécutif de l’UA le pouvoir de nommer ses propres adjoints et commissaires.

Pour le reste, les Egyptiens « sont pleinement engagés dans les réformes », assure un responsable de l’UA. « C’est devenu un agenda pour les Etats membres. Ce n’est pas un agenda de M. Kagame », estime-t-il, bien que le président rwandais reste le référent en termes de réformes indépendamment de la présidence.

Stature internationale

En mars 2018, 44 pays ont notamment signé un accord pour la création d’une Zone de libre-échange continentale (Zlec), censé développer le commerce intra-africain. Ce marché unique est l’un des projets phares du vaste programme « Agenda 2063 », conçu comme un cadre stratégique pour la transformation socio-économique du continent.

A l’inverse de l’Afrique du Sud notamment, l’Egypte a encouragé la Zlec. Le régime du président Abdel Fattah al-Sissi, au pouvoir depuis 2014, a multiplié les appels du pied en direction des voisins africains. M. Sissi devra pousser à la ratification de cet accord pour permettre son entrée en vigueur.

« Les pays d’Afrique du Nord ont la réputation de regarder dans une direction différente de celle de l’Afrique et l’Egypte devra surmonter ce stéréotype », observe Liesl Louw-Vaudran, de l’Institut pour les études sur la sécurité.

 

« M. Sissi souhaite que l’Egypte soit considérée comme faisant partie de l’Afrique et pas seulement du monde arabe », explique Elissa Jobson, cheffe du plaidoyer pour l’Afrique à l’ONG Crisis Group.

« Nous pouvons nous attendre à ce qu’il profite de la présidence pour renforcer la position de son pays parmi les autres Etats africains », ajoute-t-elle, précisant qu' »il ne s’agit pas d’une rupture avec les administrations précédentes », en particulier celle de son prédécesseur.

« M. Kagame a montré que la présidence, longtemps considérée comme une simple figure de proue, peut servir à promouvoir les intérêts nationaux et à renforcer la stature internationale d’un dirigeant », estime-t-elle.

Pouvoir limité

Mais le chef de l’UA ne dispose, in fine, que d’un pouvoir limité. M. Kagame a même essuyé un cinglant désaveu après avoir exprimé des « doutes sérieux » pesant sur les résultats de l’élection présidentielle de décembre en République démocratique du Congo (RDC), remportée par Félix Tshisekedi.

Les résultats avaient finalement été validés par la Cour constitutionnelle congolaise et salués par les poids-lourds du continent dont l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Egypte.

Saluant la présidence Kagame, un diplomate africain, qui suit l’UA depuis plus de 10 ans, se dit néanmoins « déçu » que l’institution ne soit pas venue à bout de toutes les réformes envisagées.

Selon lui, l’Egypte, à l’instar d’autres pays puissants comme l’Afrique du Sud ou le Nigeria, ne souhaite pas une « UA forte », d’autant plus qu’elle n’a « jamais oublié » sa suspension en 2013.

Cette décision avait été prise après la destitution par l’armée de l’islamiste Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu en 2012.

« L’Egypte se concentrera probablement sur la sécurité et le maintien de la paix » et moins sur « la réforme financière et administrative de l’UA en tant qu’institution », estime Ashraf Swelam, directeur général du Centre international du Caire pour la résolution des conflits, le maintien et l’instauration de la paix (CCCPA), lié au ministère des Affaires étrangères.

L’année 2019 a été placée sous le thème des réfugiés et déplacés, lié aux questions de sécurité, Le Caire se présentant comme un champion de la lutte contre l’immigration illégale et un modèle pour l’accueil des réfugiés sur son sol.

 

SlateAfrique