Lettre ouverte au Premier ministre belge, Monsieur Charles Michel

Monsieur le Premier ministre, les Burundais que vous ne voyez pas dans vos salons, les Burundais que vous ne voyez pas dans les rues, les Burundais qui savent les méfaits de la guerre, les Burundais qui sont allés voter, les Burundais qui ont suivi l’historique de la politique étrangère belge, sont inquiets et indignés par la prise de position de votre gouvernement dans cette crise burundaise en rapport les élections. Il convient de vous rappeler que part les relations historiques entre le Burundi et la Belgique, le peuple burundais avait la conviction que la Belgique était le partenaire privilégié, sûr et fiable. Malgré le passé douloureux de la colonisation et ses conséquences néfastes sur le social et sur le mental des burundais, la Belgique occupait une place confortable aux cœurs des burundais, peuple sans rancune, qui oublie et pardonne.

Charles Michel

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement s’il ne fait pas abstraction, connait très bien l’historique des différents conflits et crises burundais depuis l’époque coloniale jusqu’à maintenant. Mais force est de constater que vos prises de position et vos décisions dans l’actuelle crise vont à l’encontre de ce qu’aspire la majorité du peuple burundais. Ce qui nous laisse penser que, soit votre gouvernement n’a pas encore compris ce que veulent les burundais, soit votre gouvernement est manipulé et croit aux mensonges des lobbies de l’opposition burundaise, soit votre gouvernement veut que votre volonté soit faite.

Monsieur le Premier ministre, l’histoire est juge des faits. Nous voudrions vous rappeler que dans le passé vous avez pris la même position et les mêmes décisions contre le gouvernement rwandais de Juvénal Havyarimana et la finalité a été la déception, la Belgique n’a rien gagné à part perdre. A cette époque le gouvernement belge a été manipulé par les opposants du président Juvénal Havyarimana et par ses lobbies occidentaux, en utilisant des mots de persuasion et très sensibles qui incitent à agir sans réfléchir, des mots qui accablaient le pouvoir de Havyarimana : régionalisme, favoritisme, ethnisme, népotisme, abus du pouvoir, violations des droits humains, corruption etc…. Le gouvernement belge a cru à ces accusations et a lâché le régime de Havyarimana. Apres sa mort, des milliers de rwandais sont morts, des belges sont morts, des burundais sont morts, des français sont morts des espagnols sont morts des congolais sont morts…. Avec le temps, la Belgique a perdu son influence sur le Rwanda. Les opposants rwandais qui vous promettaient un Rwanda meilleur, un Rwanda d’unité, un Rwanda sans faille, un Rwanda paradis, une fois au pouvoir vous ont tourné le dos et pour vous narguer, ils ont envahi votre Congo belge (RDC), votre grenier, ils ont pillé et continuent non seulement la déstabilisation de ce vaste pays riche en sous sol et d’autres pays de la sous région, mais aussi votre gouvernement est inquiet de la présence des escadrons de la mort rwandais sur votre sol. Pourtant à cette époque, en vous laissant manipulés, vous ne pensiez pas à tous ces revers de médailles. N’est ce pas que c’est au nom de la liberté, au nom de la démocratie, au nom des droits humains et au nom de la bonne gouvernance qu’on vous avait promis, que vous êtes tombés dans les sillages des opposants de Havyarimana ?

Monsieur le Premier ministre, les mêmes causes produisent les mêmes effets, nous Burundais, que vous ignorez, pourtant majoritaire, voudrions vous faire un clin d’œil et vous montrer qu’actuellement votre gouvernement est encore une fois manipulé exactement avec le même mode opératoire. Des mots de l’opposition qui sont accablants contre le régime de Pierre Nkurunziza et avec les mêmes lobbies occidentaux, on vous promet un Burundi nouveau qui respecte les droits humains, la démocratie, la bonne gouvernance. Malheureusement vous les croyez ! Ces opposants de Nkurunziza qui vous caressent dans le sens des poils et que vous caressez, ne sont que des imposteurs, vous devrez réfléchir avant de défendre leurs dires.

Monsieur le Premier ministre, le Burundi a passé plus de 45 ans dans des conflits et crises politico-ethniques répétitifs, vous le savez bien. Comment voudriez-vous qu’il soit une démocratie à l’occidental dans un laps de 10 ans ? Vous êtes bien placés pour comprendre que le chemin vers la démocratie, dans un pays pauvre comme le Burundi n’est pas pavé. En plus le régime de Nkurunziza , sur les accords de paix d’Arusha, il a fait beaucoup d’efforts pour qu’ils soient respectés et continue à se baser sur ces textes. Est-ce que les anti-Nkurunziza vous ont donné des exemples qui prouvent que dans les 10 ans au pouvoir le régime de Nkurunziza a violé ces accords ?

Sur la constitution, à part que votre gouvernement veut donner des leçons, la candidature de Nkurunziza n’est pas anti constitutionnelle de tant plus que les arbitres de la cour constitutionnelle l’ont déjà validée. Quant à dire que les membres de cette cour ont été menacés ou influencés, on comprendrait facilement pourquoi les opposant le disent ainsi, mais, pas le gouvernement belge qui est censé connaitre le pouvoir de cette cour. Certes, les opposants pouvaient ne pas être d’accord avec la décision de cette cour, mais dans un match, les joueurs peuvent montrer leur désaccord avec l’arbitre sur sa décision mais, ils ne peuvent pas quitter le terrain. Ils continuent à jouer jusqu’à la fin du match, sinon c’est le forfait qui est appliqué. Sur la participation du Burundi dans le maintien de la paix, le Burundi a mis à la disposition des Nations Unies un nombre considérable des militaires pour aider à restaurer la paix dans des pays qui en ont besoin. Leur travail est bien apprécié par vous-même. Alors, comment ne pas reconnaitre cet effort à juste titre ? Est-ce parce que le Burundi est dirigé par un dictateur que ses militaires sont disciplinés et appréciés dans leur travail à l’extérieur ? Non, Monsieur le Premier ministre, l’image des militaires disciplinés, efficaces et appréciés par les Nations Unies et par vous mêmes, reflète l’image de leur commandant en chef, Monsieur Pierre NKurunziza.

Monsieur le Premier ministre, les opposants à Pierre Nkurunziza vous ont convaincu que les jeunes affiliés au parti CNDD FDD sont des tueurs en série, cela devrait plutôt vous rappeler la période de 1993 où les jeunes affiliés au parti Sahwanya FRODEBU étaient accusés de génocidaires. Au Burundi, accuser son adversaire politique ou ethnique de génocidaire est une tactique très employée à tord et à travers. Vous saviez que même le Président Melchior Ndandaye est accusé d’avoir préparé et planifié le génocide contre les Tutsi ? Et que ces Jean Minani, Pancrace Cimpaye, Sylvestre Ntibantunganya, Domitien Ndayizeye, Léonce Ngendakumana, Mamès Sinarinzi et autres sont accusés d’avoir exécuté ce génocide contre les Tutsi ? Fallait-il prendre ces accusations comme vraies ? Non, Monsieur le Premier ministre, car c’étaient des accusations sans fondements juste pour nuire à la réputation de ces personnalités. Curieusement, vous trouverez que parmi ces personnalités citées, il y en a qui à leur tour, accusent injustement et sans aucun remord, les jeunes du CNDD-FDD de génocidaires. Faut-il les croire ? Pourquoi faire des autres ce qu’on ne veut pas qu’on fasse pour soi ?

Monsieur le Premier ministre, les Burundais est un peuple complexe, votre gouvernement doit faire attention pour ne pas suivre ou soutenir quelques politiciens de l’opposition qui se déclarent de démocrates, ou quelques personnes qui se définissent membres de la société civile. S’ils vous disent que le régime de Pierre NKurunziza tue les burundais, posez-les la question de savoir quelles sont les identités des victimes. Certainement qu’ils vous répondront que les victimes sont majoritairement les adeptes de Rwasa Agathon. Demandez-les pourquoi alors Agathon Rwasa a accepté d’entrer dans les institutions burundaises issues des élections contestées, ils vous répondront que Rwasa a trahi ses membres, et quand vous demandez à ses membres ce qu’ils pensent, ils vous diront qu’ils approuvent la décision de leur chef. Finalement ce ne sont que ceux qui chantaient ces assassinats pour justifier leur mouvement d’insurrection contre le régime de Nkurunziza, qui sont aux abois à cause de cette louable décision de Rwasa agathon.

Monsieur le Premier ministre, telle est la réalité de la crise burundaise, aucun régime au monde n’est parfait, le droit de l’homme est un exercice de tous les jours, la situation n’est rose en Belgique, encore moins aux Etats Unis. Alors méfiez-vous de ceux qui vous promettent un Burundi nouveau. Toute personne va-t-en-guerre est à craindre. Quelque soit la raison, quelque soit la frustration, le Burundi n’a pas besoin d’une guerre pour être un pays de droit, le Burundi n’a pas besoin des requêtes pour asseoir la démocratie. Le Burundi a besoin d’être soutenu, d’être accompagné dans sa douleur d’origine coloniale, le Burundi a besoin de la Belgique comme la Belgique a besoin du Burundi

Monsieur le Premier Ministre, évitez que la diplomatie belge s’embourbe encore une fois et que la procédure de divorce entre le Burundi et la Belgique ne soit pas déclenché. La défection de l’ancien vice président et l’ancien président de l’Assemblée Nationale et la mort du Général Adolphe Nshimirimana ne doivent pas vous encourager dans vos projets de malmener les nouvelles institutions burundaises. Le sentiment que vous aurez si un membre de Vlaams Belang vous disait vouloir la fin de la Belgique, est le même sentiment que nous aurons si quelqu’un nous disait vouloir s’en prendre aux institutions élues démocratiquement.

En terminant, nous vous demandons avec insistance de ne pas écouter votre papa, Louis Michel, sur les questions en rapport avec le Burundi car, il n’aime pas le Burundi, il n’aime pas les Burundais.

Fait à Bujumbura, le 13/08/2015

Pour la Majorité Silencieuse

Bacinoni Roberto