CNARED ou le carnet d’un retour au pays natal

Les relations entre le CNARED et le pouvoir me font penser à ces paroles de Didier Barbelivien qui chante : « Reviens, on va vivre la main dans la main, avec toi l’aventure c’est si bien… ». Car la question du retour de CNARED n’est plus taboue.

Tout a commencé loin, très loin vers le pôle nord… Helsinki, la capitale finlandaise aurait abrité deux réunions tenues secrètes entre les patrons du Cnared et des représentants de Gitega. La première rencontre aurait eu lieu en novembre 2018 et l’autre au mois de février 2019. L’organisation finlandaise Crisis Management Initiative, CMI a imposé le régime du Shattam house. (Les participants font la promesse de ne rien révéler des échanges à huis-clos). L’objectif de ces réunions était clair : organiser le retour au pays des opposants en exil.

Les représentants du Cnared ont été priés de revoir certains points de leurs revendications. Il s’agit notamment d’accepter la nouvelle Constitution révisée.

En échange, ils rentreraient avec dans leurs bagages des garanties de sécurité, d’amnistie et de restitution de leurs biens. Les deux parties vont-elles respecter les engagements pris à Helsinki ? En tout cas du côté du Cnared, les lignes semblent bouger. De retour à Bruxelles, une session ordinaire a été convoquée. A voir le communiqué sorti le 12 mars, le Cnared a procédé à quelques réajustements. L’objectif serait « de répondre aux exigences du moment. »

La plateforme de l’opposition en exil a réaffirmé son attachement à la démocratie et aux élections comme seul mode légitime d’accès au pouvoir. Onésime Nduwimana, chargé de la communication indique que le Cnared a arrêté plusieurs stratégies pour sortir le Burundi de la crise. Il s’agit entre autre de « renforcer sa présence et son action à l’intérieur du Burundi. »


Pactiser avec le diable ?

Le Cnared, du temps de sa création

A la lumière de ce qui précède, il y a lieu de penser que certains politiques du Cnared songent déjà à rentrer. Tel que le communiqué le stipule, il a décidé d’être acteur dans les prochaines élections de 2020.

On ne peut participer aux élections que sur place. Il s’agirait donc de négocier son retour, rassembler ses militants, du moins ce qu’il en reste et participer aux élections.

Gitega, quant à lui, n’a rien à perdre, au contraire. Il va capitaliser sur le retour de ces opposants comme preuve d’une fin de crise. Pour rappel, le retour de l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya et de la vice-présidente Alice Nzomukunda a longtemps été présenté par le pouvoir en place comme un exemple d’une sécurité retrouvée même pour les voix dissidentes.

Le retour du CNRED serait le « jackpot », du pain béni pour le pouvoir. Ses opposants allèguent toujours la présence des réfugiés et de l’opposition en exil pour justifier une crise que Gitega dénie.

Mais selon certains observateurs, pourquoi Gitega irait faire des compromis avec ses opposants ? Ce n’est pas comme s’il était sous pression. Le facilitateur dans le dialogue inter-burundais, Benjamin Mkapa, a rendu son tablier. Le récent sommet des chefs d’Etat a remis la question du dialogue sine die. Et pour le moment, le conflit rwando-ougandais est plus urgent et attire l’attention de toute la communauté est-africaine.

La réponse est plus prosaïque. Un Cnared fragilisé, vidé, ne représente aucune menace.

Permettre à la plateforme de l’opposition en exil de participer aux élections n’expose à aucun risque. Dans ce cas pas compliqué. Combien pèse-t-il sur l’échiquier politique intérieur ? Pas grand-chose.

Toutes ces tractations ne sont pas vues d’un bon œil par tous les opposants en exil. La plateforme va de défection en défection. Les dernières en date sont celles du parti Cndd et du PPD-Girijambo. Pour le parti de Léonard Nyangoma, il s’agit de quitter officiellement la plateforme et ses amalgames, l’anarchie et les manipulations. Pour le frondeur du Cndd-Fdd, Léonidas Hatungimana, le Cnared est devenu un club d’amis et d’individus aux objectifs obscurs et qui a confisqué la lutte. Il sera, par la suite, suspendu de son parti par le comité exécutif qui refuse de quitter le navire.

Quel avenir politique se réservent ceux qui ont claqué la porte du Cnared ? Rien n’est moins sûr. Ils annoncent pour bientôt la mise en place d’une nouvelle plateforme politique avec une vision claire d’imposer des négociations inclusives. Sera-t-elle, cette fois, à la hauteur des attentes de ceux qui avaient accompagné et cru en le Cnared dès sa naissance, et qui ont assisté impuissant à ses déchirements, très souvent étalés sur la place publique ? Une question pour le moment sans réponse.

 Agnès Ndirubusa(IWACU)