Kagame: Une victime qui oublie très vite!

Il y a un peu plus de 20 ans, une radio semait la terreur au Rwanda. La tristement célèbre Radiotélévision Libre des Mille Collines (RTLM) fut le véritable catalyseur d’une des pires tragédies de tous les siècles, le génocide Rwandais qui a emporté environ un million de vies humaines au cours de quelques semaines.

De par le caractère sensationnel et haineux de ces émissions de la haine, la RTLM avait réussi à radicaliser toute une nation en l’espace de moins d’une année depuis sa création en Juillet 1993. Bien sûr, la Radio Nationale du Rwanda, certains journaux et les déclarations politiques ont également participé dans ce processus de lavage de cerveaux, alors que le Rwanda faisait face à la rébellion FPR-Inkotanyi parti de l’uganda, mais qui comprend aussi des réfugiés Rwandais de 1959 provenant principalement du Burundi, du Zaïre et de la Tanzanie. Depuis le début de la rébellion en 1990, des initiatives de paix avaient été engagées entre le régime de Havyarimana et les Inkotanyi, culminant aux Accords de Paix d’Arusha de 1993. Ces accords sont régulièrement violés par toutes les parties jusqu’à l’éclatement du génocide suite à la mort, le 6 Avril 1994, du Président Havyarimana, accompagné de son homologue Burundais, Cyprien Ntaryamira.

Avant comme pendant le génocide, la RTLM occupe le premier plan dans la déshumanisation des Tutsis en général et des Inkotanyi en particulier. Ils sont appelés des Inyenzi (blattes) : « Les Inyenzi ont toujours été des Inyenzi, ils sont des Inyenzi et ils demeureront des Inyenzi pour toujours », disait un extrémiste collaborateur de Havyarimana. Les Tutsis n’étaient plus considérés comme des êtres humains, mais des bêtes, des insectes dangereux dont il fallait se débarrasser. Ainsi, tuer un Inkotanyi ou un tutsi, n’était plus perçu comme un crime, mais un acte de nettoyage. Dans la région et dans le monde, très peu s’étaient rendu compte du caractère nuisible des émissions de cette radio.

Le lecteur comprendra que cette réflexion n’aborde pas la part des Inkotanyi dans cette tragédie Rwandaise. La Radio Muhabura du FPR-Inkotanyi ne faisait pas beaucoup moins dans la radicalisation de ces militants, de même que les Inkotanyi sont également responsables d’atrocités innommables commises dans les endroits qu’ils occupaient et même après la victoire. Mais il s’agit tout simplement de mettre en relief la triste pratique de deshumanisation d’un groupe social qui a été utilisée au Rwanda et que, environ deux petites décennies plus tard, des medias tentent d’importer au Burundi.

Depuis ces dernières années, des medias burundais, surtout des radios, ont entrepris de diaboliser une nation et ses institutions, des autorités. Des efforts délibérés et vicieux ont été menés pour marginaliser des groupes sociaux, avec une virulence particulière contre les Imbonerakure du parti CNDD-FDD à travers une campagne ininterrompue de diabolisation qui s’est développé en une tentative délibérée de deshumanisation de ces jeunes, de la même manière que la RTLM le faisait contre les Tutsis rwandais. Signalons de passage que ces medias sont faits essentiellement d’anciens « sans-échecs » des années 1994-1996. Aujourd’hui, ils se sont convertis gratuitement en défenseurs de droits humains avant d’avoir répondu aux crimes du passé.

Pour rappel, beaucoup de qualificatifs dégradants ont, au fur des dernières années, été attribués à ces jeunes du parti au pouvoir. Apres avoir échoué à convaincre le public par rapport aux allégations fallacieuses de la présence des Imbonerakure à Kiliba Ondes en RDC depuis Mai 2014, la RPA va passer à une autre offensive et assimile des groupes de bandits appelés « rukoti » aux Imbonerakure qui terrorisent plusieurs localités de la capitale Bujumbura ainsi que certaines autres provinces comme Bujumbura et Mwaro. Ces Imbonerakure seraient ceux formés en RDC.

L’hypocrisie des opposants burundais les a souvent poussés à mettre au dos des forces de l’ordre ou des Imbonerakure des infractions ou même des crimes commis par leurs propres militants, souvent à travers des assertions les une plus absurdes et ridicules que les autres. La RPA et l’APRODH n’hésiteront pas à affirmer que la centaine de combattants de l’opposition tués ou capturés à Cibitoke en fin d’année dernière étaient des Imbonerakure venus de Kiliba Ondes et que le pouvoir a voulus sacrifier. Paradoxalement, les mêmes medias et les mêmes activistes n’hésitent pas à propager des allégations selon lesquelles des Imbonerakure avaient été alignés pour combattre les rebelles aux cotés des militaires et des policiers. Ces allégations du ridicule sont répétées à la suite de l’incursion fatalement ratée des rebelles dans les provinces de Kayanza et Cibitoke en fin Juin 2015. En plus de plusieurs dizaines d’assaillants tués, plus de 200 autres sont capturés et montrés au public en présence d’ailleurs de nombreux correspondants de la presse internationale. Mais l’un des plus horribles menteurs de notre presse, Gilbert Niyonkuru de la RPA n’y va pas par quatre chemins et affirme dans un tweet qu’ils s’agit des Imbonerakure amenees pour poser comme des combattants : #Burundi#une source proche des imbonerakure dit que les jeunes présentés coe combattants sont orginaire de:Musenyi,rugazi,rukaramu,kanyosha… ».

Ces quelques illustrations suffisent pour démontrer cette tactique de déshumanisation des jeunes du parti au pouvoir pour un objectif bien compréhensible. A l’instar des Inkotanyi ou des Juifs, l’opposition burundaise a toujours cherché à présenter les Imbonerakure comme un groupe dangereux, comme des bêtes sauvages dont on peut même se débarrasser.

Cette tendance s’est concrétisée par la chasse à l’homme menée contre les Imbonerakure depuis le début de l’insurrection en Avril. Quand plusieurs dizaines d’Imbonerakure mais aussi de présumés Imbonerakure ou FDLR sont malmenés, torturés et lynchés publiquement par les insurgés dans les zones contestataires de la capitale et des environs, la presse et certaines organisations ne se gênent pas pour justifier ces actes comme une réponse aux « provocations des Imbonerakure ». Ce qui est sûr, c’est que l’insurrection a couté la vie à plus d’Imbonerakure qui n’ont pourtant joué aucun rôle actif dans cette crise, malgré les provocations excessives des fauteurs de troubles. Il importe de noter que la campagne de diabolisation menée par les extrémistes des medias et de la société civile (comprenant un bon nombre d’anciens sans-échecs des années 1994-5) vise également la police qu’ils veulent présenter comme un corps hutu.

Pour cette sale besogne de deshumanisation, les medias, la société civile et l’opposition ont également aligné la presse internationale et certaines organisations internationales dites des droits humains, de même qu’un bon nombre de chancelleries occidentales. Des professionnels de medias étrangers, surtout ceux de la presse belge et française, des responsables des organisations internationales, des émissaires des pays occidentaux ou encore onusiens sont entrés dans la danse de déstabilisation du Burundi.

Pour ceux qui veulent du mal, les nombreuses campagnes de désinformation et l’ingéniosité lobbyiste des manipulateurs burundais ont porté des fruits. Ils ont pu susciter des interventions à la fois naïves et impérialistes de certains partenaires internationaux, y compris des institutions hautement respectables comme la Maison Blanche et l’Union Européenne. D’aucuns ont été choqués par les déclarations incendiaires et divisionnistes du Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein qui, sans aucune preuve raisonnable, est allé jusqu’à désigner la ligue des jeunes Imbonerakure comme « une milice dangereuse, hors-la-loi, à démanteler ».

Ainsi, les menteurs burundais ont réussi non seulement à cacher leur vraie face et leurs crimes, mais aussi à s’attirer l’admiration des naïfs et des opportunistes tant nationaux qu’internationaux qui sont prêts à défendre et à justifier les crimes médiatiques les plus abominables et inhumains dont ils se sont régulièrement rendus coupables. Et tout comme les cris d’alarmes des Inkotanyi et des Tutsis du Rwanda ont été fatalement négligées par le monde, de même les grognes de ces paysans du Burundi par rapport aux dérives de cette presse aux allures impérialistes sont systématiquement ignorées et délibérément étouffées.

C’est comme si le monde ignore encore que certains medias burundais, avec en tête la Radio Publique Africaine (RPA) sont responsables des plus grossiers mensonges de l’histoire médiatique aussi bien au Burundi qu’ailleurs. Ces medias conservent notamment l’apanage d’annoncer la mort ou la disparition de personnes bien portantes. Leurs montages quotidiens, suivis par un tapage médiatique méchant ont contribué à radicaliser inutilement les esprits faibles parmi la population et les partenaires internationaux.

Quand des medias et une certaine société civile provoquent un exode inutile de plusieurs dizaines de milliers de citoyens à cause de la rumeur ; quand ils engagent des nourrissons et des mineurs dans des mouvements insurrectionnels et rebelles armés ; quand ils nourrissent la jeunesse de stupéfiants ; quand leurs milices font la chasse à l’homme contre des Imbonerakure ; quand ils tuent ou brûlent des passants pris pour des FDLR ; quand ils détruisent des biens et des infrastructures ; quand ils perpètrent des attentats terroristes, la fameuse communauté internationale continuent de les bénir comme des manifestants pacifiques et des organisations mafieuses et des chancelleries occidentales sont aux aguets pour les défendre, pour justifier leurs crimes, parfois par usage de la violence et de menaces contre le gouvernement.

Mais la plus grande déception vient plutôt du Président Rwandais, Paul Kagame, chef des victimes de cette pratique « rtlmienne ou hitlerienne » de deshumanisation. Son comportement par rapport à la crise burundaise montre une victime qui oublie assez vite pour permettre aux semblables de la RTLM de s’installer gaillardement dans son pays, après avoir échoué à provoquer les horreurs à la Rwandaise dans un pays jumeau.

Il est difficile de comprendre comment Paul Kagame est finalement devenu l’homme qui peut se laisser emporter par les émotions ethnistes créées par les fauteurs de troubles de Bujumbura, pour héberger des criminels avérés, responsables de nombreuses tentatives de déstabilisation du Burundi. Les plus saillantes de ces tentatives sont surtout la violente insurrection, le putsch raté du 13 mai et les récentes incursions rebelles. Notre voisin du Nord est devenu le protecteur des plus grands ingénieurs du mensonge et de la rumeur qui sèment la terreur au Burundi. Il n’y a pas de doute, si certaines radios burundaises avaient travaillé dans les conditions d’un peuple inexpérimenté et naïf et d’un leadership aussi faible que celui du Rwanda de 1994, un drame proche du génocide rwandais et tant voulu par l’opposition burundaise, se serait déjà abattu sur le Cœur de l’Afrique.

De plus, pourquoi ce mariage de Kagame et l’occident pour déstabiliser le Burundi ? Depuis son arrivée au pouvoir, d’aucuns ont souvent été soulagés par ses positions anti-impérialistes prononcées contre des accusations intempestives en provenance de l’occident surtout par rapport à la situation des droits humains, des libertés publiques et politiques. Il y a seulement quelques années, des puissances avaient décidé de suspendre l’aide bilatéral destiné au Rwanda suite à un rapport impliquant le Rwanda dans la déstabilisation de l’Est de la RDC. Même si la part du Rwanda de Kagame dans les perpétuels troubles de l’Est de la RDC, il n’en reste pas moins vrai qu’on ne peut pas toujours se fier aux rapports de cette soi-disant communauté internationale.

Et l’occident ne faisant vraiment rien de mieux que nous en termes de respect des droits humains, beaucoup sont convaincus que nous avons besoin de dirigeants à la fois fermes et corrects qui défendent la souveraineté de notre continent. Et à un certain moment, Kagame m’avait donné l’impression de remplir ce profil, même s’il m’a aussi déçu par son soutien aveugle à l’invasion absurde de la Lybie. Dans tous les cas, il a à maintes reprises démontré une ténacité exceptionnelle face à l’impérialisme. Une réponse aux accusations de certaines organisations dites des droits humains m’avait particulièrement ému : «… these are small things developed by small people… » [… ce sont de petites choses évoquées par de petites gens…].

C’est donc un triste paradoxe que Kagame s’allie aux impérialistes qu’il connait très bien, pour déstabiliser le Burundi. Les solutions que veulent nous imposer les occidentaux sont très proches de celles apportées à la Lybie, à la Syrie, à l’Ukraine, à l’Iraq. Kagame n’ignore pas le résultat de cette ingérence : de grandes nations ont été ruinées pour devenir des repaires des terroristes de tout acabit.

Est-ce cela que Kagame veut voir arriver au Burundi ? Parce que les soi-disant opposants et activistes Burundais qui ont infiltré la conscience de Kagame et des occidentaux ne diffèrent en rien des félons Iraquiens qui ont aidé les américains à détruire leur pays. Il en est de même des suppôts libyens, syriens, ukrainiens.

Autant les Américains ne nous ont pas montré les fameux « Armes de Destruction Massive », autant les activistes et les medias burundais n’ont jamais donne une seule preuve de distribution des armes aux Imbonerakure, encore moins la présence d’un seul élément FDLR sur le sol Burundais. On garde seulement la mémoire de plusieurs étrangers résidant légalement au Burundi qui ont failli être lynchés par les insurgés qui les avaient pris pour des FDLR. Par ailleurs, le président rwandais est suffisamment informé sur le Burundi et comprend très bien que le Burundi n’a pas besoin des FDLR pour se défendre. Et puis contre qui ?

De même, le Président Rwandais doit avoir constaté que parmi les quelques milliers de Burundais accueillis avec tant d’empressement sur son territoire, aucun n’est entré avec une quelconque blessure. Ils ont eu le temps de faire leurs bagages. Une bonne part de nos « self-made » refugiés ont eu plusieurs jours pour faire la queue devant les services de migration pour chercher leur passeport, devenant probablement les premiers « refugiés de l’histoire du monde » à demander des papiers de voyage auprès des services d’un pouvoir qui « veut les tuer ».

A supposer que l’Europe et l’Amérique ont droit à l’erreur sur ce qui se passe au Burundi, il ne doit strictement pas en être le cas pour le Rwanda. On n’a jamais vu de guerre qui se déroule au Burundi sans affecter le Rwanda. L’inverse non plus. Dans la logique et le moral des choses, c’est un acte suicidaire pour Kagame de chercher du mal à son jumeau. De plus, le Rwanda ne peut pas avoir vécu les conséquences de la haine et en même temps soutenir des rebelles journalistes qui ne font pratiquement rien de moins que ce que faisaient ceux de la RTLM.

Quant aux occidentaux, ils devraient éviter à tout prix la réédition des erreurs destructives du passé. Au cours de l’histoire, ils ont souvent causé des troubles et des catastrophes dont les conséquences sont restées confinées loin de chez eux. Depuis la fin de la 2e Guerre Mondiale, les USA, la France ainsi que les autres puissances ont provoqué ou soutenu des guerres fratricides dans un bon nombre de pays sans que leurs territoires et leurs populations en souffrent pour autant.

Toutefois, il est de plus en plus évident que ces puissances ne resteront pas toujours épargnées par les conséquences de leur ingérence démesurée dans les affaires des autres pays. L’intensification du terrorisme jusqu’au cœur des capitales occidentales, les gros budgets dépensés aujourd’hui par l’Europe pour financer les opérations de sauvetage et d’accueil des centaines de milliers de migrants clandestins provenant surtout des pays que l’Europe et l’Amérique ont ruinés constitue également des signes éloquents qu’aucun pays, aucun continent ne devrait se plaire à provoquer inutilement des malheurs dans un autre, si lointain qu’il soit. Pour le cas du Burundi, « la Main du Tout Puissant n’attendra certainement pas qu’ils ruinent notre pays ».

Yohani MITAGATO