Discours S.E. l’Ambassadeur Albert SHINGIRO lors de Réunion de la Configuration Burundi de la Commission de Consolidation de la paix

New York, le 9 septembre 2015
Monsieur le Président et cher collègue,

Je voudrais dès l’entame de mon propos vous remercier pour avoir organisé cette importante réunion qui arrive à point nommé au moment où le Burundi vient de clôturer le processus électoral de 2015 par l’organisation des élections collinaires qui ont eu lieu le 24 août 2015 dans des conditions satisfaisantes.
Permettez-moi également cher Jurg Lauber de vous féliciter sincèrement pour votre désignation à la présidence de la configuration pour continuer l’excellent travail entamé par votre prédécesseur Paul Seger. Nous vous réserverons tout naturellement, le même degré et la même qualité de coopération que votre prédécesseur et nous sommes certain aussi que vous saurez garder l’excellente qualité de prestation ou même aller bien au-delà.
Je voudrais également remercier tous les membres de la configuration-Burundi ici présents pour l’intérêt qu’ils accordent à la question burundaise depuis le début de notre processus électoral jusqu’à sa clôture le 24 août 2015 et même après.
Monsieur le Président, depuis environs 5 mois, les Burundais et leurs partenaires étaient très occupés par le déroulement du processus électoral de 2015 au Burundi, processus qui, par moment a suscité des préoccupations de certains d’entre vous.
Aujourd’hui, au lieu de revenir en arrière pour parler des succès et des difficultés rencontrées lors de ce processus, nous devons plutôt tourner nos yeux vers l’avenir du Burundi et le développement économique durable de son peuple, corriger les erreurs du passé pour affronter l’avenir avec sérénité.
Ma délégation saisit cette bonne occasion pour remercier les organisateurs des élections au Burundi ainsi que tous ceux qui ont prêté main forte pour la réussite de tous les scrutins de notre cycle électoral.
L’étape à laquelle nous sommes aujourd’hui trois semaines après l’investiture du nouveau président élu, est un signe éloquent et rassurant qui montre que le peuple Burundais a fait un pas décisif et appréciable sur le chemin de la démocratie, une démocratie fondée sur l’expression libre de la volonté du peuple, et concrétisée par le respect de la volonté du peuple exprimée à travers les urnes malgré les difficultés rencontrées en cours de route.
Monsieur le Président, lors du discours d’investiture le 20 août, le président élu, Son Excellence Monsieur Pierre NKURUNZIZA a rappelé que la victoire remportée aux dernières élections appartient à tout le peuple burundais, ceux qui ont voté pour lui comme ceux qui ont porté leur choix sur d’autres candidats, et même les étrangers vivant au Burundi.
Par la même occasion et pour lever les inquiétudes de certains de nos partenaires, il s’est fortement engagé à respecter l’arrêt de la Cour Constitutionnelle en ce qui concerne le 2ème et dernier mandat au suffrage universel direct qui a été également reconnu par la Cour de Justice de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Vous aurez alors compris qu’en 2020, le Burundi aura un autre président qui ne s’appelle pas Pierre NKURUNZIZA conformément aux prescrits de notre constitution et à l’arrêt susmentionné.
En démocratie, comme il l’a bien souligné le Président de la République le jour de son investiture, la liberté de chacun est la règle, la majorité, un corollaire. On devrait comprendre qu’au Burundi ne fonctionne pas l’adage « Malheur au vaincu ! », car les concourants sont des frères et des sœurs, et non des ennemis. Ainsi, l’élu est élu pour tous, et celui pour qui on n’a pas voté a l’obligation de rejoindre le camp des autres pour prendre part à la construction de son pays. C’est ce que la Coalition amizero y’abanyagihugu d’Agathon Rwasa a fait en intégrant les institutions issues des élections à plusieurs niveau responsabilité.
Cet esprit d’ouverture et de flexibilité a été traduit dans les faits par la formation d’un gouvernement d’union nationale respectueux de la constitution du Burundi et de l’accord d’Arusha comme cela avait été suggéré par le sommet des chefs d’Etat de l’EAC tenue le 31 mai 2015 à Dar Es Salaam en Tanzanie.
En effet, le nouveau Gouvernement du président NKURUNZIZA comprend, 12 Ministres issus du parti vainqueur, 5 ministres (soit 25%) proviennent de la coalition Amizero y’Abanyagihugu dirigée par l’honorable Agahton Rwasa, lui-même devenu premier vice-président de l’Assemblée Nationale, et 3 ministres apolitiques, celui de la sécurité publique, de la défense nationale et de la justice.
Le nouveau gouvernement respecte aussi strictement les quotas prescrits dans l’accord d’Arusha. Il est composé de 60% de Hutu, 40% de tutsi et un minimum de 30% de femmes.
Dans la même logique d’inclusivité, nous pouvons dire que les citadins, les habitants de la Mairie de Bujumbura ont été écoutés lors de la formation de ce gouvernement. En effet, le premier vice-président est originaire du quartier contestataire de Nyakabiga, le Ministre des relations Extérieures est aussi originaire de Ngagara, un des quartiers de Bujumbura qui a participé aux manifestations préélectorales. Il en est de même pour le nouveau Maire de la ville de Bujumbura la capitale qui est ressortissant du Quartier Musaga, aussi quartier contestataire.
L’ouverture et l’inclusivité du Président NKURUNZIZA ne se limitent pas uniquement aux membres du Gouvernement. Au niveau des bureaux des deux chambres du parlement, Agathon Rwasa, Président de la coalition amizero y’Abanyagihugu a été élu au poste de premier vice-président de l’Assemblée Nationale. Au Sénat, l’Honorable Anicet NIYONGABO, de l’Uprona (opposition) a été élu au poste de deuxième vice-président du Sénat. Parlant du Sénat, ma délégation est heureuse de vous informer que le nouveau Sénat élu est composé de 50% de femmes et 50% d’hommes. Ce qui est une avancée significative dans la promotion de l’égalité entre sexe dans notre pays.
Monsieur le Président, il faut dire que cette victoire de la démocratie, nous la devons avant tout au peuple burundais même si les amis du Burundi y ont également contribué de près ou de loin. Ma délégation remercie la Communauté Internationale dans son entièreté, l’Union Africaine, les pays de la Sous-Région et les Etats de la Communauté Est Africaine pour tous efforts consentis à plusieurs reprises afin que les élections puissent se tenir dans les délais consacrés par la Constitution de notre pays.
Je répète ici que le Président NKURUNZIZA a été investi Président de toute la République du Burundi et de tous les Burundais ; les bonnes décisions qu’il prendra au cours cette législature seront dans l’intérêt de tous les Burundais, sans discrimination. Le 20 août dernier, il s’est engagé à travailler avec tous les Burundais, pour tous les Burundais, sans aucune exclusion.
Monsieur le Président, en ce qui concerne les réfugiés, il a été clairement établi que ceux qui ont fui le pays l’ont fait à cause des rumeurs qui ont entouré le processus électoral en grande partie. Le Président de la République a invité tous les réfugiés à rentrer au pays pour se joindre à leurs frères et sœurs dans la construction du pays natal. Nous demandons aux pays qui ont accueilli les réfugiés et les HCR de coopérer pleinement pour faciliter leur retour volontaire au pays.
Même si nous clôturons la phase finale des élections, ici je paraphrase un des passages du discours d’investiture du chef de l’Etat. « Nous condamnons énergiquement ceux qui ont tenté en vain de nous plonger dans une période transitoire que les Burundais commençaient à oublier, ceux-là même qui se sont cachés derrière les manifestations à caractère insurrectionnels pour essayer de renverser les Institutions démocratiques le 13 mai 2015».
Ma délégation saisit cette occasion pour remercier les Forces de l’Ordre ainsi que les nombreux citoyens patriotes qui se sont levés comme un seul homme pour les combattre et qui ont réussi à les décourager sur ces pratiques démodées de changement de régime par des moyens non constitutionnels. Nous remercions aussi tous les partenaires étrangers qui ont condamné cet acte ignoble à la première heure le 13 mai 2015. Ils ont ainsi choisi le bon côté de l’histoire politique de notre pays.
Ma délégation souhaite rappeler que dans un pays comme le nôtre qui fait encore ses efforts pour consolider la paix, la justice et la sécurité, il n’est pas d’autre pilier solide sur lequel peut s’appuyer l’Etat de droit si ce ne sont les élections libres, apaisées et transparentes. Toute alternative à la voie démocratique est inacceptable.
C’est pourquoi le président de la République s’est engagé de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que la paix et la sécurité soient plus renforcées dans le pays et que les relations sociales entachées suite aux idées et au désordre des uns et des autres durant la période électorale puissent être réparées.
A cet effet, le Président élu a demandé aux formations politiques de se ressaisir et de revoir en profondeur leur politique intérieure d’unité et de discipline, et de sensibiliser leurs militants afin qu’ils restent unis. Il les a conseillés de rejeter loin de toute forme de division, de renoncer à toutes ces tentations et manœuvres qui les incitent à s’entretuer sous prétexte qu’ils ne sont pas de même appartenance politique, ethnique, régionale, etc.
Dans la même foulée il a demandé aux associations de la Société Civile de ne pas s’immiscer dans les affaires politiques et de se garder de tout acte ou parole susceptible de provoquer la division et des dissensions de quelque nature que ce soit, d’inciter aux tueries, comme cela est apparu lors des récentes insurrections. Il les a appelés à se préoccuper plutôt du bien-être de la population en l’appuyant dans ses actions de développement.
Il a lancé le même appel aux Responsables des Confessions Religieuses de poursuivre la mission leur confiée par Dieu pour prêcher la Bonne Nouvelle à travers le pays. Il les a invités de se garder des actions politiciennes susceptibles de les détourner de l’orientation tracée par Dieu. Il les a plutôt invités à continuer à intervenir dans les travaux de développement du pays et dans la promotion des droits de l’homme et des valeurs burundaises.
Monsieur le Président, concernant le dialogue et la concertation, les deux doivent rester parmi les priorités des priorités, car le pays sera fort et puissant s’il dispose des partis politiques forts, des confessions religieuses fortes, une société civile forte, c’est-à-dire dont les membres sont solidaires dans le bien, et tolérants face aux idées des opposants.
Le dialogue que certains nous proposent, nous voudrions vous rappeler que ce n’est pas une nouveauté pour les Burundais, car c’est une orientation politique que nous avons adoptée depuis l’année 2005, et qui nous a fait parvenir aux résultats ci-après : le forum des partis politiques, la mise en place d’une CENI consensuelle, l’adoption du code électoral et le code bonne conduite consensuels et tout près de nous, la formation d’un gouvernement d’union nationale respectueux des accords d’Arusha et de la constitution.
A cet égard, ma délégation réaffirme que le dialogue va se poursuivre, car c’est lui qui caractérise la bonne gouvernance et le maintien de la cohésion nationale. Cette tâche revient avant tout au Burundais même si les conseils des amis en la matière restent les bienvenus.
C’est dans ce cadre que le Président de l’Assemblée Nationale Pascal Nyabenda (parti au pouvoir) et son vice-président Agathon Rwasa (opposition radicale), viennent d’effectuer une tournée dans la sous-région en Uganda, en Tanzanie et au Kenya pour briffer aux chefs d’Etat de la Région de l’état d’avancement du dialogue interne qui a abouti à la formation du Gouvernement d’Union Nationale conformément aux recommandations du Sommet de l’EAC du 31 mai 2015 et de la normalisation progressive de la situation politico-sécuritaire au Burundi.
Pendant ce temps, le Deuxième Vice-président de la République est allé à Brazaville avec un message du Président de la République à son Homologue Congolais Denis Sassou Ngheso. Ce fut aussi une bonne occasion pour lui présenter l’état d’avancement du dialogue interne qui a abouti à la formation du Gouvernement d’union nationale disais-je au sein duquel le parti au pouvoir et l’opposition radicale ont décidé de travailler main dans la main pour le bien de la population burundaise. Bref la dynamique nationale et sous régionale est bien vivante.
Pour ce qui est de la sécurité pour tous, le dois dire ici que la sécurité est la pierre angulaire de tout, car en l’absence de sécurité, aucune bonne action, aucun développement n’est possible. Les Burundais épris de paix et d’égalité se sont engagés à la sauvegarder nuit et jour et avec détermination. Le Burundi poursuivra son programme de désarmement en conciliant répression et prévention.
Pour ce qui est de la réconciliation nationale, le Gouvernement du Burundi sous le leadership éclairé du président NKURUNZIZA, a mis en place la Commission Vérité et Réconciliation (CVR). Les membres de cette dernière ont été appelés à se mettre rapidement à l’œuvre pour informer les burundais sur les succès et les échecs du passé, en vue de dire définitivement adieu aux antagonismes politico-ethniques qui ont marqué l’histoire sombre de notre pays, et ainsi construire un avenir radieux aux générations présentes et à venir.
Parlant justement de l’avenir, ma délégation voudrait demander à nos partenaires de se focaliser plus vers l’avenir du Burundi et d’avancer ensemble avec les Burundais. Pour ceux qui ont décidé de suspendre leur aide au développement ou qui envisagent de le faire, je dois avouer qu’une telle décision pénalise le peuple burundais. Si de telles suspensions ont été motivées par une appréciation différente de celle des autorités nationales par rapport au processus électoral, c’est le moment maintenant de restaurer la confiance entre nous, de revoir les choses qui n’ont pas bien marché par endroit, et procéder à leur correction dans un cadre de coopération mutuellement profitable et respectueux. Nous devons composer avec le réalisme politique et éviter un retour en arrière qui ne profite à personne.
Toujours dans le cadre de la restauration de la confiance, nous demandons humblement à certaines capitales du nord comme du sud qui hébergent les putschistes du 13 mai 2015 et malfaiteurs burundais en cavale de bien vouloir coopérer pour que ces derniers puissent être traduits devant la justice, ce serait aussi participer à la démocratisation et à la lutte contre l’impunité dans le pays.
Nous les invitons également et ceci dans le respect de la charte des Nations Unies, de faire en sorte que des activités à caractère subversif de certains groupes formés dans la foulée des élections et visant à déstabiliser le Burundi ne soient pas organisées dans leurs pays.

Le Burundi s’est engagé à poursuivre sa diplomatie pacifiste avec ses partenaires et souhaiterait que le principe de la réciprocité lui soit appliqué dans ce sens. L’histoire récente des relations internationales a prouvé qu’une diplomatie belliqueuse envers ses voisins ou autre pays est contreproductive et n’a d’autres résultats que la souffrance des peuples.
Pour ce qui est de la liberté de la presse, ma délégation souhaite vous informer que le Gouvernement du Burundi n’a jamais fermé aucun media privé contrairement à ce qui se dit dans certains milieux politique et journalistique, les quelques média privés (3 ou 4) partiellement détruits l’ont été suite au coup d’état déjoué du 13 mai 2015. A part ces quelques média, les autres continuent de fonctionner normalement. Le dialogue est encore avec toutes parties prenantes du domaine journalistique afin de permettre à ceux qui ne sont pas impliqués dans le putsch du 13 mai 2015 de reprendre leurs activités.
Monsieur le Président, en matière de développement intégral et inclusif, le nouveau gouvernement compte élaborer et mettre en œuvre un nouveau Cadre Stratégique de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté. A cet effet, nous sollicitons l’appui de nos partenaires traditionnels et non traditionnels pour la mise en application de ce projet ambitieux visant à réduire la pauvreté au Burundi. C’est ici que le rôle de la configuration-Burundi devient crucial étant donné que sa mission principale de mobilisateur de ressources en faveur des pays post-conflits. La configuration peut servir de pont entre le Burundi et ses partenaires dans le cadre de la restauration de la confiance les deux parties durant la phase de reconstruction du pays.
Pour terminer Monsieur le Président, ma délégation voudrait réaffirmer l’engagement solennel du Gouvernement du Burundi à œuvrer pour le bien-être de toute la population burundaise dans sa diversité politique, ethnique, religieuse, etc. et je puis vous assurer que personne ne sera laissé derrière.