Élections de 2015 au Burundi et pressions extérieures, les dessous des cartes Par Bucyalimwe Mararo Stanislas

1. INTRODUCTION.

“Why Burundi? I have never heard the US government cutting off aid for Rwanda or Uganda for ” unfair and not free ” elections… Kagame’s lobbyists need one thing for their client; a failed state of Burundi. Why? Kagame wants to ruin Burundi so that he installs a proxy ” government” who will facilitate Kagame to destabilize DRC through Burundi.. Kagame is determined to cause insecurity in Tanzania because Tanzania smoked Kagame’s M23 out of Congo. Kagame needs Burundi for a vehicle to destabilize Tanzania… Finally, who will control Burundi’s newly discovered precious minerals is an important factor to consider as the world analyses Burundi’s crisis. The fact that Russian based companies, not western companies, have taken over the mines in Burundi is crucial to contextualize US government and some Western allies’ resolve to squeeze Burundian government, regardless the popular support president Nkurunziza’s government enjoys. Is it possible to get rid of Burundi government and its supporters without creating a failed State in Burundi? Ruining Burundi would mean that Kagame becomes the only contractor for, and supplier of essential goods to, Burundi. That’s Kagame business empire ideal. Will Kagame and his lobbyists ruin Burundi using the US, UK and UN“ (Tribune Franco-Rwandaise, 08 Juillet 2015).

“Nta gihugu cyubak’ikindi”/Aucun pays ne construit un autre (Gaston Sindimwo, Vice-président de la République du Burundi, Interview en Kirundi, Radio Burundi Internatiole, 22 août 2015).
Depuis quelques mois, le Burundi défraie la chronique en Afrique des Grands Lacs. Les nouvelles qui viennent de là et d’ailleurs soulèvent des interrogations de la part des observateurs avisés et honnêtes. Selon le schéma officiel, la crise actuelle au Burundi ne serait qu’une crise politique consécutive à l’annonce de la candidature de Pierre Nkurunziza à sa réélection à la présidentielle de 2015: “In direct violation of the Arusha treaty, President Pierre Nkurunziza, who came to power in 2005, registered Friday to run for a third term in office in elections scheduled for June 26, 2015… To defuse the situation, Mr. Nkurunziza should set aside his candidacy” (“An electoral crisis in Burundi”, The Washington Posts’s View, May 9, 2015). Prévue pour le 26 juin 2015, cette élection fut organisée le 21 juillet 2015. Élu avec près de 70% des voix, Pierre Nkurunziza a prêté serment le 20 août 2015.
Même si cette élection s’est déroulée dans des conditions controversées ou “peu crédibles” (USA, ONU), les résultats sont là. Personne ne peut nier, sauf les manipulateurs, les propagandistes habituels et leurs suppôts, que Pierre Nkurunziza jouit de la popularité parmi les Burundais. Donc beaucoup de Burundais se retrouvent en lui, dans son leadership. Si je ne me trompe pas, il y a trois présidents qui l’ont félicité officiellement pour sa réélection, c’est le président russe Vladimir Poutine, le président angolais Eduardo De Santos, et le président chinois Xi Jinping (Iwacu, 20 août 2015; AGnews, 21 août 2015). Ce qui signifie que Pierre Nkurunziza ne manque pas d’autres soutiens. Comme la journaliste belge, Colette Braeckman le fait observer, ce dernier n’est pas si seul qu’on peut le croire (29 mai 2015).
Faire de lui un homme seul, totalement isolé (Nicolas De Decker, 26 mai 2015) ou un fou, un paranoïaque (Le Pays, 22 mars 2015), un capricieux (Marie-France Cros, 28 juin 2015) serait une pure fantaisie ou une stratégie qui consisterait à détourner l’opinion de la réalité: «Le parti présidentiel adresse ses remerciements à certains pays voisins et lointains pour l’avoir soutenu au moment où certaines puissances usaient de leur position dans le concert des nations pour opprimer le Burundi et piétiner ses droits civils et politiques: ‘Nous rappelons que tous les pays qu’ils soient riches ou pauvres, grands ou petits, tous sont égaux en droits et en dignité’ » (Elyse Ngabire, Iwacu du 12 août 2015). Dans cette déclaration, on sent un certain agacement, voire une colère face aux multiples tentatives de certaines grandes puissances d’imposer leurs diktats au Burundi en violant délibéremment le principe de la souveraineté nationale ou celui de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats. L’attitude du gouvernement de Pierre Nkurunziza serait dictée plus par la défense de la liberté et de la souveraineté nationale que par le souci de se maintenir au pouvoir à tout prix. D’ailleurs, il a annoncé qu’il ne se représentera pas en 2020. Pourquoi ne pas lui accorder le crédit de confiance quant au respect de la parole donnée?
Deux mises au point faites indépendamment l’une de l’autre ramènent le débat au bon sens. La première vient d’Ittamar Jackson Muhindo qui, en écrivant avant la désignation de Pierre Nkurunziza par le CNDD-FDD (24 avril 2015) comme son candidat à la présidentielle de 2015, soulignait ceci: “En substance, la logique en cours à Bujumbura en ce mois de mars 2015 finissant, avec le retranchement de Nkurunziza dans le silence calculé et le mystère tactique est tout le contraire de l’improvisation ou de l’arbitraire cosmique, encore moins du hasard situationnel ou de la démence morbide, qu’elle soit par ailleurs implicitement suspecte ou ouvertement déclarée. Autrement dit, Pierre Nkurunziza n’est pas fou, C’est un calculateur froid qui suit des modèles opérationnels bien connus” (27 mars 2015). Quant à l’Agence Burundi 24, elle tirait cette conclusion prudente: “Sans l’EAC/East African Community, les Occidentaux savent qu’ils ne peuvent pas renverser Nkurunziza. Mais vigilance” (16 juin 2015). La satisfaction du CNDD-^FDD se lit dans ce message: “‘Les élections ont été bien organisées’, malgré les ‘efforts’ et les ‘pièges tendus’ par ‘certains Burundais qui n’aiment pas leur pays, en connivence avec certains étrangers’, avec notamment comme objectif ‘d’étrangler la démocratie’» («Le CNDD-FDD salue le ‘miracle divin’ de la réélection de Pierre Nkurunziza », La Libre Belgique, 13 août 2015).  
En effet, les médias et les discours officiels nous présentent un pays où rien ne va: –
“Nkurunziza un satrape devenu dictateur”;
Tueries en série (bilan officiel qualifié de très alarmant: une centaine des morts enregistrés au cours des 6 derniers mois de manifestations anti-3ème mandat);
Fusils d’assaut contre cailloux;
Violations massives des droits de l’homme;
Nkurunziza un criminel de guerre;
Nkurunziza un président qui marche tête baissée vers son destin;
Nkurunziza a déclaré la guerre au peuple et doit quitter le pouvoir”;
Peter n’a plus rien d’un rassembleur;
Nkurunziza est l’otage des radicaux de son camp;
Nkurunziza est pris dans sa propre folie, la raison seule l’aurait conduit à renoncer au 3ème mandat;
Nkurunziza a perdu la raison. Il a le monde contre lui;
Nkurunziza constitue un danger pour l’équilibre ethnique;
L’isolement total semble être l’unique mesure qui porterait ses fruits car Peter est un enfant qui n’écoute pas. Il est pris dans son propre piège et pressurisé de tous côtés. Il a tout à perdre. On ne peut pas lui laisser le choix;
Le régime CNDD-FDD est répressif. Il remuerait le spectre ethnique ou constituerait une menace pour l’ethnie tutsie. Il faudrait le détruire par tous les moyens.
Donc, on nous présente un pays qui serait au bord de l’explosion et où le Rwanda serait prêt à intervenir pour prévenir l’hécatombe annoncée ou en préparation (Filip Reyntjens, 27 avril 2015; Gratien Rukindikiza, 30 avril 2015; David Gachuruzi, 12 juin 2015).
Dans cette messe noire, une certaine opposition et une certaine société civile font corps avec une certaine communauté internationale (Belgique, Etats-Unis, France, Rwanda, Ouganda et ONU). Beaucoup d’experts Européens et Américains préfèrent ne pas parler de cette collusion; comme d’habitute ils se limitent aux dimensions internes de la crise; ils se gardent de parler de ce qui agite et fait courir ces Occidentaux dont le zèle étonne parfois.
Face à ce “tableau sombre” présenté ci-haut et ce “mensonge par omission”, je me pose trois questions: Pourquoi tant d’hystérie contre la candidature de Pierre Nkurunziza alors que ses relations avec le potentat rwandais, Paul Kagame, ne souffraient, jusque là, d’aucun brouillard? Pierre Nkurunziza (fils d’un père hutu et d’une mère tutsie, car c’est pour cela qu’il était plebiscite par ces mêmes Occidentaux en 2005 contre un rival, Hutu de père et de mère) incarne-t-il réellement le mal burundais ou constitue-t-il le danger pour les Tutsis et l’obstacle à la démocratie? Ce qu’on dit de lui et ce qui se passe dans son pays depuis mars 2015 ne seraient-ils pas l’arbre qui cache la forêt? Je voudrais essayer d’y répondre dans les sections qui suivent en analysant les dimensions internes et externes (enjeux régionaux et internationaux) de la crise et en dégageant la part de responsabilité de différents acteurs de la crise actuelle au Burundi.

2. FAITS

.Depuis juillet 1993, le Burundi a connu 6 présidents : les deux premiers ont été tués sans avoir passé chacun plus de trois mois à la tête du pays ; le dernier, Pierre Nkurunziza est apparu dans un contexte particulier, celui de l’ ordre politique balisé par l’accord d’Arusha (2000) sponsorisé par des outsiders. Ci-après le retour aux faits.
La Charte de l’unité nationale mise au point après les événements tragiques de Ntega et Marangara (1988) mettait fin à un régime tutsi vieux de 25 ans (depuis l’avènement du colonel Michel Micombero au pouvoir en 1966) et marquait le début d’une ouverture politique symbolisée par l’entrée de quelques Hutus dans le gouvernement (gouvernement Adrien Sibomana, 19 octobre 1988- 10 juillet 1993, EXÉCUTIF – Mandat – Chef de l’État – Burundi, 04 juillet 2005). Ce processus aboutit aux élections de juin 1993 qui portèrent Melchior Ndadaye (Hutu du FRODEBU) au pouvoir. Cette victoire électorale fut remise en cause par les caciques tutsi de l’UPRONA (les officiers de Bururi en tête) et le leadership du FPR (Paul Kagame en tête) qui était alors en guerre pour la reconquête du pouvoir au Rwanda. Ils assassinèrent le président-élu le 21 octobre 1993, soit seulement trois mois après son investiture (10 juillet 1993). Avec cet assassinat, le processus démocratique fut aussi tué. L’armée reprit le pays en main, le paroxysme étant le coup d’état de Pierre Buyoya du mois de juillet 1996 (veille de l’invasion du Zaïre) lui qui avait perdu les élections de juin 1993. La guerre civile qui a suivi cet assassinat a duré pratiquement 12 ans (1993-2005).
Les négociations et l’accord d’Arusha qui a marqué la fin de cette guerre civile ont accouché d’un ordre politique très fragile. Pierre Nkurunziza (chef d’une faction du CNDD, le CNDD/FDD), prit le pouvoir en 2005 après avoir été élu par l’Assemblée nationale; il le partagea avec les anciens dignitaires de l’UPRONA. Pour beaucoup d’observateurs, ce modèle de partage du pouvoir qui reposait sur l’équilibre ethnique (quotas ethniques) boudé par certains acteurs burundais au départ semblait porter ses fruits. Car la pacification des esprits commençait à prendre forme avec comme résultat la diminution des tensions ethniques. Malheureusement, ce consensus politique et cette expérience démocratique sont aujourd’hui en train de voler en éclats. La candidature de Pierre Nkurunziza à la présidentielle en 2015 a, à mon avis, servi de prétexte pour remettre à la surface les contradictions de cet ordre politique. Si pour Stef Vandeginste cette crise est essentiellement d’ordre politique (Briefing: Burundi’s electoral crisis – back to power-sharing politics as usual?”, in African Affairs Advanced Access, August 17, 2015 p.9,), pour J. Peter Pham, la dimension ethnique est capitale: “Reading recent pronouncements about the crisis in Burundi issued by the US State Department, one would think that the ambitions of incumbent President Pierre Nkurunziza for a third term are the only real issue. Of course, the question of whether he can and should seek another five years in office raise, respectively, serious, distinct issues of law and of policy, which constitute legitimate topics for debate not only by jurists and political scientists, but ultimately by the people of the Central African country who should have the final say. However, outsiders, well-meaning or otherwise, hardly make this task any easier by repeatedly framing it exclusively as a matter of term limits while ignoring key aspects of the social, historical, and political dynamics at play” (Crisis in Burundi: The Missed Ethnic Dimension”, The Atlantic Council, June 8, 2015).
Ce sont ces deux positions qu’il convient de confronter en intégrant le facteur qui est délibéremment occulté dans les medias et les discours officiels, à savoir le poids des interventions extérieures que les papiers suivans mettent en lumière:

 Londende Lokenge, Les Tutsis, gendarmes des Américains en Afrique, 31 août 1998” (http://jkanya.free.fr/Tutsigendarmes.pdf);

 Gearóid Ó Colmáint, “Are the US and the EU Sponsoring Terrorism in Burundi?”, in Global Research, May 15, 2015;

 Luc Michel, “Ingérence néocoloniale au Burundi : la Belgique entend dicter l’agenda politique à Bujumbura!”, L’Info Alternative, 21 mai 2015;

 “Burundi: derrière les marionettes, les décideurs”, Opinion internationale, 9 juin 2015;

 Roland Rugero, Understanding the Crisis in Burundi”, World Policy Blog, July 15. 2015;

 “L’échec du putsch du 13 mai a complexifié et régionalisé la crise burundaise”, Iwacu, 23 juillet 2015;

 “Révélations autour du plan des Américains avec Kagame pour attaquer le Burundi”, Burundi 24, 23 août 2015.
A la fin, on pourra bien compendre que la crise actuelle au Burundi est, comme le dit Roland Rugero, plus qu’une simple question d’interprétation constitutionnelle: “As this global struggle plays out, it is important to understand that the conflict is about more than a question of constitutional interpretation”. L’analyse des différentes réactions à cette crise est l’une des démarches intéressantes à suivre pour y voir clair.

3. RÉACTIONS À LA CRISE AU BURUNDI

A la page 2 de son étude précitée Stef Vandeginste écrit: “Most political actors of the current have internalized power sharing negotiations as an an alternative means to gain access to power when the ballot box does not allow them to do so. This also suggests a growing tension between power sharing and electoral processes”. Cette assertion qui émane d’un observateur avisé de la scène politique burundaise est claire et puissante car on peut y déduire deux conclusions majeures sur le plan strictement politique.
D’abord, l’hostilité de certains acteurs burundais (Hutus et Tutsis) aux élections car ils anticipent un échec éventuel. C’est parmi eux que se recrutent les plus grands protestataires qui se cachent derrière les manifestations des jeunes (les soi-disant porteurs des “caillous” tout juste une expression empruntée pour le besoin de la cause car ils n’ont rien de commun avec les jeunes palestiniens de l’Intifada , 1987-1991, 2000-2005, qui utilisaient justement les cailloux contre l’armada de la Tshahal, l’armée israélienne d’occupation en Cisjordanie et dans le Gaza), violents et casseurs, qu’on voit dans les rues. L’opportunisme de certains opposants fut décisif dans l’émergence et l’entretien de ce chaos comme Stef Vandeginste le suggère à la page 5 de la même étude: “There is no doubt that part of the internal resistance was indeed driven by opportunism and that several CNDD-FDD officials kept their cards close to their chest in order to be able to the end to choose the victorious side”. Ceux et celles qui voient les événements du Burundi en blanc Opposition) et en noir (gouvernement) omettent cette importante donnée.
Ensuite, cet ordre politique n’avait porté aucun correctif au mal qui ronge la société burundaise, la haine viscérale que se vouent les Tutsis et les Hutus, qui est ancrée dans le mental et revient chaque fois au galop. En fait, les Tutsis et les Hutus ont continué à vivre en chiens de faïence dans la mesure où la méfiance et la peur réciproques n’ont jamais disparu. Même les acteurs internationaux ne jouent pas un jeu franc dans la gestion de ce clivage ehnique car ils se montrent plus accomodants au comportement des Tutsis et préfèrent choisir leurs principaux collaborateurs parmi eux. Cette haine permanente est une autre réalité que les “faiseurs de paix” refusent de voir et d’affronter sans froid aux yeux. La coloration ethnique est bel et bien présente dans la crise actuelle; ne pas en parler ouvertement ou faire endosser la montée des tensions ethniques au seul camp du président Pierre Nkurunziza identifié à tort ou à raison aux Hutus, c’est faire preuve de malhonneteté intellectuelle.
Pour comprendre le dessous des cartes de cette saga dite du “3ème mandat de Pierre Nkurunziza”, il faut bien décrypter les réactions et les actions de certaines personnalités-phare de l’échiquier burundais (Louis Michel, Yoweri Kaguta Museveni) et certains pays qui ont fait de l’Afrique des Grands Lacs leur chasse gardée et entendent maintenir cet état des choses par tous les moyens (Belgique, Etats-Unis). Ces réactions montrent que leur présentation des faits est biaisée et que les solutions mises sur la table sont inappropriées; il est clair que leur principal objectif est plutôt de dicter leur volonté sur ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs.

a. Louis Michel et la Belgique officielle

Dauphin de Mr Jean Gol dont le soutien au FPR est bien connu (Pierre Péan, Noires fureurs, Blancs menteurs, 2005; “Le dernier baroud d’honneur de Louis Michel”, Jambo News, 09 octobre 2010), Louis Michel, est “très proche du major Pierre Buyoya” (“Louis Michel donne toujours des leçons par nostalgie des régimes minoritaires”, Burundi 24, 11 juin 2015). L’une des preuves est le jumelage entre Jodogne- ville de Louis Michel- et Rutovu- village de Pierre Buyoya et de ces deux prédécesseurs à la tête du Burundi Michel Michombero (1966-1976) et Jean-Baptiste Bagaza (1976-1987). L’affaire d’intérêts personnels, étroits n’est pas exclue dans ce jeu (cas non exceptionnel du reste car en RDC on en sait quelque chose).

Cette photo a été prise par un ami à Jodogne le 24 août 2015

Selon la même Agence Burundi 24, Louis est aussi connu pour “son mépris de tout ce que le CNDD-FDD fait au Burundi”. C’est pour cette raison qu’il utiliserait sa position de commissaire européen et de son clan (rappelons que son fils est premier ministre) pour disséminer son venin de haine contre le régime CNDD-FDD en Belgique et au sein de l’Union Européenne. C’est pourquoi, il se montre trop zélé et se met au front comme il le fait au Rwanda et en RDC. Par exemp;le, il fait partie d’une équipe de 5 hommes politiques (dont 3 sont Belges, un fait non anodin) qui fut la première à monter au créneau au mois de mai 2015 contre le gouvernement CNDD-FDD: “Prendre le risque d’un terrible réveil des haines ethniques fait hélas partie des scénarios possibles. On sait pourtant qu’il s’agit d’un levier si facilement utilisable par une élite à court d’un vrai projet à proposer à sa population. Son seul projet serait de se maintenir au pouvoir. Et de mobiliser en ethnicisant les tensions. Les impacts sur les pays voisins seraient cataclysmiques. La Région des Grands Lacs mérite un autre avenir …Comme l’a dit Desmond Tutu, ‘si tu choisis la neutralité en situation d’injustice, tu choisis le camp de l’oppresseur’ .Nous, signataires de cet appel à agir, nous engageons à utiliser toute notre capacité d’influence pour appuyer ces processus et invitons tout responsable démocratique à en faire autant.Nous savons qu’il y a une véritable urgence. Des hommes et des femmes peuvent tomber, demain, sous les balles d’un pouvoir aveugle. Il faut qu’il sache que cette fois, la Communauté internationale ne laissera pas faire ! » (Crise burundaise : Cinq personnalités internaztionales lancent un cri d’alarme », Infos Grands Lacs, 21 mai 2015). Louis Michel qui a fait trop de bruits dans les medias et forums internationaux depuis mars 2015 a donc choisi d’être le chef de file de la fronde anti-gouvernement CNDD-FDD en Belgique et en Europe.
En traitant le président Nkurunziza avec une arrogance qui frise le mépris, Louis Michel qui se prend pour Dieu sur terre l’accuse d’attiser la haine anti-tutsie et de violer l’accord d’Arusha. Il finit par déclarer que ce dernier “s’est disqualifié et a perdu tout credit “ (EurActiv Press Release, 11 juin 2015) pour se porter candidat aux élections de 2015; il montrait par là qu’il se plaçait au-dessus de la Cour Constitutionnelle, juridiction nationale compétente qui a validé sa candidature. Louis Michel et d’autres officiels belges (Fabrice Manirakiza, “Le Parlement belge contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza”, Iwacu,, 27 mars 2015; “L’attitude de Reynders face à la crise au Burundi critiquée”, Belga, 13 mai 2015) ont même manipulé les Belges d’origine burundaise qui avaient occupé les postes importants dans le gouvernment de Pierre Nkurunziza jusqu’à la dernière minute (Président de l’Assemblée, vice-présuident de la Cour constitutionnelle, et 2ème Président du Burundi). Ceux-ci furent accueillis avec pompe en Belgique qui leur accorda les tribunes pour s’attaquer à son gouvernement.

Sylvère Nimpagaritse (1er à g), vice-président de la Cour constitutionnelle ; Pie Ntavyohanyuma (2è à g), président de l’Assemblée nationale ; et Gervais Rufyikiri (4è à g), 2ème Vice-président de la République.

Source: Arib.info du 9 juillet 2015

Lorsqu’il a compris qu’il venait d’échouer dans ce jeu, Louis Michel demanda à la Belgique de ne pas reconnaître le gouvernement qui serait issu des élections (“Burundi: l’acharnement contre PierreNkurunziza est-il justifié?”, The Rwandan,14 juin 2015). et de suspendre une certaine forme de la coopération avec le Burundi: “La mise en garde de Bruxelles est claire comme de l’eau de roche.  En substance, le gouvernement belge déclare que son aide directe à Bujumbura cessera si Nkurunziza étrenne son troisième mandat. Un avertissement qui est d’une netteté d’épure. Mais le dictateur en aura-t-il cure ?  Toute la problématique est sans doute là.  La boulimie du pouvoir et l’aveuglement du maître de Bujumbura relève désormais de la pathologie.  Il semble désormais foncer tête baissée vers son destin » (“Burundi: la Belgique cessera son aide en cas de 3ème mandatt du président sortant”, Sputnik, 21 mai 2015; “Burundi. Mise en garde de la Belgique: Nkurunziza fonce tête baissée ers son destin”, Le Pays. 15 juin 2015). Il est allé plus loin en battant campagne pour le renversement du gouvernement CNDD-FDD, y compris par les armes (“Burundi: l’acharnement…, op.cit. 2015).
A l’Union Européenne, le tornitruant commissaire européen proposait de ne pas reconnaître les institutions issues de ces élections et de gêler les avoirs des dignitaires du régime CNDD-FDD. En évoquant ce qu’il appelait “Un épisode qui rappelle l’éviction de Compaoré”, le journal “Le Soir” écrivait ceci dans son édition du 13 mai 2015: “Le chef de la diplomatie belge rappelle aussi que la Belgique a tenté, mais en vain, de faire passer le ‘ message » aux responsables du parti du président qu’il « serait préférable d’opter pour une transition avec un autre candidat’ (cest moi qui met en gras et souline). Les aides au titre de la Coopération au développement destinées aux forces de police et à l’organisation des élections, qu’il était préférable de ‘reporter’, ont également été « suspendues », ajoute Reynders”. Comme au Rwanda où la Belgique a appuyé inconditionnellement le FPR et les partis d’opposition qui lui étaient proches, 1992-1994 (Ferdinand Nahimana, Rwanda: Les virages ratés, 2007), il n’y a aucun moindre doute que, aujourd’hui, elle récidive au Burundi en appuyant l’opposition ou, mieux, le “clan Pierre Buyoya”, contre le pouvoir du CNDD-FDD.
Luc Michel n’a peut-être pas tort de critiquer vigoureusement le reflexe neocolonial des officiels belges dans ce dossier et surtout leur alignement aveugle derrière les Etats-Unis” (comme ils le firent et le sont toujours dans le dossier rwandais- 1990-2015, ajout de l’auteur): “La crise du Burundi n’a rien à voir avec une révolte populaire. Mais tout a à voir avec une opération néocolonialiste : la recolonisation de l’Afrique par les USA et leurs supplétifs belges et français, au travers d’une révolution de couleur appuyant un changement de régime décidé par l’Administration Obama. Aujourd’hui les médias russes et chinois partagent l’analyse que j’ai initiée il y a déjà de nombreux mois. Pour ceux qui ne veulent pas toujours voir, la dernière opération belge, l’ancien mandataire colonial, qui porte ici les valises des USA, est pourtant éclairante !” in Luc Michel, “Ingérence néocoloniale au Burundi: la Belgique entend dicter l’agenda politique à Bujumbura!” (L’Info Alternative, 21 mai 2015).

b. Etats-Unis et l’axe Washington-Bruxelles

Le 18 juin 2015, le Programme Afrique du Centre Wilson a organisé des discussions sur la crise au Burundi. Le thème des discussions était ainsi libellé: “Crisis in Burundi: Can the U.S. Help?”). Parmi les idées qui ont émergé de ces discussions, j’ai retenu cette proposition: “By engaging civil society, supporting free press, and ensuring free and fair elections, the United States can help Burundi resolve this conflict with minimal violence” Les Etats-Ûnis étaient-ils prêts à jouer honnêtement ce rôle ? Je ne le pense pas car ils font partie du problème? Voici pourqoi et comment..
D’abord, les Etats-Ûnis se sont prononcés ouvertement contre la candidature de Pierre Nkurunziza. Ce point de vue fut repris dans les médias officiels comme le Washington Post: “To defuse the situation, Mr. Nkurunziza should set aside his candidacy and stop cracking down on journalists, radio stations, social media sites and other elements of civil society. Mr. Nkurunziza’s actions are a bad model in a fragile neighborhood” (An Electora crisis..op.cit). Une telle prise de position précoce n’était ni plus ni moins qu’un soutien ou un coup de pouce à ceux qui ont voulu le renverser dans le coup d’état avorté du 13 mai 2015 (quelques jours seulement après l’annonce de sa candidature) et tous les autres opposants à son régime. Les Etats-Unis ont ainsi pris partie dans un conflit où ils étaient supposés jouer la neutralité; par ce fait même, ils ont mis l’huile sur le feu. C’est pourquoi le camp présidentiel n’a cessé de condamner l’immixtion des Etats-Unis dans les affaires intérieures du Burundi (”Burundi: Pierre Nkurunziza accuse les Etats-Unis d’ingérence”, Oeil d’Afrique, 23 juin 2015; “Crise au Burundi: les Etats-Unis et le Rwanda accusés d’ingérence”, Afrik.com, 21 juillet 2015) et de refuser de fléchir face aux pressions extérieures” (Esdras Ndikumana et Aymerie Vincent, Crise au Burundi: Nkurunziza rejette les pressions internationales et trace une ‘ligne rouge’”, AFP, 26 mai 2015. Crime de lèse majesté, n’est-ce pas?
Ce sont en particulier les Etats-Unis qui étaient visés dans la déclaration du 22 août 2015 du vice-président de la République du Burundi, Son Excellence Gaston Sindimwo (voir supra), un message d’autant plus fort surtout qu’il rappelait aux fameux opposants le rôle que les Etats-Unis ont joué derrière le CNT/Conseil National de Transition pour détruire la Libye, le pays africain qui était alors le plus avancé et dont l’Etat n’existe aujourd’hui que de nom (Lire aussi La dernière Lettre de Mouammar Khadafi rédigée 3 jours savant sa mort à Sirte le 17 octobre 2011; traduit par Algérie-Oumma, le 24 octobre 2011; “Libye: le CNT assure que Bani Walid est tombée”, in L’Express, 19 octobre 2011; Henry Francis B. Spiritu, “The Destruction of Libya, the Destabilization of a Nation. US-NATO Crimes against Humanity”, Global Research, March 16, 2015; Mahdi Darius Nazemroaya,The Globalization of NATO. Atlanta, Clarity Pres, Inc., 2012; Horace Campbell, Global NATO and the Catastrophic Failure in Libya. Lessons for Africa in the Forging of African Unity. New York, Monthly Review Press, 2013)..
Ensuite, en appuyant le coup d’état manqué et en boudant les élections organisées par le gouvernement, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux ont trasformé le Burundi en champ de confrontation avec la Russie et la Chine (Roland Rugero, op. cit.).  Est-ce l’exploitation du “nickel” seule qui est en jeu dans cette confrontation internationale? (“Bataille autour du nickel de Musongati/Burundi” in Mining Intelligence n°226 du 12 juin 2010;Norbert Gasigwa, “Intambara y’ubutita hagati y’Uburusiya n’abanyaburayi na USA mu Burundi, kubera Nickel ya Musongati”, in Iwacu, 10 mai 2015). Ce n’est pas si évident. C’est le point de vue de ”Afrique Défense: “«La crise au Burundi n’est pas seulement un différend entre Pierre Nkurunziza et ceux qui le soutiennent, d’un côté, et l’opposition de l’autre, mais aussi un face-à-face géopolitique entre l’Occident et les ‘nouvelles puissances’, entre le ‘consensus de Washington’ et le ‘consensus de Pékin’, une lutte autour de la ‘nouvelle géométrie de présence, d’alliances et d’influence’ en Afrique… Demain ce sera – si ce n’est pas déjà aujourd’hui – le cas du Congo-Brazzaville, de la RDC et du Bénin » (« La géopolitique de la crise au Burundi », Afrique Défense, 22 mai 2015).
J’en veux aussi pour preuve l’article de Gearóid Ó Colmáin cité plus haut. En effet, dans la section intitulée “Ethnic Conflict in the Service of Neo-Colonialism”, ce dernier décrit les faits suivants:”Kagame’s regime is one of the proxy-forces being used by the United States and the European Union to destabilize and overthrow the democratically elected government of Burundi.  Many researchers in Burundi suspect that the CIA may have been behind the assassination of President Melchior Ndadaye in 1993, given the fact that they directed Kagame who ordered the murder of Ndadaye’s successor Cyprien Ntaramira a year later. The US government is acutely aware that if the people of Burundi are to know the truth about the US-backed genocide of the Hutus in Rwanda and Burundi, it could jeopardize their foreign policy objectives in the region. Managing people’s perspectives and memory of their own suffering due to US imperialism is a key component of the Pentagon’s strategy in parts of the world it controls. That is why a suitable criminal to replace president Nkurunziza must be found and the CIA database of military intelligence assets is filling up with warlords and war criminals from the Congolese Armageddon, where several million people have been murdered since the US proxy invasion of 1996”.
L’auteur de cette étude révèle une autre réalité dans la section qui suit, “Imperialist geo-strategy: Terrorism and Colour Revolutions”, que les medias dominants n’osent pas dévoiler: “Burundian democracy is currently threatened by two main instruments of Western imperial policy: terrorism and colour revolutions. One of the world’s poorest countries, Burundi could not possibly hope to compete with the barrage of media disinformation waged against it since the Nkurunziza’s election victory in 2010. Almost every report about the country has been based on the statements of oppositionists and so-called ‘civil society’ activists. These activists are been generously funded by the US State Department think tank, the National Endowment For Democracy,(NED) which on the admission of its founder, functions as a front organization for the CIA.. And as William Blum  has shown in his book ‘ Killing Hope: US military and CIA interventions since 1945’ the Boys from Langley’s job is not promote democracy but,  rather as he puts it ‘make the world safe for democracy by getting rid of democracy… Terrorist groups who have attacked Burundi in recent years have received extensive and positive coverage from the Francophone media. For example, in a report entitled ‘Retour de la Rebellion’ French journalist Pauline Simonet reported on a ‘rebel’ group in Eastern Congo, who are hoping to invade and seize power in Burundi. The terrorist group was presented in a positive light, while the point of view of the Burundian government was dismissed. The message was clear: the ‘rebels’ have a just cause and are worthy of our sympathy”
Embourbés dans le conflit idéologique (mentalité de la guerre froide toujours vive) et mûs par leurs propres intérêts, les Etats-Unis étaient, dès le départ, mal placés pour jouer un rôle positif dans la résolution de cette crise. Ils ne se départiront jamais de cette ligne. Une raison pour ne pas croire à ce qu’ils disent et font, surtout que l’accord signé avec le Burundi en janvier 2015 a transformé celui-ci en zone franche et risque d’être aussi une menace pour la stabilité de la province du Sud-Kivu (RDC) où les Etats-Unis couvrent les activités illicites des dignitaires du FPR à travers les FARDC déployées localement et commandées pendant plus de 10 ans par le Tutsi Patrick Masunzu (muté récellement pour diriger le camp stratégique de Kamina au Katanga, mais en laissant les structures qu’il a mises en place et les hommes qu’il a désignés pour les diriger).
Enfin, comme ils le font toujours et partout, les Etats-Unis cachent leurs pratiques macabres derrière les principes ou les slogans démocratiques; ce sont ces principes ou slogans qu’ils font prévaloir pour contraindre Pierre Nkurunziza à abandonner le pouvoir sans prendre en compte l’impact de ce qui se passe en Ouganda, au Rwanda et en RDC voisins où les dictatures militaires tutsies font rage. Cette lecture des événements que fait une organisation américaine va pratiquement dans ce sens: “If President Nkurunziza succeeds in undermining the democratic structures of Burundi, democratically-elected leaders around Africa will be more likely to follow his example by exceeding their own mandates and employing the power of the state to silence the opposition. The United States has a clear interest in seeing that this does not happen and that African democracies are allowed to mature and develop, allowing democratic norms and institutions to proliferate throughout the continent” ( “Why Burundi’s Election Crisis Matters to the United States and the World”, American Security Project May 28, 2015; “Stephen Baguma, “US slams Nkurunziza’s election”, Afrika Reporter, August 21, 2015). Pourquoi les Etats-Unis ne font-ils pas de même avec Yoweri Kaguta Museveni (Ouganda) au pouvoir pendant 29 ans et Paul Kagame (Rwanda) au pouvoir pendant 21 ans? Il y a dans les deux cas (celui de Nkurunziza au pouvoir pendant 10 ans, et celui du duo Museveni-Kagame) à l’évidence, le principe de “deux poids, deux mesures”? Washington vient de renforcer ses effectifs militaires par l’envoi d’une “vingtaine des Marines” (chiffres officiels) à son Ambassade à Bujumbura.
En sachant que ce sont leurs ambassades qui jouent un rôle capital dans l’organisation des révolutions de couleur, peut-on se contenter de la justification officielle de cette augmentation des effectifs, à savoir la protection des ressortissants américains? Ces effectifs ne sont-ils pas préposés au cœur du pouvoir CNDD-FDD comme force d’appoint éventuel à un autre coup? L’avenir nous le dira. Tout au moins, on peut déduire de ces mots provocateurs que Washington n’a pas encore désarmé: “ La prise de fonction au Burundi aujourd’hui démontre que le parti au pouvoir entend ignorer les voix de son peuple et poursuivre son propre programme politique, a protesté dans un communiqué le porte-parole du département d’État, John Kirby. Il a jugé que  la crise au Burundi, déclenchée par la décision du président Nkurunziza d’accomplir un troisième mandat (…) n’était pas terminée » (« Washington dénonce la prestation de serment du président Burundais, Pierre Nkurunziza », Conakry Plane, 21 août 2015 ; «Burundi: Washington dénonce le troisième mandat de Pierre Nkurunziza », AFP, 20 août 2015). Le gouvernement Nkurunziza y voit déjà un danger; ainsi a-t-il décidé de “ne pas accepter plus de 6 unités de sécurité pour chaque embassade à Bujumbura “ (Xinhua, 21 août 2015), une décision judicieuse au vu des rumeurs persistantes sur l’éventuele attaque du Burundi par les Etats-Unis et leur Etat-client, le Rwanda du sinistre Paul Kagame.
En tant que caisse de résonnance de Washington, l’Union Européenne s’aligne sur cette position américaine: « Lorsque Washington tousse sur n’importe quel dossier, c’est toute l’Union Européenne qui tremble et se met à genoux et fait tout pour ne pas l’irriter davantage. C’est dans ce contexte que nous arrivons aux événements de ces jours où on découvre que Washington traite les européens ni plus ni moins qu’une province américaine, sans aucun ménagement » (Jean Paul Pougala, « Espionnage : L’UE est-elle une colonie américaine ?, Cameroon Voice, Douala, 08 novembre 2013. Lire aussi Thierry Meyssan, « Histoire secrète de l’Union européenne », Réseau Voltaire, 08 juin 2004 ; Daniele Ganser, « L’OTAN : de GLADIO aux vols secrets de la CIA », ReOpen9/11, 10 août 2010 ; Mohammed Hassan, «L’Occident à la reconquête de l’Afrique», Le Grand Soir 02 mai 2013 ; Oskar Freysinger, « De toute évidence, l’UE s’est laissée dégrader au rôle de vassal des Etats-Unis », Horizons et Débats, n°20/21, 08 septembre 2014 ; « Les USA forcent l’Europe à faire le sale boulot à leur place », La Voix de la Russie, 23 décembre 2014). Les multiples gesticulations de l’UE n’ont rien d’original ou de particulier. C’est pourquoi, elle s’opposa à la tenue des élections et travailla en vain pour un dialogue gouvernement-Opposition devant aboutir à la formation d’un gouvernement de transition à l’exemple des Etats-Unis. Pourqoui un gouvernement de transition et non pas celui qui serait issu des élections? De plus, l’Union Européenne a écrit, par le canal d’un groupe parlementaire, une lettre à la CPI lui demandant de diligenter une enquête sur les massacres “commis par le régime de Pierre Nkurunziza”. On sent donc que c’est Pierre Nkurunziza qui est visé à l’exemple du président soudanais El-Béchir. Si non on s’expliquerait difficilement pourquoi, l’UE cible les crimes commis par le régime CNDD-FDD et se garde de faire autant pour les crimes commis par les opposants à ce régime qui sont armés par l’extérieur, de même que les crimes de loin plus nombreux et plus graves commis par le régime UPRONA depuis 1966 jusqu’en 2000. Tel est le jeu imaginé à Washington et à Bruxelles pour faire saborder l’ordre politique en cours au Burundi. C’est le régime des sactions qui reste leur arme ou l’objet de chantage (“Europe Readying Sanctions against Top Burundi Officials”, EurActiv, 24 july 2015; “Burundi : Washington envisage de sortir le pays de l’Agoa”, Agence d’Information d’Afrique centrale, 19 août 2015).

c. Yoweri Kaguta Museveni et l’axe Kampala-Kigali

Pour faire comprendre l’homme et ses actions, il faut rappeler que Museveni est le parrain du FPR et le chef de file des guerres qui ravagent l’Afrique des Grands Lacs depuis qu’il a accédé au pouvoir en 1986 (Remigius Kintu, Terror Incognito. The US Conspiracy behind Museveni’s wars, 1997; Pierre Péan, Carnages. Les guerres secretes des grandes puissances en Afrique, 2010).
Lorsqu’il fut désigné médiateur entre le gouvernement du MRND et le FPR au Rwanda en 1993-1994, il a joué le jeu du FPR (Ferdinand Nahimana, Rwanda. Les virages ratés, 2007).. Devenu de nouveau médiateur entre le gouvernement de Kinshasa et le M23 en 2012 en en 2013, il a joué le jeu du M23 (Kandolo Mangaza, “Kampala: Museveni entretient la confusion!”, in Forum des As, Kinshasa, le 26 janvier 2013; .Joseph Anganda, “Négociation de Kampala, Yoweri Museveni: Facilitateur ou Négociateur du M23?”, in Actualités et Analyses politiques, 12 novembre 2013). Sa désignation comme médiateur dans la crise au Burundi a été accueillie avec suspicion par le gouvernement, même au sein d’une frange de l’opposition (Desire Ntimubona, “Burundi’s Opposition Rejects Museveni as Mediator on Crisis”, BoloombergBusiness, 07 July 2015; Abbas Mbazumutima, “L’opposition burundaise doute de la médiation confiée à Museveni”, in Iwacu, 08 juillet 2015). Car on ne voyait pas de recette qu’il apporterait lui qui est au pouvoir pendant 29 ans, qui traque ses opposants (“After his release from jail, Uganda’s Amama Mbabazi vows to continue presidential bid”, The Washington Post, 10 July 2015) et qui, justement, est le parrain des guerres tutsies dans la région.
Ses paroles et ses actions le trahissent.
D’abord quand il est allé au Burundi, il est passé par Kigali. De Kigali à Bujumbua, il a emprunté la route sous escorte d’un important contingent des militaires (Patrick Jaramogi, “Burundians Schocked, Amazed by Museveni heavily Armed Presidential Convoy”, The Investigator, 15 July 2015) . Ceux-ci étaient-ils conviés seulement à sa protection?. Sont-ils tous rentrés avec lui? Pourquoi avoir choisi son ministre de la défense pour poursuivre la médiation après son départ du Burundi? Etait-ce pour démontrer sa puissance, jouer à l’intimidation? Autant des questions qui ne laissent pas certains acteurs burundais et certains observateurs étrangers indifférents.
Ensuite, Museveni a laissé entendre qu’il allait travailler pour l’unité au Burundi (Clement Manirabarusha, “Uganda president calls for unity to end Buundi crisis”, Bujumbura, Reuters, July 15, 2015). Comment concilier cette déclaration officielle et cette mission que l’UE lui demandait ou lui intimer d’accommplir: “According to sources, President Museveni recently held a meeting with diplomats from European Union where he was asked to intervene and stop Mr Nkurunziza from standing for president again” (“UN asks Museveni to intervene in Burundi”, in Daily Monitor, May 06, 2015). C’est l’accomplissement de cette mission qu’on devrait considérer pour évaluer son travail de médiation éphémère.
Pressé, Museveni a dévoilé sa vraie intention en militant pour la formation d’un gouvernement de transition. C’est pourquoi, dès le départ, il a heurté les sensibilités de certains milieux proches du pouvoir; même certains ténors de l’opposition, renforçant le suspicion qu’ils ont eu en apprenant sa désignation comme médiateur. Le doute sur l’efficacité de la médiation de Museveni a été exprimé aussi en dehors du Burundi: “Some analysts have questioned Museveni’s authority as a mediator. As president he has overseen the scrapping of term limits and Ugandan opposition politicians are often detained. Museveni is expected to run in Uganda’s 2016 presidential race. « Museveni’s own disregard for such limits makes him utterly unsuitable for appointment as a mediator, » Chris McKeon, Africa analyst at Verisk Maplecroft said in a note” (Clement Manirabarusha, op. cit.).
Même l’ONU a, par la voix de son Secrétaire Général Ban Ki Moon, fait sienne cette proposition de Museveni consistant en la formation du gouvernement de transition (“UN’s Ba Ki Moon appeals to Museveni over Burundi, South Sudan peace efforts”, The Africa Report, 05 May 2015). Cette convergence de vue étonne quand on sait que Museveni est très mal placé pour donner une leçon de démocratie et encore monis jouer un role neutre dans cette crise. Il est clair donc le e”patron” de l’ONU a été roulé dnas la farine en endossant un projet dont le but inavoué était de mettre fin à l’ordre politique issu de l’Accord d’Arusha et permettre l’entrée au cœur du pouvoir de ceux qui, tout en brandissant la démocratie, ne veulent pas l’organisation des élections. Ce sont notamment les membres du clan Pierre Buyoya qui ont échoué aux élections de juin 1993 (ils ont même tué le président élu, Melchior Ndadaye, le 21 octobre 1993) et de juin 2005 et sont désormais conscients du fait qu’ils n’accéderont pas facilement au pouvoir par la voie électorale. Ban Ki-moon n’est-il pas en phase avec l’agenda belge que le ministre des Affaires étrangères, Didier Reyntders, a dévoilé (voir supra)? Heureusement que la détermination du camp présidentiel dans l’organisation des élections et le rejet de la médiation de Museveni ont poussé l’ONU à lui retirer sa confianc. C’était trop tard helàs, car ceci se passa dans la dynamique de l’installation des insitutions postélectorales (“Museveni/Uganda relevé de la médiation dans le connflit burundais par le Conseil de Sécurité”, Igihe, 18août 2015). Pourquoi le Conseil de Sécurité s’est-il interposé alors que Museveni avait été désigné médiateur par ses pairs de l’EAC et qu’il jouissait du soutien américain dans cette mission? Ce développement inattendu n’est-il pas intéressant, n’est-ce pas? L’ONU va t-elle cette fois-ci jouer son vrai rôle, celui de résolution et de la prévention du conflit au lieu de servir de couverture de la déstabilisation du Burundi par les Etats-Unis comme on l’a vu au Rwanda et en RDC? Attendons voir.
Enfin, fidèle au principe de “talk and fight’, il soutiendrait la rébellion en gestation des Sieurs Godefroid Niyombare, Didier Nyamariza, Jean-Paul Nyirubutama, Alexis Sinduhije, Gratien Rukindikiza etc. pilotée par Kigali La plupart de ces va-t-en guerre font la navette entre Kigali et Kampala, un signe qu’ils ont des entrées faciles dans ces deux capitales. D’aucuns estiment que sa mission est de faire avancer l’agenda de l’opposition ou, mieux, du “clan Buyoya” derrière la fronde dite opposition: “Depuis le putsch manqué du mercredi 13 mai 2015, organisé par les USA, la France, et la Belgique, épaulés par le réseau civile ( FOCODE, TELERENAISSANCE, RPA, ISANGANIRO, BONESHA, FORSC, etc ) et militaire ( les généraux des putschs de 1987, 1993 et 1996) de l’ancien dictateur Hima Pierre Buyoya ( surnommé autrefois l’Homme des Français – ) et de M. Alexis Sinduhije ( appelé au Burundi – l’Homme de la CIA – , car très proche de Mme Samantha Power  ), ces pays et réseau tentent désormais de provoquer une guerre entre le Burundi et le Rwanda » (« Burundi: Le Rwanda hébergerait 3 généraux du putsch raté du mercredi 13 mai 2015 », in AGNEWS, 22 juillet 2015).
Dans un cadre plus général, Museveni s’activerait pour faire passer son propre agenda- un agenda politique et ethnique (Noël Ndanyuzwe, La guerre mondiale africaine, juin 2014) en place et lieu de celui de la Communauté est-africaine et de la Communauté de Développement de l’Afrique australe: le respect de l’ordre issu de l’Accord d’Arusha qui mettait fin à l’hégémonie tutsie de plus de quatre décennies (chère à Museveni, Kagame Buyoya et leurs parrains occidentaux), consacrait la tolérance ethnique et le partage de pouvoir. Sans utiliser les mêmes termes que moi ou sans avoir à l’esprit ces données que j’évoque Sarah Nalukenge parle aussi de son rôle de pompier et de pyromane : « There is a high possibility that mediator provides with a window of opportunity to covertly avail his own Special Force Group to the current Burundi presidency, as was the case with South Sudan » (Sarahah Nalukenge, « Why Museveni cannot mediate Burundi crisis », The Insider, 18 July 2015). Pierre Nkurunziza (qui, aux dires d’un ami, a commis une grande erreur au début en se laissant contrôlé par Museveni et Kagame) et son équipe ont bien compris le jeu trouble « du Bismark, d’Hitler ougandais ». Ils lui ont donné une leçon de lucidité ou du flair politique qu’il n’oubliera jamais. Espérons que le désaveu que viennent de lui infliger le CNDD-FDD et le Conseil de Sécurité est le début d’une réelle remise en cause de son leadership régional et que l’éradication du cancer Museveni-Kagame s’en suivra pour donner la chance à la démocratie en Afrique des Grands Lacs.
Loin d’être motivées par les sentiments démocratiques tant vantés, les réactions épidermiques des donneurs de leçon (Américains, Européens et leurs valets africains) et les actions qui les accompagnent sont inspirées plutôt par des intérêts géostratégiques et économiques et visent à empêcher l’axe Dodoma/Dar-Es-Salaam-Bujumbura-Kinshasa (“Le ministre tanzanien des Affaires étrangères explique les opportunités qu’offre son pays dans les échanges avec la RDC”, Digitalcongo, 25 janvier 2008; “Analysis: How did Tanzania become the loneliest kid in the East African bloc”, DESC-Wondo, 5 novembre 2013) de se former et de se consolider car il est perçu comme le contre-poids de l’axe Kigali-Kampala-Nairobi-Juba et un obstacle majeur pour la réalisation du projet politique et ethnique régional de Yoweri Kaguta Museveni et de ses frères.

d. Autres sons de cloche

Lors de la prestation de serment du président Pierre Nkurunziza le 20 août 2015, on a rapporté que les ambassadeurs de la Russie, de la Chine, de l’Afrique du Sud (le président Zuma avait envoyé en plus le ministre de la sécurité pour le représenter), de la Tanzanie, du Kenya et de l’Egypte étaient présents et alors que les Etats-Unis, la Belgique et la France ‘ont envoyés que des “diplomates de rang subalterne” (Iwacu, 20 août 2015; AgNews, 20 août 2015). C’est là le signe de la division de la communaué internationale au sujet de la crise au Burundi. C’est pourquoi, après avoir analysé les réactions contre le gouvernement de Pierre Nkurunziza, il convient de passer en revue les réactions des pays qui, pour des raisons qui leur sont aussi propres, le soutiennent ou s’insurgent contre sa déstabilisation.

Moscou- Pékin

Pour la Russie et la Chine, le Conseil de sécurié ne doit pas se mêler dans les affaires du Burundi. Car y intervenir, c’est renforcer l’instabilité comme beaucoup de pays africains en ont fait une amère expérience auparavant (“Spoiler Alert. Russia and China Block Burundi Statement as Ethnic Tensions Rise”, in The American Interest, May 4, 2015; Michel Nichols, “Russia: UN Security Council Should Stay Out of Burundi Dispute”, Reuters, 01 May 2015). La Chine et la Russie ont donc invoqué le droit international pour s’opposer à la condemnation du gouvernement CNDD-FDD, une quelconque intervention étrangère.qui servirait de caution politique à l’opposition qui, on le sait, recourt aussi à des actes de violence perpétrés contre les forces de l’ordre et les sympatisants du pouvoir. Le diplomate russe a été très clair à ce sujet:” « Selon le représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies, Vitaly Tchourkine, ‘l’ingérence dans les affaires constitutionnelles des États souverains n’est pas une prérogative du Conseil de sécurité et n’est pas inscrite dans la Charte’. Et lui d’ajouter : « or, si certains membres du Conseil veulent discuter avec le peuple du Burundi comment il doit interpréter sa propre constitution, nous n’avons aucune objection » (La géopolitique, op. cit.). L’Allemagne semble partager ce point de vue. Car elle a infléchi sa position en adoptant une attitude discordante au sein de l’UE. En effet par la voix de Georg Wilfried Schmidt, directeur régional pour l’Afrique Sub-saharienne et le Sahel au ministère allemand des Affaires étrangères, l’Allemagne s’oppose à l’imposition d’une solution de l’extérieur ; elle prône plutôt une soulution intra ou inter-Burundais » (« Crise burundaise : l’Allemagne préconise une solution provenant des Burundais eux-mêmes», Xinhua, 21 août 2015).
Evidemment, il serai naïf de croire que c’est le respect de la légalité qui a motivé cette auttitude russe et chinoise. Les deux pays ont des intérùets économiquex au Burundi à protéger. D’un côté, la Russie lorgnerait sur le nickel récemment découvert. De l‘autre côté, l’aide et l’investissement chinoi au Burundi sont décrits comme très importants dans les domaines sanitaire, éducatif, énergétique, routier avec à la clé la construction des infrastructures et la formation des techniciens burundais (« « Le Vice–Président du Sénat chinois apprécie la collaboration entre son pays et le Burundi », Bujumbura, PPL 22 novembre 2011 ; « La Chine et le Burundi s’engagent à promouvoir la coopération amicale », Xinhua, 16 août 2014). La promesse faite par la Chine de rester à côté du Burundi (« La Chine accorde un crédit sans intérêt de 15 millions de dollars au Burundi », Xinhua, 16 septembre 2011 ; « La Chine promet de construire la Présidence de la République, et de rester près du Burundi » Iwacu, 30 septembre 2013) et de renforcer la coopération militaire (« La Chine accorde un don de 1.3 $ millions à l’armée burundaise », Bujumbura, PP, 21 décembre 2010 ; « La Chine et le Burundi vont renforcer la coopération militaire », Xinhua, 20 octobre 2011) rassurent les autorités burundaises. Ce rapprochement militaire est mal vu par les Etats-Unis (revers de la médaille) qui ont signé en janvier 2014 un accord militaire très controversé, « SOFA » (Edouard Madirisha, « Burundi-Etats-Unis : l’accord SOFA au cœur des polémiques », Iwacu, 20 janvier 2014). Les enjeux géostratégiques évoqués plus haut (section Etats-Unis) y sont pour beaucoup. Cette attention sino-russe est d’autant plus importante que, lâché par l’Occident, le président Nkurunziza cherche à s’appuyer sur ces deux puissances pour contrer leur politique de déstabilisation : « Pourtant, l’attitude des ‘partenaires traditionnels ‘ peut inciter l’élite burundaise qui soutient Pierre Nkurunziza de chercher l’appui de la Chine et de Russie, qui se sont déjà opposées à la pression du ‘front occidental’ visant à imposer l’alternance au Burundi, et de renforcer ainsi les positions de Pékin et de Moscou dans le pays et dans la région » (La géopolitique, op. cit.).
La RIAC/Russian International Affairs Council donne une version qui tranche avec celle du giuvernement: “…as in all previous episodes, Burundi can be hardly normalized in the absence of a major and resolute intervention by the African and international communities. To this end, it appears appropriate to act so that the UN and the African Union are authorized to conduct a peace enforcement mission with the capabilities of a military operation to counter the threats of genocide, mass violations of human rights and a humanitarian disaster” (Evgeny Korendyasov , “Civil War Back on Burundi’s Doorstop”, RIAC, 28 May 2015). Nous avons vu ci-haut que la position de Washinton Post était idebntique avec de du gouvernement américain. Pourquoi dans ce cas de la Russie, la RIAC ou, mieux, cet ancien ambassadeur russe en Afrique, soutient-il l’intervention (y compris militaire) au Burundi alors que le gouvernement russe s’en méfie? Cettc divergence ne peut pas surpendre car même aux Etats-Unis il y a des personnes qui ne se reconnaissent pas dans la politique officielle. Ce qui importe dans les deux camps, Etats-Unis et Russie, c’est la politique officielle qui détermine les actions à mener au Burundi comme ailleurs du reste

Dodoma-Pretoria

Pour la Tanzanie, la situation paraît claire pour l’instant. Non seulement elle a accueilli depuis 1972 le plus grand contigent des réfugés burundais sur son territoire et elle a été le premier pays à faire la médiation dans la crise burundaise (médiateur: président Julius Nyerere jusqu’à sa mort en 1999), mais aussi et surtout ses autorités savent que la Tanzanie est à l’agenda des guerres hégémoniques de Yoweri Kaguta Museveni et de Paul Kagame. La tentative de sa marginalisation au sein de l’EAC (Edouard Madrisha et Nadine Sanabo, “Le Burundi et la Tanzanie n’ont pas été invités au Sommet du 26 juin 2013 à Kampala qui a réuni le Rwanda, le Kenya et l’Ouganda”, Iwacu, 15 juillet 2013; Analysis…, op. cit. DESC Wondo, novembre 2013; Makula Durban, “Tanzania: President Kikwete Defends Position, Authorirty Within EAC Block”, AFK Inside, December 12, 2013; “President Jakaya Kikwete: the Man to Determine the Future of EAC”, in The East African Trade Review, 15 December 2013 ?) et les déclarations flamboyantes égrenées par ce dernier contre le président tanzanien Jakaya Kikwete- il a multiplié les insultes et les menaces jusqu’à exprimer publiquement son intention de le tuer (“Provocation du Rwanda- Kagame va voir”, Iwacu, 08 août 2013; “Le Rwanda et la Tanzanie à couteaux tirés”, Jeune afrique, 27 août 2013)- sont des signes annonciateurs. La prudence ou l’appui à Pierre Nkurunziza s’imposait surtout qu’en octobre prochain, la Tanzanie aura un nouveau président. Ce qui lui compliquerait la tâche si le Burundi venait d’être déstabilisé.
C’est pourquoi la Tanzanie qui, en plus, préside actuellement l’EAC (Erik Kabeera, “Kikwete new EAC chairman”, The Independent, 01 March 2015) s’est contentée des déclarations modérées, voire floues: suggestion à Pierre Nkurunziza de respecter l’accord d’Arusha et la Constitution et l’appel au dialogue sans se prononcer sur l’issue souhaitée de ce dialogue. Au moins, ce qui fut clair est le soutien de Pierre Nkurunziza face aux putschistes au mois de mai 2015 d’autant plus que cc coup d’état manqué avait été organisé avec l’appui du Rwanda (sponsor de l’opposition anti-Pierre Nkurunziza) lorsque ce dernier participait au Sommet des chefs d’état de l’EAC à Dar-Es-salaam. Donc, le but de la Tanzanie est de maintenir le Burundi dans son alliance. Raison pour laquelle, elle tient à se tenir aux côtés du Burundi et à l’aider dans sa lutte contre la déstabilisation orchestrée de l’extérieur (Révélations autout du plan, op. cit.)
Mais, il y a un inconnu dans les relations Tanzanie-Burundi de l’après Kikwete qu’une certaine presse lie à Feu président hutu rwandais, Juvénal Habyarimana via son épouse. Et pour quelle cause? Le fait que Julius Nyerere, père de l’indépendance du Tanganyika, fondateur de la République Unie de Tanzanie (1962) et symbole de l’unité tanzanienne (1964), est en même temps le concepteur du “master plan” de l’hégémonie nilotique en Afrique des Grands Lacs (Noël Ndanyzwe, op. cit.) , cheval de bataille de ses dauphins (Yoweri Kaaguta Museveni et Paul Kagame), il a des partisans en Tanzanie qui partagent cette vision. Si ceux-ci venaient de contrôler l’ordre post-Kikwete, alors il faudrait craindre le pire pour le Burundi, la Tanzanie et la région et ce, à la satisfaction des Rwandais, Ougandais, Américains, Belges et Français qui soutiennent ce “master plan” de Museveni ou dont le cœur bat dans ce sens .
L’Afriquc du Sud qui est moins impliquée dans “master plan” avait, pesé,grâce à l’infulencec du président Nelson Mandela (il succédait à Julius Nyerere, “Mandela succède à Nyerere comme médiateur pour le Burundi”, in Le Soir du 02 décembre 1999), dans l’évolution des négociations qui ont abouti à la signature de l’accord d’Arusha. Mandela a été le premier à critiquer ouvertement l’hégémonie tutsie et à affirmer qu’aucune réconciliation n’était possible aussi longtemps que la minorité tutsie continue à ontrôler tous les leviers du pouvoir et toutes les ressources du pays “Burundi: Qu’est l’accord d’Arusha signé en 2000?”, AgNews, 23 mars 2015). Les Tutsis ne l’ont jamais toléré pour cela. L’Afrique du Sud a un intérêt à ne pas voir l’ordre post-Arusha qu’elle a, en quelque sorte, bâti se saborder.
En tant que puissance régionale décidée à faire prévaloir ce statut et à développer ses échanges commerciaux avec les pays dce l’Afrique australe et centrale, l’Afrique du Sud, locomotive de la SADC, qui est le contrepoids de l’EAC ou, mieux, de la CIRGL pilotée par Yoweri Kaguta Museveni et Paul Kagame, a des intérêts économiques au Burundi (commerce et investissements dans le secteur minier) à defender (Garth le Pere, “L’action diplomatique sud-africaine pour la paix en Afrique”, Transcontinentales, 2./2006, pp. 21-41; “Le Burundi offre des garanties de ‘bonnes affaires’ aux inverstisseurs sud-africains”, Bujumbura, PANA, 12 octobre 2011; “Burundi: La multinationale sud-africaine BMM démarre l’exploitation du nickel’, AgNews, 03 octobre 2014). Pretoria ne peut pas donc laisser le champ libre à Yoweti Kaguta Museveni et à Paul Kagame ou tolérer leur volonté d’influer sur l’avenir politique du Burundi. C’est pouquoi, le président Zuma déclara dans l’imbroglio post-coup d’état manqué ce qui suit: “L’Afrique du Sud suit de près les affaires burundaises”’ (AFP, 31 mai 2015). C’est une formule classique qui illustre l’intérêt que Pretoria attache au Burundi.
Ses positions furent toutes favorables au gouvernement brundais: “L’Afrique du sud a appelé, vendredi, toutes les parties au Burundi à régler la crise qui déchire le pays par la voie du dialogue, tout en respectant la Constitution nationale (Johannesburg, 15 mai 2015 (MAP). Elle évite expréssément de faire référence à l’accord d’Arusha que l’opposition met en avant pour contester la candidature de Pierre Nkurunziza. Elle s’est tenue à cette ligne toutes les fois qu’elle a appelé les parties en conflit au dialogue et à faire preuve de retenue dans leur confrontation. Contrauirement au Rwanda et à l’Ouganda (la politique du chaos est leur arme préférée pour faire avancer leur projet hégémonique ethnique), l’Afriquc du Sud voit mal la conflagration régionale qu’entraînerait l’aggravation de la crise au Burundi.

4. CONCLUSION

Pour l’heure, le Burundi est ballotté entre deux camps antagonistes: celui qui travaille pour le changement de régime et celui qui tient à le défendre contre vents et marées. En definitive, c’est dans le premier camp .que se situent les membres du CNT, du CNARED (Gen. Didier Nyamariza, “Communiqué des FCD suite à la mort du colonel Bikomagu Jean”, Burundi News, 15 août 2015) et tous ceux qui militent en faveur d’un gouvernement de transition. Pourtant, “la situation actuelle au Burundi a peu à voir avec la ‘lutte pour la démocratie’.
Il s’agit d’une confrontation similaire à celle qui opposait les Hutus et les Tutsis (avant 2005, ajout de l’auteur), mais dans d’autres conditions», « Pourquoi les révolutions de couleur de la CIA échouent-elles en Afrique  noire ? », Sputnik News du 15 mai 2015). Même les divergences qu’on note entre les FCD et le CNARED d’une part, entre les membres des FCD et ceux du CNARED d’autre part (Richard Hengeka, « Burundi : CNARED, une coalition avec un avenir hypothétique», Bujumbura News, 17 août 2015), sont l’illustration du virus ethnique que l’accord d’Arusha a tenté d’apaiser à travers un semblant de consensus politique (c’était un compromis en trompe œil) que Pierre Buyoya et l’UPRONA ont accepté sans gaieté de cœur et n’ont jamais digéré (Jean-Pierre Chrétien, «Le Burundi après la signature de l’accord d’Arusha », in Politique africaine, vol. 4, n°80, 2000, pp. 36-51 ; Guibert Mbonimpa, «Accord d’Arusha: Respectons un enfantement douloureux», in Iwacu, 16 décembre 2013) alors qu’il leur réservait d’énormes privilèges.
Cette dimension ethnique que Pierre Nkurunziza n’a pas créée devrait être prise en compte dans l’évaluation des événements sanglants qui secouent aujourd’hui le Burundi en identifiant correctement le rôle joué par le Rwanda de Paul Kagame qui, non seulement, héberge les putschistes malheureux du 13 mai 2015 et les déserteurs de l’armée et du gouvernement burundais, mais aussi et surtout est en train d’entraîner militairement les jeunes tutsis burundais depuis un certain temps («Entraînements militaires en cours au Rwanda pour des jeunes essentiellement tutsis venus du Burundi », http://www.burundi-24.com/node/256; « Kagame veut chasser le CNDD-FDD du pouvoir au Burundi », Burundi 24, 17 avril 2014) et, comme au Rwanda, agite ou, mieux, instrumentalise, la fausse thèse du « génocide des Tutsis » (Roland Rugero, « Un génocide au Burundi ? Really ? », in Iwacu, 16 avril 2015 : « Les Tutsis s’apprêtent à prendre le pouvoir au Burundi par la force sous le prétexte d’‘arrêter le génocide’ comme cela s’est réalisé au Rwanda en 1994 », Iwacu, .05 mai 2015) pour assouvir ses instincts hégémoniques et prédateurs.
Sans le vouloir, certains défenseurs du régime rwandais commencent à dévoiler le jeu qui se joue en coulisses derrière l’opposition anti- Pierre Nkurunziza, jeu dont l’arbitre est Paul Kagame : « La communauté internationale doit concrétiser les mesures de pression à l’encontre du gouvernement Nkurunziza. Pour l’heure, l’isolement total semble être l’unique mesure phare qui portera ses fruits, car Peter est un enfant qui n’écoute pas, pris à son propre piège et pressurisé de tous côtés. Il a tout à perdre. On ne peut pas lui laisser le choix. Dans tout cela, Paul Kagame, le Président rwandais, pourrait bien être le seul à y voir clair. Bien qu’il n’ait pas donné de raison publique à son absence à Dar es Salam, il avait fustigé l’entêtement de Pierre Nkurunziza bien avant ce sommet. Sans doute savait-il qu’au vu du contexte, les négociations de dimanche ne seraient pas satisfaisantes. Le Rwanda, voisin important et de surcroît symbolique du Burundi, a bien son mot à dire face à la situation. Mais le flou qui règne autour de l’attitude de Paul Kagame est une nouvelle preuve que ce qui se passe en coulisses est un secret bien gardé, et que les décisions qui ont de l’impact sont prises loin de nos yeux et de nos oreilles » (Burundi : derrière les marionnettes, op. cit ..). Le Rwanda est bel et bien la base arrière de l’opposition armée anti-Nkurunziza ou le nid des groupes qui veulent déstabiliser le Burundi. Les Occidentaux qui crient contre kle gouverneent de Pierre Nkurunziza et l’accusent de tioous les mots ne peuvent pas l’ighnoer. Pourqoui ne dénoncenet-ils pas le Rwanda et ne font rien pour l’en dissuader ? Le Rwanda le fait parce qu’il a le feu vert comme c’est le cas en RDC où les millions des morts n’émeuvent personne en Occident, surtout à Washington, à Londres et à Bruxelles.
Cette démarche pour le moins suspecte des partisans d’un gouvernement de transition (sans Pierre Nkurunziza, dixit Didier Reynders, même scenario observé hier en Libye et aujourd’hui en Syrie) tranche avec cette position à laquelle j’adhère totalement: “Que l’on aime Nkurunziza ou pas, personne n’a remis en cause sa légitimité et voilà pourquoi il a pu terminer son mandat. Aller en dehors de cette légitimité, c’est condamner tous les accords politiques et ramener le Burundi en arrière sur le plan démocratique” (“Les enjeux politiques actuels au Burundi”, Burundi News, avril 2015.
La question sous-jacente est la suivante: La candidature de Pierre Nkunrunziza était-elle justifiée ou pas? La chanson de ses détracteurs est qu’elle n’était pas justifiée au regard de l’Accord d’Arusha et, pire, au motif qu’il violait la Constitution. Un point de vue qui n’est pas partagé non seulement par son camp, mais aussi par d’autres personnes qui estiment que la Constitution étant supérieure à l’accord d’Arusha . n’a pas été violée. Ce qui veut dire que la gueguerre juridique et politique générée par sa candidature ne pouvait pas, selon ce deuxième camp, l’empêcher de briguer un autre mandat aux secondes élections à suffrage universel («Le Président Nkurunziza peut-il briguer un autre mandat présidentiel en 2015?», Africatime, avril 2015). Pierre Nkurunziza s’est fait élire sur cette base, mettant ainsi l’opposition et ses parrains européens, américainbs, rwandais et ougandais, devant un fait accompli.
La question suivante porte sur la légalité des élections et la légitimité des institutions postélectorales. Le point de vue de l’Opposition est claire: elles ne sont ni légales ni légitimes. Certains opposants dont les FCD vont jusqu’à dire que, malgré son élection et son investiture, Pierre Nkurunziza cesse d’être le président du Burnudi à l’expiration de son mandat actuel, soit le 26 août 2015: “Les Forces coalisées pour la Démocratie déclarent qu’ils s’alignent derrière le Leadership du Général Godefroid Niyombare pour combattre et éradiquer définitivement le régime dictatorial de Nkurunziza. Nous appelons la population burundaise et spécialement les Forces de l’ordre du Burundi à se retenir et à ne pas céder face à ces actes d’assassinats commandités par Nkurunziza pour diviser les Burundais. Nous rappelons aussi que le dictateur Nkurunziza et sa clique de bandits ne seront plus dans la légitimité de gouverner le Burundi à partir de ce 26 Août 2015 et qu’à partir de cette date le pays sera dirigé par l’opposition politique CNARED sous le soutien de toutes les Forces révolutionnaires y compris la majorité des forces armées et policières burundaises » (Gén. Didier Nyambariza, op. cit.). Rationalité ou aveuglement? Je suis tenté de dire que cette position relève de l’aveuglement ou de la myopie intellectuelle et politique.
En comparant le contenu de cette déclaration des FCD et la composition du gouvernement en exil formé le 15 août 2015- un mariage contre nature en fait (“Burundi: CNARED iri kugerageza gushinga leta ikorera hanze”, Iwacu, 18 août 2015), on peut se poser multiples questions;
Comment Léonard Nyangoma (président) et Hussein Radjabu (2ème vice-président), deux leaders du CNDD originel, devenus ennemis jurés pourront-ils travailler en harmonie? Le seul parrainage de Paul Kagame suffira-t-il pour les maintenir unis? Etant Hutu du Bururi comme Michel Micombero, Jean-Batise Bagaza et Pierre Buyoya et accusé à tort ou à raison d’avouir fait éliminer beaucoup de jeunes combattants hutu non-originaires de Bururi au début quant il contrôlait le CNDD initial, Nyangoma ne jouit pas d’une bonne presse dans certains milieux hutus burundais. Ce qui ne facilite pas sa tâche dans la mobilisation populaire.
Alexis Sinduhije, un Tutsi qui aurait les faveurs de la CIA est 2ème vice-président. Va-t-il se contenter de ce rôle de second plan alors qu’il est le grand partisan du recours aux armes pour renverser Pierre Nkurunziza? N’est-il pas le réel patron de ce gouvernement et Léonard Nyangoma n’est-il pas un simple écran comme on l’a vu avec François Ngeze mis en avant par Pierre Buyoya, Jean Bikomagu et cie quand ils charcutaient le président hutu élu, Melchior Ndadaye et décapitaient le leadership du FRODEBU (1993-1994), avec Charles Mukasi propulsé à la tête de l’UPRONA par ces mêmes putshistes et mis plus tard an prison avant d’être chassé du pays comme un vulgaire bandit alors qu’il pilotait la frondce tutsi anti-Arusha, 2000-2014 (“Mukasi wa Uprona éceouré”, http://rwanda-rugari.tripod.com/rwandarugari/id6.html ;“L’UPRONA à la croisée des Chemins”, in Burundi News,1 juin 2014), avec Laurent- Désiré Kabila, André Kisase Ngandu, et Anselme Masasu Nindaga dans l’AFDL (1996-1999), avec Arthur Z’Ahidi Ngoma, Ernest Wamba Dia Wamba, Emile Ilunga et Adolphe Onusumba dans le RCD (1998-2003)?
Et dans tout ça, quel est le véritable rôle du “patron proclamé” des FCD, Godefroid Ngombayire, par rapport à Léonard Nyangoma et Alexis Sinduhuje dans ce gouvernement où il n’est qu’un membre? Tout ceci mis à part, le parrainage de ce gouvernement ou de ce mouvement anti-Pierre Nkurunziza par Paul Kagame, est-il un gage pour la promotion de la démocratie au Burundi alors qu’on en est très éloigné au Rwanda? Tel est l’autre non-dit dans ces brouhahas sur la candidature de Pierre Nkurunziza à la présidentielle de 2015.
En tirant la leçon de l’expérience rwandaise où le FPR a dribblé ses alliés hutus opposés au président Habyarimana (Emmanuel Gapyisi, Félicien Gatabazi, Alexis Kanyarengwe, Pasteur Bizimungu, Faustin Twagiramungu, Seth Sendashonga, Alphonse-Marie Nkubito, Théoneste Lizinde, Alexis Nsekarije, etc.), Romeo Rugero demande aux Hutus engagés dans cette rallye anti-Pierre Nkurunziza avec les Tutsi de faire extrêmement attention ou de réflchir deux fois avant d’aller de l’avant dans ce qu’il considère comme une aventure de mauvais gout ou, pour utiliser une expression moins forte, un jeu de dupes (Romeo Rugero, “Gucengana n’inzoka birangira nabi: akenshi inzoka iratsinda.”, Iwacu, 11 août 2015). C’est dire que, pour l’instant, d’aucuns doutent donc que l’opposition soit capable d’offrir une alternance crédible et valable au pouvoir CNDD-FDD.
La photo quui suit et les mots qui l’accompagnent ne manquent pas d’intérets. Paul Kagame, Pierre Buyoya et Alexis Sinduhije trônent sur la meute des Hutus qui, lisons-nous, “Abahutu bibagira ningoga” (les Hutu oublient très vite) et qu’on peut comparer à “ ces idiots utiles” qu’aiment évoquer le président de l’Apareco (Alliance des Patriotes pour la Refondation du Congo), Honoré Ngbanda, chaque fois qu’il parle des “collabos” congolais. Je ne trouve pas une formule plus appropriée que celle-ci pour décrire le groupe Niyombare-Nyangonga et consorts.

Source: http://burundibwiza.com/index.php/en.

En attendant que les choses deviennent claires (Nkurunziza ne va-t-il pas terminer le nouveau mandat ou, à défaut, le CNDD-FDD va-t-il se transformer en parti unique comme je l’entends ici et là?), je me permets de dire que c’est justement à ce niveau que l’opposant Agathon Rwasa a fait la différence en entrant dans ces institutions malgré les souffrances que le pouvoir CNDD-FDD a fait subir à son parti, les FNL/Forces Nationales de Libération (Catherine Ninin, ”Le gouvernement burundais traque les sympathisants des FNL”, RFI, 12 juin 2006;”Les FARDC et la FDN: à la traque des FNL au Congo”, http://burundi-megainfo.blogspot.be/2012/04/les-fardc-et-la-fdn-la-traque-des-fnl.html) et toutes les manoeuvres que ce même pouvoir a faites pour l’empêcher de se porter candidat présidentiel dans des conditions de transparence. Il a compris que la guerre ou le gouvernement de transition conduirait l’un et l’autre à un coup d’état contre la démocratie; il a ainsi opté pour un moindre mal, les institutions issues des élections de 2015. En s’opposant clairement à la guerre que d’aucuns veulent absolument mener, et au piège du gouvernement de transition, en décidant de participer dans la gestion des affaires de l’Etat avec leurs ennemis d’hier, qu’ils soient Hutus ou Tutsis, Agathon Rwasa et les FNL ont montré que l’image négative que des gens mal interntionnés leur collent au dos n’est pas fondée ou, mieux, devrait être relativisée.
Je donne, en guise d’exemple, cet extrait qui émane de René Lemarchand, un expert parfois sulfureux et pris dans le piège de ces “western apologies by academics, medias pundits” que Keith Harnon Snow fustige (“Apocalypse in Central Africa:The Pentagon, Genocide and the War on Terror”, Conscious Being Alliance, 20 July 2010): “There is indeed an irreductible core of fanaticism in the FNL’s ideology, which finds expression in a blind recourse to violence… Given the nature of its ideological appeal, its long history of resistance to Tutsi hegemony, and its capacity to mobilize popular support, it is not surprising that the signing, in Dar-Es-Salaam, on September 7, of a comprehensive ’cease-fire agreement’ between the FNL and the government should have been received with cautious optimism by the international community” (René Lemarchand, Burundi’s Endangered Transition. Fast Country Risk Profile Burundi. Swisspeace Working Paper, 5/2006. Section “ The persistence of Hutu radicalism”).
J’ai introduit ses propos dans le débat pour montrer que dans les interventions extérieures qu’on déplore aujourd’hui, ce genre de préjugé, de cliché et de parti pris, dans le chef de certains experts et acteurs internationaux qui sont sur le chevet du Burundi est une véritable épine dans la quête d’une solution appropriée à la crise actuelle. Car, on sent que les experts du genre René Lemarchand carressent les leaders qui sont les amis, les chouchous de leurs gouvernements respectifs et se soumettent facilement à leurs ordres, à leurs diktats. Une telle sélection des partenaires locaux pour le moins discriminatoire ou très intéressée pollue le débat sur la crise et hypothèque l’éclosion de la vérité, condition sine qua non de la réconciliation ethnique et politique.
Contrairement à ce qu’on dit, le principal problème est à chercher du côté de ceux-là qui ont dirigé le Burundi avant 2000, qui n’ont accepté l’accord d’Arusha que de bout de lèvre et que la démocratie dérange énormément. Stef Vandeginste souligne ce point de manière très subtile: “… political elite actors have internalized a very specific meaning of the the concept of peace. for them, peace is the equilibrium in the allocation of power, state ressources, and privileges. International mediation and peacebuilding was successful in so far as that equilibrium was not distorded, and in so far as additional foreign aid made the equilibrium more appetizing and therefore more easily agreeable among elite actors” (op. cit., p. 11). Cette évolution passe plus mal chez ceux qui avaient longtemps exercé le pouvoir sans partage, une réalité à laquelle l’un de mes correspondants attire l’attention en ces termes: “Pierre Nkurunziza ne révendique qu’un deuxième mandat. Les détracteurs de Nkurunziza sont conscients d’un autre fait: la voie démocratique (un vote = une voix), prépondérante, qui mène au pouvoir ne donnera aucune chance à un Tutsi de passer; du moins pour le moment. Toutes les voies de sortie semblent condamnées sur le plan strictement démocratique” (Courriel du 20 aout 2015).
C’est cette vérité qui ne ressort pas de ce discours : “Au-delà des autres motifs de colère contre M. Nkurunziza (autoritarisme, répression de toute contestation, échec de la lutte contre la pauvreté, corruption…), c’est le maintien d’Arusha en tant que socle démocratique au Burundi qui est en jeu, selon les observateurs (« La crise au Burundi en quatre questions », Bujumbura, AFP, 217 juillet 2015). Le mensonge que ce discours distille réside dans le fait que cet accord n’a rien de démocratique. Car comme le correspondant précité le rappelle : «L’accord d’Arusha cède beaucoup d’avantages à la minorité Tutsi. Bien qu’elle constitue seulement 14% de la population, elle garde 50% de places au sein des forces de sécurité et 40% au niveau politique et administrative (“Burundi: Monsieur 40% et le un casse-tête constitutionnel”, Iwacu, 21 août 2015). C’est cette injustice qui, si elle n’est pas corrigée, peut conduire à une guerre civile; pas nécessairement les processus démocratiques reconnus et encouragés ailleurs”.
Ces éléments de conclusion ne blanchissent en rien le gouvernement de Pierre Nkurunziza qui, du reste, a dirigé le Burundi pendant 10 ans avec beaucoup de gens parmi ces opposants, qu’ils soient les dissidents du CNDD-FDD ou les membres de l’UPRONA qui, pour la plupart, ont dit adieu à Pierre Nkurunziza à la dernière minute (2014 et 2015). Après sa prestation de serment et la mise en place des institutions de la République pour la période 2015-2020, les dés sont jetés pour l’opposition. Ces commentaires malveillants faits à la publication de son gouvernement postélectoral par un diplomate occidental est le thermomètre du désarroi qui est en train de gagner le camp de ses adversaires : « Ce gouvernement n’est pas rassurant, a commenté sous couvert d’anonymat un diplomate occidental à Bujumbura, cité par l’AFP. Remettre Bunyoni à la sécurité publique et deux autres généraux comme chef et chef adjoint du cabinet civil présidentiel, cela signifie que c’est la ligne dure et le passage en force qui ont prévalu” (“Au Burundi, un gouvernement de fidèles et de ‘durs’ autour de Pierre Nkurunziza” Le Monde, 25 août 2015). Quel président de cette planète qui, en pareilles circonstances d’hostilité, disons carrément de guerre, s’entourerait des gens mous, couards ou des adversaires? Le faire serait naïf et, partant, suicidaire.
Dans ces conditions, l’opposition ne peut compter que sur l’intervention musclée de la frange de la communaué internationale qui lui est acquise pour espérer prendre le dessus sur Pierre Nkurunziza: « Au final, ce ne sont pas quelques chefs d’Etat de la région en perte de légitimité démocratique qui risquent d’avoir le dernier mot mais l’alliance entre le peuple burundais soulevé et l’opinion africaine et internationale qui leur apportera l’écho, l’espoir et le soutien nécessaires à l’obtention du seul objectif qui vaille : le départ de Peter » (Burundi : derrière les marionnettes, op. cit.). Si ce plan réussissait, le Burundi et toute la région plongeraient dans un chaos inommable à l’exemple de l’Irak, de la Libye, et de l’Ukraine. À moins que le modèle ivoirien ne soit, avec la CPI dans le jeu (Charles Onana, Côte d’Ivoire. Le Coup d’état. Paris, Éditions Duboiris,201 ; Laurent Gbagbo et Francis Mattei, Pour la vérité et la justice. Révélations sur le scandale français. Éditions du Moment, 2013), la source d’inspiration.

Anvers, 26 août 2015