RDC/Ebola : la crainte d’un scénario noir

Ebola continue sa route macabre en République démocratique du Congo (RDC). Et sa détection à Goma, ville de 1 à 2 millions d’habitants, à la frontière avec le Rwanda, inquiète les autorités. Le Rwanda a demandé à ses ressortissants d’éviter de se rendre dans l’est de la RDC. Quant à l’Ouganda, qui avait étouffé l’épidémie après trois décès à la mi-juin, il vient d’indiquer qu’une Congolaise, depuis décédée d’Ebola, aurait vomi à 4 reprises dans un marché ougandais où elle était venue acheter du poisson ; les autorités recherchent les personnes ayant été en contact avec elle.

Réunis mercredi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les experts du Comité d’urgence ont estimé qu’au vu des deux cas de Goma et de la malade s’étant rendue en Ouganda, l’épidémie constituait une «urgence de santé publique de portée internationale». «Il est temps pour la communauté internationale de redoubler d’efforts, par solidarité avec la population de RDC», déclarait lundi le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Soutien des ONG

La France a pour sa part nommé mardi un «envoyé spécial» en RDC. Le Pr Yves Lévy, immunologiste, ancien patron de l’Inserm et époux d’Agnès Buzyn, sera «chargé d’orienter et de suivre la réponse française (…), en particulier le renforcement de l’appui aux ONG (…), les actions de développement et de soutien scientifique et de recherche (…) ainsi que la poursuite de notre soutien au secteur de la santé en RDC», indique le ministère français des Affaires étrangères, qui précise que la mission sera exercée «à titre bénévole».

Cette épidémie «n’est pas une crise humanitaire», jugeait lundi à Genève le ministre congolais de la Santé, Oly Ilunga. C’est une crise de santé publique qui intervient dans un environnement caractérisé par des problèmes de développement et de carences du système de santé.» Ebola n’est d’ailleurs pas le seul fléau sanitaire en RDC: la rougeole avait, depuis janvier, tué autant qu’Ebola et le choléra réunis avec 1 981 morts, selon l’OMS.

Mais de fait, le périple tel que raconté par les autorités congolaises du prêtre de 46 ans décédé à Goma illustre les difficultés à contrôler la propagation du virus. En mission d’évangélisation à Butembo, épicentre de l’épidémie au nord de Goma, il aurait prêché dans sept églises et touché des malades, avant de présenter des symptômes le 9 juillet et d’être soigné à domicile. Parti vendredi en bus pour Goma, il aurait franchi trois points de contrôle sanitaire en dissimulant son identité. Diagnostiqué dimanche après être allé dans un centre de santé, l’homme est mort le lendemain lors de son transfert vers Butembo. «97 contacts au sens large ont déjà été listés» et sont progressivement vaccinés, indique le ministère congolais de la Santé.

Quelque 12 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque jour en RDC, dans une région où des groupes rebelles armés ont perpétré depuis janvier près de 200 attaques contre des soignants, faisant 7 morts et 58 blessés. «La riposte (contre l’épidémie) se trouve à un moment critique», estime donc l’OMS, qui juge «très élevé» le risque de contagion aux provinces ou pays voisins. Goma, au carrefour de la région des Grands Lacs, possède un port important et des liaisons aériennes vers Kinshasa notamment.

Un ministre rassurant

Le ministre congolais de la Santé se voulait rassurant lundi, selon RFI: «Durant ces onze mois, cela n’a pas été communiqué, il y a eu des contacts à haut risque» détectés à Goma et même à Kinshasa. «Les risques sont les mêmes depuis les premiers jours.» Ce n’est toutefois pas un simple contact qui a cette fois été détecté dans la métropole, mais bien un cas réel… Note d’espoir esquissée lundi par le patron de l’OMS: «Nous avons de meilleurs outils de santé publique que jamais pour répondre à Ebola, notamment un vaccin efficace.» Près de 164 000 personnes ont été vaccinées.

Mais «à moins d’obtenir immédiatement des ressources financières substantiellement plus importantes, il sera impossible de mettre fin à l’épidémie», a estimé Mark Lowcock, sous-secrétaire général des Nations unies. Depuis un an, Ebola a touché 2 512 personnes et fait 1 676 morts ; 423 cas suspects sont par ailleurs en cours d’investigation. Et d’aucuns redoutent le spectre de l’épidémie d’Afrique de l’Ouest et ses près de 11.000 morts entre 2014 et 2016. À l’époque, a noté Mark Lowcock, «plus de 10.000 personnes ont perdu la vie avant qu’une intervention de plusieurs milliards de dollars» ne permette de venir à bout de la redoutable maladie.

http://www.lefigaro.fr/sciences/ebola-la-crainte-d-un-scenario-noir-en-rdc-20190717

Soline Roy – Le Figaro