Discours de l’ambassadeur Albert Shingiro, représentant permanent du Burundi, sur le thème « les mesures visant à éliminer le terrorisme » New York, 12 octobre 2015

Monsieur le Président,

Distingués délégués, chers collègues,
1.Comme c’est la première fois que je prends la parole sous votre présidence, Permettez-moi de joindre ma voix à celles des autres pour vous féliciter, vous personnellement et votre pays pour votre accession à la présidence de la sixième Commission, ainsi que tous les membres de votre Bureau. Vous pouvez compter sur la pleine coopération de ma délégation tout au long de votre mandat.
2.Tout en s’alignant pleinement aux déclarations faites par le Groupe Africain et le Mouvement des Non Alignés, ma délégation souhaite présenter ses observations à titre national sur ce thème d’une grande actualité, à savoir « les mesures visant à éliminer le terrorisme » du point 108 à l’ordre du jour » de notre commission.
3.Aujourd’hui comme vous le savez Monsieur le Président, il ne passe aucun jour sans que l’actualité nous rappelle que le terrorisme continue à endeuiller la planète et à infliger douleurs et souffrances à toutes les populations sans distinction. Ces actes frappent de manière aveugle des innocents qui ont eu le malheur de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Il est de l’intérêt de toutes les nations de lutter contre ce fléau dans sa dimension mondiale, régionale, nationale et locale.
4.Tout le monde est d’avis que le fondamental de la menace terroriste est son caractère transnational. Le terrorisme ne puise pas ses racines dans un État donné, mais se déplace au gré de l’opportunisme des conditions. Si l’on en croit les théâtres d’interventions depuis 2001, nous sommes face à la fois à la délocalisation de la menace terroriste du Moyen-Orient vers l’Afrique et d’autres régions.
5.Parlant de l’Afrique, il convient de souligner que les facteurs qui expliquent la vulnérabilité du continent face à ce fléau ne sont pas nouveaux, et personne ne peut se cacher derrière un effet de surprise. La bande sahélo-saharienne, qui traverse l’Afrique d’Est en Ouest, est confrontée à une multitude de défis d’ordre sécuritaire, à savoir la montée de l’extrémisme religieux, de l’islamisme radical, du terrorisme, des trafics en tous genres, notamment d’êtres humains, de drogue, d’armes et de la criminalité organisée. Il s’agit bien d’une des menaces les plus préoccupantes de notre temps.
6.Monsieur le Président, vous êtes sans ignorer que le terrorisme est la conséquence d’interactions entre des facteurs politiques, sécuritaires, économiques, sociaux et environnementaux. Ma délégation juge utile d’analyser les sources et motivations des actes terroristes et les autres sources de tensions, dont notamment la pauvreté, l’exclusion sociale et la marginalisation, l’impunité, la faiblesse des institutions et le système « deux poids deux mesures » dans la mise en œuvre du droit international.
7.Le constat partagé est que le terrorisme est particulièrement actif dans les pays fragiles, dans les pays en situation de post-conflit où l’absence de règles de droit et les vides administratifs permettent à ces groupes de se développer, en toute impunité et d’étendre leur influence sur une population démunie et sans perspective d’avenir, comme c’est le cas d’Al Shabab en Somalie où le Burundi a plus de 5 mille hommes et femmes qui combattent jour et nuit avec brio au sein de l’AMISOM.
8.Le terrorisme anéantit, dans les zones où il est présent, tout espoir, toute projection dans la future, toute perspective de programmes de développement économiques et sociaux. La situation est telle que ces organisations criminelles s’imposent comme les « autorités » régulatrices de zones sous leur contrôle et découragent les investissements étrangers, provoquant l’isolement voire la faillite économique des Etats concernés.
9.Ma délégation réaffirme que le terrorisme constitue une violation flagrante du droit international, ce qui inclut le droit humanitaire international, les droits de l’homme et les droits des réfugiés. De tels actes mettent en danger l’intégrité et la stabilité des États ainsi que la sécurité nationale, régionale et internationale. Nous estimons que le temps était venu de parvenir à une convention générale sur le terrorisme qui définirait le terrorisme de manière unifiée. Une définition claire et bien établie permettrait de mettre un terme à des confusions simplistes et de mieux tracer une ligne entre les actes de terrorisme et d’autres actes trop souvent assimilés à eux.

10.En ce qui concerne la protection du droit à la vie privée, nous décourageons les effets pervers de la surveillance à outrance et de l’interception des communications. Le Burundi trouve également que la préparation unilatérale de « listes noires » accusant arbitrairement des États de soutenir et de financer le terrorisme est une activité qui ne cadre pas avec le multilatéralisme qui caractérise notre organisation. Toute réaction contre le terrorisme doit se faire par des mesures préventives et concertées et tout cela dans le respect des droits de l’homme et de la règle de droit.
11.Du point de vue des textes juridiques, il serait fort utile que tous les Etats qui ne l’ont pas encore fait envisagent à ratifier les 13 instruments internationaux de lutte contre le terrorisme. Les blocages actuels du projet de convention générale sur le terrorisme sont la conséquence des différends entre certains États et de leur incapacité à se mettre d’accord sur la définition consensuelle du terrorisme. Cette situation donne du temps aux terroristes, dans un contexte où l’adoption de cette convention permettrait de traquer les terroristes et renforcer les capacités des petits États à y faire face. La multiplication actuelle des actes de terrorisme appelle tous les États à faire preuve de la plus grande souplesse possible dans le cadre du projet de convention générale sur le terrorisme international.
12.Le terrorisme est un phénomène global qui nécessite une solution globale également à travers la coopération internationale, régionale et sous régionale, y compris en renforçant l’échange d’informations permettant de repérer les itinéraires de contrebande empruntés par les Groupes terroristes.
13.Pour ce qui est du financement du terrorisme, la communauté internationale doit tout faire pour perturber leurs sources de revenus, par exemple en mettant fin au trafic de pétrole volé, au marché noir des antiquités volées. Le financement par le biais des rançons est une des sources de préoccupation également. C’est un cercle vicieux qui renforce le terrorisme et incite les terroristes à préparer de futurs enlèvements, et qui doit être cassé.
14.En ce qui concerne le patrimoine culturel, ma délégation condamne les destructions du patrimoine culturel commises par les groupes terroristes sur leur passage, qu’il s’agisse de dommages accidentels ou de destructions intentionnelles, notamment des sites et objets religieux, qui font l’objet de destructions ciblées. Il est préoccupant de voir les groupes terroristes générer des revenus en procédant, directement ou indirectement, au pillage et à la contrebande d’objets appartenant au patrimoine culturel provenant de sites archéologiques, de musées, de bibliothèques, d’archives et d’autres sites, qui sont ensuite utilisés pour financer leurs efforts de recrutement ou pour améliorer leurs capacités opérationnelles et de nuisance.
15. A cet effet, le Burundi réitère son soutien à la décision que le Conseil de Sécurité a prise au paragraphe 7 de la résolution 1483 (2003) selon laquelle tous les États Membres doivent prendre les mesures voulues pour empêcher le commerce des biens culturels iraquiens et syriens et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse, qui ont été enlevés illégalement d’Iraq depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, notamment en permettant qu’ils soient restitués.
16.Parlant de l’usage des TIC à des fins terroristes, nous constatons malheureusement que ces dernières années, les mouvements terroristes mettaient à profit le développement des technologies de l’information et des communications (TIC) en vue de changer et d’affiner leurs méthodes d’action. Dans une société de plus en plus mondialisée, les terroristes et leurs partisans utilisent de plus en plus les nouvelles technologies de l’information et des communications, en particulier Internet, à des fins de recrutement et d’incitation à commettre des actes de terrorisme, ainsi que de financement, de planification et de préparation de leurs activités.
17.Pour ce qui est des combattants terroristes étrangers agissant sous forme de mercenaires, ma délégation trouve alarmant ce phénomène de type nouveau, qui s’est intensifié récemment avec les flux vers l’Iraq et la Syrie, et qu’il dépasse les 20 000 combattants issus de plus de 80 pays. Il en résulte une menace réelle pour de nombreux pays, y compris quand ces combattants rentrent ensuite chez eux.
18.Monsieur le Président, comme vous l’avez constaté, toutes les délégations sont unanimes quant à l’urgence d’agir vite et bien pour barrer la route au terrorisme. Seulement, la question que tout le monde se pose est de savoir comment et par quels moyens venir à bout de ce mal du siècle en perpétuelles ramifications ? Quelques pistes s’offrent à nous à cet égard :
19.Premièrement, les quelques années que nous venons de passer à lutter contre le terrorisme ont démontré que les interventions militaires seules ne suffisent pas pour en découdre avec ce fléau. L’action militaire permet certes d’étouffer les bastions terroristes, mais pas de les faire disparaitre complètement. Si nous incendions un bastion terroriste dans un endroit X, un autre reconnait de ces mêmes cendres dans un autre endroit Y, parfois même avec plus de virulence et de détermination.
20.Deuxièmement, il est essentiel d’Identifier la Typologie des groupes terroristes afin d’en évaluer les points faibles et ainsi d’articuler une politique de sécurité et de défense adéquate et maitriser ainsi leurs modalités d’action.
21.Troisièmement et enfin, pour lutter contre ce fléau, il faudrait que les États Membres agissent de manière concertée sous l’égide des Nations Unies mais également qu’ils respectent leurs engagements internationaux en menant, notamment, des actions concrètes dans la poursuite et l’extradition des auteurs de ces actes. Il faudrait entre autres mettre sur pied un système d’alerte précoce et de coordination visant à priver les terroristes de moyens et d’espace.
22.Monsieur le président, avant de conclure, je joins ma voix aux autres pour condamner de nouveau et énergiquement le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, quels qu’en soient les auteurs, les lieux et les buts poursuivis. Le terrorisme constitue à nos yeux une des menaces les plus graves pour la paix et la sécurité internationales. Il est l’ennemi commun à toute l’humanité et aucune idéologie, religion, croyance ou cause, ne saurait justifier le recours aux actes terroristes.

Je vous remercie de votre aimable attention !

Burundi