Les avocats ont-ils le droit de tout faire? Peuvent-ils être poursuivis et jugés, comme complices d’un crime ou d’un délit?

En mai dernier, un avocat du barreau de Bruxelles a surpris les observateurs en soutenant publiquement les auteurs d’une tentative de coup d’état dans un pays d’Afrique Centrale.

Alors que les auteurs du coup d’Etat criaient victoire, l’avocat bruxellois accordait des interviews à la presse internationale, se vantant, urbi et orbi, de parler au chef putschiste toutes les dix minutes, se présentant ainsi comme le porte-parole de fait de ce dernier. Cela pourrait faire sourire si des centaines de citoyens burundais n’y avaient pas laissé leur vie. On connait l’issue de ce qui ne fut que l’aventure passagère d’un groupe d’officiers connus pour leur compétence certes, mais ayant sous-estimé la popularité du président Nkurunziza et la capacité de résistance de ses hommes.

Ceux d’entre les putschistes qui se sont rendus sont aujourd’hui entre les mains de la justice burundaise. Leur chef aurait fui au Rwanda pour préparer sa revanche. Quant à l’avocat, il poursuit le combat de ses « clients » bien singuliers. Certains sussurent que les autorités burundaises serait tentées de porter plainte contre lui pour complicité d’atteinte à l’ordre public et complicité d’homicide. Me Maingain, puisque c’est de lui qu’il s’agit, se défend d’avoir joué un quelconque rôle politique, et affirme s’être limité à la défense des intérêts de ses clients, alors même que la tentative de coup d’Etat était en cours. Fin septembre dernier, Me Bernard Maingain a participé, ès qualité, au « Tribunel Russel » pour le Burundi, aux côtés de personnalités comme Marguerite Barankitse, Fondatrice de la Maison Shalom; Dominique Sopo, Président de SOS Racisme; Jean-François Dupaquier, ancien journaliste; et David Gakunzi, écrivain, tous proches du président rwandais Paul Kagame accusé d’avoir soutenu les putschistes burundais et de préparer des actes de déstabilisation de son voisin.

Doit-on considérer le fait, pour Maître Maingain, par ailleurs avocat des dignitaires du régime du FPR, d’avoir prêté son concours à des officiers putschistes au moment où ils étaient occupés à perpétrer leur coup de force, violant ainsi les lois de leur pays, comme un acte normal du métier d’avocat, ou plutôt comme une forme de complicité délibérée et avérée visant à faciliter la réusite de ce coup d’état considéré par les lois burundaises comme un crime de haute trahison ayant intentionnellement entraîné la mort de dizaines voire de centaines de citoyens burundais innocents ?

Au delà des considérations procédurales que nous laissons aux spécialistes en la matière, une question revient souvent lorsque des cas comme celui de l’avocat belge se présentent. En France par exemple, la justice a déjà eu à poursuivre, pour complicité, des avocats yant commis des actes considérés comme ne rentrant pas dans le cadre normal de leur métier. Nous citerons les deux cas suivants :

CAS 1: Passeurs de sans-papiers : prison ferme pour un avocat condamné pour complicité

http://www.20minutes.fr/societe/1262693-20131212-20131212-passeurs-sans-papiers-prison-ferme-avocat-condamne-complicite

Un avocat a été reconnu coupable de complicité avec des passeurs, la justice balayant une défense qui en appelait au respect des « principes » fondamentaux du métier d’avocat.

Ledit aocat a été condamné à .. ans de prison dont un ferme pour aide au séjour irrégulier en bande organisée, les juges lui reprochant d’avoir travaillé «sciemment» pour un réseau de passeurs qui faisait entrer en France des sans-papiers……….

Le tribunal a rappelé que «le recours et l’assistance d’un avocat (étaient) constitutionnellement garantis», et que le délit d’aide au séjour irrégulier ne pouvait lui être reproché tant que l’avocat agit de façon «régulière».

Or selon les jugess, l’avocat dont question avait « fait de la traque aux erreurs de procédure commises par la Police aux frontières (PAF) une petite industrie », et il était «au courant des pratiques du réseau» avec lequel il a travaillé ».

Pour les passeurs, le recours à lui était un «plan B» qui entrait en action lorsqu’échouait le «plan A» –faire sortir les sans-papiers qui arrivaient à Roissy en les guidant par téléphone portable à travers les dédales de l’aéroport– et qu’ils étaient interpellés.

Sa prestation faisait partie « d’un ensemble intégré de services» vendus par les passeurs aux migrants, à prix fixe et déterminé à l’avance », ont relevé les juges. Ils lui reprochent aussi d’avoir «suscité la recherche et la production de faux garants», c’est-à-dire des personnes prêtes à attester, contre rémunération, qu’elles avaient l’intention d’héberger le sans-papier.

CAS 2 : Avocat condamné pour complicité dans l’évasion d’un braqueur

Avocat condamné par la cour d’assises de Paris, pour « complicité » dans le dossier relatif à l’évasion de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) en 2003 d’un de ses clients, un braqueur multirécidiviste. (Source)

Conclusion :

L’implication de Maître Maingain dans le coup d’éta de mai 2015 au Burundi pour renverser un Chef d’Etat légalement élu par le peuple de ce pays appartient au passé. Il est cependant permis de se poser des questions quant à son véritable rôle aux côtés des putschistes, et surtout quant à son commettant pour avoir servi de porte-parole de fait du Général Niyombare.

En posant ces questions, nous ne voulons pas nous mêler des affaires intérieures burundaises, même si nous serions légitimement autorisés à le faire. Un coup d’Etat violent entraînant la mort de centaines d’innocent n’est pas différent des autres actes de terrorisme que nous vivons au quotidien à travers le monde. Et, en la matière, autant Maître Maingain, citoyen belge, a tout à fait le droit de se préoccuper du respect des droits de ses clients burundais, autant nous, citoyens de la Région des Grands lacs, avons le droit de poser des questions, face aux catastrophes humanitaires provoquées par des actions d’aventuriers, qu’ils soient civils ou militaires, burundais, rwandais, congolais ou belges.

Jean-Marie Ndagijimana