Quel dialogue pour le Burundi?

Au Burundi, si les masses populaires ont accueilli avec enthousiasme l’avènement de la démocratie avec tous les principes positifs qui l’accompagnent, elle a toujours été vécue comme un cauchemar par certains nostalgiques du pouvoir qui, comme le colonisateur qui accorda l’indépendance afin de mieux se maintenir dans le pays colonisé, trouvent toujours des subterfuges pour essayer d’accéder au pouvoir en contournant la voie des urnes. Le renversement ou la paralysie des institutions démocratiquement élues, l’installation calculée du chaos, les blocages tous azimuts du travail des institutions démocratiquement élues, telles sont les nouvelles méthodes qu’ils mettent en œuvre pour assurer leur retour.

Dans ce jeu plein d’hypocrisie, de mensonges et de cynisme, la communauté internationale a su jouer un rôle louable dans la facilitation des négociations, le soutien pour le retour à la paix et la sécurité pour tous si bien que le pays il y a à peine quelques mois était cité comme un bon exemple en Afrique. Aujourd’hui, c’est cette Communauté Internationale que les fossoyeurs de la démocratie burundaise, ont attaquée et ont entrepris de tromper jusqu’à l’instituer comme une ethnie supplémentaire du Burundi, plus influente mais plus facile à berner que les trois autres qui ont toujours su surmonter leurs difficultés et demeurent encore aujourd’hui ensemble. C’est à celle-là qu’ils ont octroyé le pouvoir suprême de « reconnaître », de « condamner », de « sanctionner » ou d’exiger au Burundi ce qu’elle veut.

Peu importe les efforts déployés, les réalités nationales et les efforts du gouvernement pour encadrer la population et pour ramener la paix, cette Communauté Internationale dont le Burundi ne semble plus faire partie a opté pour la cécité, la surdité, la fermeture et la fixité pour plaire à la Belgique, à la France, à l’Angleterre et aux USA. Ainsi tandis que le gouvernement qui connaît les défis auxquels il fait face prépare un « dialogue national inter-burundais », cette Communauté Internationale continue à répéter comme un magnétophone le concept incompréhensible de « dialogue inclusif » et, sous une inspiration providentielle et spectaculaire, l’Envoyé spécial américain dans la région des Grands Lacs, Thomas Perriello, vient d’appeler Bujumbura, à un dialogue international «sans conditions préalables et dans l’immédiat», pour un règlement de la crise burundaise :
« Le seul moyen viable pour ramener le Burundi sur la voie de la paix et de la prospérité, est ce dialogue international qui complétera le dialogue inter-burundais, augmentant ainsi la probabilité de sa réussite”, a précisé M.Perriello dans un point de presse à Bujumbura. Le demeurant qui cherchait encore à comprendre le sens du « dialogue inclusif » peut se réjouir de cet éclairage génial.

Quid du dialogue inclusif ?

En relations internationales, ce concept n’existe que depuis quelques années et ne semble s’appliquer qu’à l’Afrique. Il a notamment été exploité en République Centrafricaine, au Congo Brazzaville, en Côte-d’Ivoire, au Burkina Faso, en RDC, au Tchad, en Guinée, au Gabon, Mali, Libye, Mauritanie, au Benin, en Tunisie, au Togo ainsi qu’au Burundi actuellement. C’est souvent une revendication de certains membres de l’opposition dite radicale ou de la société civile manipulée en vue d’accéder au pouvoir. C’est souvent des revendications cosmétiques pour aboutir à la satisfaction d’ambitions personnelles à très court terme dans la mesure où l’aboutissement recherché est un gouvernement de transition éphémère et une organisation d’élections qu’ils sont destinés à perdre comme ils avaient perdu les autres.

Si l’on visite le dictionnaire Larousse qui l’un des meilleurs dictionnaires français, le syntagme inclure signifie « introduire quelque chose dans autre chose ». Ou bien « faire figurer dans un ensemble quelqu’un, quelque chose ». Ou bien encore « Comprendre quelque chose, le contenir en soi » L’adjectif inclusif signifie quant à lui : « qui contient en soi quelque chose d’autre ».

Quant au « dialogue inclusif », il n’existe pas

En mathématiques, un ensemble inclus dans un autre devient pratiquement inexistant puisque ses éléments font partie intégrante de l’ensemble qui le comprend. Le terme biologique le plus proche est « infecter » qui signifie « pénétrer et développer dans un être vivant de micro-organismes qui peuvent provoquer des lésions en se multipliant, et éventuellement en sécrétant des toxines ou en se propageant par voie sanguine. » Au niveau social, le terme le plus utilisé est « inféoder » qui signifie « donner une terre en fief à un vassal ».

Lorsqu’on y regarde de près le « dialogue inclusif », est une nouvelle création destinée à l’Afrique et contient une charge négative et péjorative. Il implique une modification du système en place en y injectant des éléments étrangers les plus nuisibles possibles, susceptibles de l’infecter le plus rapidement possible et fatalement, quitte à terminer leur existence dans cette opération pour le moins suicidaire. Dans la pratique, plus rien ne peut plus être comme avant, toutes les parties y passent et disparaissent.

En clair la vraie finalité du « dialogue inclusif » est le renversement des institutions démocratiques du Burundi couplé avec la destruction du parti CNDD-FDD et de la jeunesse Imbonerakure qui lui est affiliée. C’est la filature diplomatique de l’insurrection d’avril-mai et du putsch du 13 mai 2015, afin que ce dernier soit accompli avec la bénédiction du parti CNDD-FDD comme en 1998 lors du fameux Partenariat Politique Intérieur pour la Paix qui consacra la disparition du parlement élu en 1993, la seule institution légitime qui restait, pour le remplacer par un parlement fantoche composé de membres nommés et pas élus. Comme on le sait, depuis lors le FRODEBU n’est plus que l’ombre de lui-même.

Qu’en est-t-il du dialogue national inter-burundais ?

Il est indéniable que les solutions aux questions politiques, économiques ou sociales doivent provenir du dialogue et que tout citoyen a le droit de s’exprimer sur toute question qui le concerne. Il s’agit d’une participation légitime et constructive à la vie de son pays en vue de son développement. Ce dialogue est bénéfique au pays parce qu’il inspire des réformes soutenues par la population qui ainsi impliquée s’est approprié le processus dans son entièreté.

Cela est extrêmement positif surtout après un cycle électoral aussi bien réussi que celui qui vient de se passer au Burundi. En effet, après la propagande électorale, l’euphorie de la victoire ou les frustrations de la défaite, la vie doit reprendre son cours en impliquant tout le monde. Tout le monde est aussi obligé, dans un élan citoyen, de contribuer à l’édification de son pays quel que soit son appartenance politique ou social ou sa situation économique. Si la contribution de la Communauté Internationale est sans aucun doute précieuse, il est sans conteste que c’est le peuple burundais lui-même qui doit prendre en mains sa propre destinée et que le gouvernement burundais doit se rappeler qu’il est comptable devant le peuple qui a garanti sa mise en place. C’est pourquoi en toute responsabilité il doit servir les intérêts de son peuple. C’est d’ailleurs ce que font tous les gouvernements du monde comme le souligne le professeur Njoh-Mouelle quand il dit en parlant de l’Afrique que « c’est une extrême naïveté de s’imaginer que les autres nations renonceront à leurs intérêts primordiaux pour prendre fait et cause pour les intérêts de l’Afrique et cela parce qu’ils auront entendu les leçons de morale d’une certaine littérature africaine ».

Lorsque la Belgique influencée par certains de ses ténors s’active jusqu’à mentir, quand la France infiltrée par ses influents devient hystérique jusqu’à se ridiculiser à l’ONU chaque fois que l’occasion se présente, lorsque les USA juxtaposent les ambassadeurs et les envoyés spéciaux pour se suivre ou se croiser dans un marathon effréné et inédit ce n’est pas par sursaut philanthropique pour le peuple burundais. Ils défendent tous leurs intérêts. C’est justement là que la déclaration de Thomas Perriello en rapport avec le fameux « dialogue international »puise tout son sens et tout son sérieux.

Et le dialogue international ?

Lorsque le diplomate américain, Thomas Perriello déclare à Bujumbura que « le seul moyen viable pour ramener le Burundi sur la voie de la paix et de la prospérité, est ce dialogue international qui complétera le dialogue inter-burundais », il ne croit pas si bien dire. Après avoir écouté le bien-fondé du dialogue national inter-burundais que le gouvernement prépare et connaissant le rôle de certains pays dans la crise burundaise, il était en position de tirer cette conclusion que nous avons-nous autres tirée depuis longtemps. Il est clair et net que la réussite du dialogue national inter-burundais est du ressort du peuple burundais et de sa propre détermination. Mais sans la volonté et l’engagement des acteurs internationaux qui ont un rôle dans la détérioration de la crise, cette réussite sera partielle puisqu’il s’agira de soigner les faits sans toucher les causes. Cela ne dépend cependant pas du Burundi, mais de ces acteurs internationaux eux-mêmes qui ont l’obligation de se convenir sur les voies et moyens de stopper leur acharnement sur le Burundi.

Il est important aux aux partenaires techniques et financiers de savoir qu’il n’y a pas de solution à la crise actuelle au Burundi en dehors du système légal en place et des élections légitimes. Les manœuvres insoutenables de manque de respect pour les règles et procédures démocratiques comme le fameux CNARED dont personne, sauf Didier Reynders, n’a jamais compris les tenants et les aboutissants, constituent des distractions insignifiantes et sans avenir. Comme l’observait Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, « nous sommes une communauté mondiale, et comme toutes les communautés, il nous faut respecter des règles pour pouvoir vivre ensemble. Elles doivent être équitables et justes, et cela doit se voir clairement. Elles doivent accorder toute l’attention nécessaire aux pauvres comme aux puissants, et témoigner d’un sens profond de l’honnêteté et de la justice sociale. Dans le monde d’aujourd’hui, elles doivent être fixées par des procédures démocratiques ». Cette remarque si perspicace est valable aussi bien pour le Burundi, la Belgique, la France, l’Angleterre, les USA et pour tous les autres pays, y compris le Rwanda.

Minani Claver