BIOGRAPHIE DE MOHAMED KHALFAN RUKARA

Une page de l’Histoire du Burundi qui se ferme

 

 

Fils de Monsieur Khalfan RUKARA et de Madame Sophia NTAMUKUNZI, Feu Honorable Sheikh (El Hadj) Mohamed Khalfan RUKARA est né le 27 juillet 1955 à Buyenzi dans la Mairie de Bujumbura. Il était père de dix enfants.

De 1961 à 1967, il a fréquenté l’école primaire à Buyenzi.

De 1967 à 1974, il a poursuivi son cursus scolaire à l’école secondaire de Médine en Arabie Saoudite.

De 1974 à 78, il a entamé ses études universitaires à Djeddah.

En 1984, il part au Costa Rica en Amérique Latine où il obtient une formation complémentaire sanctionnée par une maîtrise en sciences sociales.

De 1985 à 1987, il a suivi une formation de Journaliste en Arabie Saoudite où il pratiqua cette profession. Il parlait couramment la langue arabe.

En 1987, il rentra au Burundi où il représenta l’ONG Ligue Islamique Mondiale au niveau du Burundi jusqu’à son exil au mois d’avril 1994.

Durant ces années au Burundi, il a été, aussi, présentateur du journal télévisé à la Radio Télévision Nationale du Burundi, section Swahili. Après quoi, il a été Professeur de la Langue Swahili à l’Université du Burundi.

En 1992, il rejoint feu le Président Melchior NDADAYE dans le Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU). Rappelons que lors des obsèques nationales du Président feu Melchior NDADAYE, Sheikh Mohamed RUKARA a prononcé l’éloge Funèbre Musulman pour le Défunt et des Martyrs lâchement assassinés, le 21 octobre 1993. Dès cette époque, Feu Mohamed RUKARA s’est illustré dans la lutte contre l’ethnisme qui rongeait une partie de hutus et de tutsi. Cette entrée en politique de feu Mohamed Khalfan RUKARA n’étonne personne. En effet, il est né dans une grande famille qui a joué un rôle important dans l’indépendance du Burundi. Notons que dans les années 1950, les réunions de l’Union Nationale du Ruanda-Urundi (UNARU) présidée par Paul MIREREKANO se tenaient tantôt chez son père Khalfan RUKARA tantôt chez sa tante Adidja RUKARA. Signalons au passage Mr Salum BICUKA qui plus tard hébergea les réunions de l’UPRONA naissant dans le même quartier de Buyenzi.

Au mois de mars 1994, feu le Président de la République, Cyprien NTARYAMIRA le nomma Ambassadeur Plénipotentiel auprès des Pays Arabes.

En avril 1994, après l’assassinat du Président feu Cyprien NTARYAMIRA, il se réfugia à Nairobi, Kenya où il participa au travail gigantesque de préparer la création du Conseil National pour la Défense de la Démocratie (CNDD) et sa branche armée les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD) en renforçant notamment ses relations avec le Monde Arabe. Il fait donc partie des pré-fondateurs du CNDD et sa branche armée FDD.

Concernant cette préparation, il quitta momentanément Nairobi en avril 1994 pour se rendre en Belgique où il rencontra séparément NYANGOMA Léonard, Ministre de l’Intérieur, NDIHO Jérôme, Attaché de Presse du Président de la République et l’Ambassadeur du Burundi en Belgique, feu Jean NGENDANGANYA. Puis il se rendit à Dar Es Salaam après un bref séjour en Arabie Saoudite le même mois d’avril 1994.

La même année, il a négocié puis préparé la visite, en Arabie Saoudite, de Léonard NYANGOMA. Ainsi, était-il le seul membre de la délégation de NYANGOMA qui s’est rendu en Arabie Saoudite en vue de trouver les moyens nécessaires pour la création CNDD et sa branche FDD. Ils sont rentrés avec un soutien financier non négligeable étant donné les immenses besoins urgents qu’une telle préparation exigeait.

Au mois de mai 94, les leaders NYANGOMA et RUKARA se sont rendus au Soudan où ils ont pu obtenir un soutien matériel et financier conséquent pour la libération du Burundi et la lutte pour le retour à la démocratie. Cette visite avait été recommandée par les autorités de l’Arabie Saoudite.

En 1996, il s’installa à Dar Es Salaam, où il est nommé représentant légal de la Ligue Islamique Mondiale en Tanzanie ; il sera un acteur majeur dans la médiation des conflits religieux en Tanzanie et en République Démocratique du Congo. En parallèle, il continua sa lutte pour le retour de la démocratie au Burundi dans le cadre du CNDD et sa branche armée FDD.

Lors de son séjour en Tanzanie, il a logé la plupart des leaders politiques du CNDD et des leaders militaires des FDD qui étaient de passage. De même, quand ce mouvement est devenu CNDD-FDD, bon nombre d’entre eux ont été logés pendant plus d’un mois chez Feu Khalfan Mohamed RUKARA. Par exemple, en juillet 1998, il a logé simultanément Messieurs Hussein RADJABU, Jérôme NDIHO et feu Jean NGENDANGANYA sur trois lits dans la même chambre tout en les nourrissant à ses frais. Plus tard, il a logé l’actuel Président de la République Pierre NKURUNZIZA qui était, alors, Commissaire Général chargé de la Mobilisation.  Il a aussi logé Feu le Lieutenant Général Adolphe NSHIMIRIMANA qui, en ce moment, était un des plus importants Commandant des FDD.

Aussi, Feu Mohamed Khalfan RUKARA a-t-il mené une action diplomatique musclée auprès des autorités tanzaniennes au profit du mouvement CNDD-FDD.

En 1998, il a joué le rôle de médiateur entre NYANGOMA président du Mouvement et NDAYIKENGURUKIYE le Chef d’Etat Major des FDD. Son rôle a limité les dégâts.

Août 2001, une autre crise éclata : le tandem Hussein RADJABU- Pierre NKURUNZIZA s’opposa à NDAYIKENGURUKIYE Jean Bosco, entre temps devenu Coordinateur Général du Mouvement CNDD-FDD. Là aussi, feu Mohamed Khalfan RUKARA a contribué à limiter les dégâts.

En 2002, il a participé aux négociations de paix inter-burundaises présidée par feu le Président Nelson MANDELA.

En 2005, de retour au Burundi, il fut élu Conseiller Communal à Buyenzi, lors des scrutins post-transition. Puis occupa la fonction de président du Conseil Communal. Sans tarder, il fut, ensuite, élu Sénateur dans la circonscription de la mairie de Bujumbura.

Il se mit alors à construire des écoles techniques secondaires, l’Université Paix et Réconciliation, les instituts paramédicaux secondaires et supérieurs. Il a construit des Centres de Santé et la Radio-Télévision Salama. Il a construit une mosquée, une grande salle polyvalente pour des animations sociales. Il créa l’Alliance Islamique du Burundi (ALIBU) et la Fondation Salama. Qui plus est, il donnait aux enfants de la rue de quoi manger une fois par semaine, un vrai summum de son caractère charitable. Bon nombre d’orphelins et de ces enfants de la rue accédaient gratuitement aux écoles citées plus haut. Il a, en outre, contribué à la promotion de la culture burundaise en créant une troupe de tambourinaires, de danseurs intore et des danseuses en kirundi et en swahili.  

C’est aussi à cette période qu’il se consacra à la réconciliation des DD : je veux dire le CNDD-FDD, CNDD et Kaze FDD. Jusqu’à sa mort, il n’avait pas encore atteint ses objectifs. Sur ce dossier, il avait une persévérance extraordinaire.

En 2006, Feu Mohamed Khalfan RUKARA joua encore une fois son rôle de médiateur interne au CNDD-FDD. En effet, deux ans à peine que le mouvement CNDD-FDD était devenu parti politique, l’antagonisme, entre Messieurs Pierre NKURUNZIZA et Hussein RADJABU, prit de l’ampleur.Hussein RADJABU devenu Président du CNDD-FDD violait la Constitution en s’attribuant par force des prérogatives appartenant à Pierre NKURUNZIZA, chef d’Etat démocratiquement élu d’où la dangereuse bicéphalité de l’Etat de janvier 2006 à février 2007. La contribution de feu Mohamed Khalfan RUKARA limita, encore une fois les dégâts par sa médiation.

En 2007, il est nommé Vice-Président du Conseil des Sages, l’organe suprême du parti CNDD-FDD.

En 2010, feu Mohamed Khalfan RUKARA est élu Député dans la circonscription électorale de Bujumbura. A cette époque, il organisait souvent des matchs de football pour rapprocher des groupes sociaux en conflits.

En décembre 2010, l’Assemblée Nationale et le Sénat portèrent feu Mohamed Khalfan RUKARA au rang d’Ombudsman : en d’autres termes, le Médiateur de la République. Pendant son mandat, il a exécuté les prescrits de la Constitution qui lui dictaient d’assurer la médiation entre l’Etat et les citoyens. Parmi les citoyens, il priorisait la résolution des problèmes des paysans et des employés. Plusieurs documentaires, publiés par la Radio Télévision Nationale du Burundi, l’attestent.

Le Premier Ombudman du Burundi, feu Mohamed Khalfan RUKARA a organisé plusieurs conférences pour la paix au Burundi et dans les pays des Grands Lacs d’Afrique. Citons comme exemple sa médiation en Tanzanie sur demande des Nations Unis et du Président Jakaya Mrisho KIKWETE, alors en exercice, suite aux conflits sanglants entre chrétiens et musulmans à Arusha et Zanzibar.

Il fut aussi élu, Vice-Président de l’Association des Ombudsmans et Médiateurs Francophones (AOMF). Après quoi, il fut élu membre du Conseil Exécutif de l’Association des Ombudsmans et Médiateurs Africains (AOMA).

Pour toutes ces performances, il fut honoré par plusieurs prix et titres dont le prix d’Officier de la Légion d’Honneur Français et celui de Commandeur de l’Ordre de la Couronne de Belgique. Il fut aussi élevé au titre de Docteur Honoris Causa des facultés de Droit de l’Islamic University in Uganda.

Il a exercé son mandat d’Ombudsman jusqu’en 2016.

Pour conclure, feu Mohamed Khalfan RUKARA, est un homme audacieux, tenace, avec une joie de vivre communicative dont l’enfance a été brisée par l’injustice sociale et la ségrégation mais qui a travaillé toute sa vie pour améliorer et préserver celle des autres. Il a fait montre de pugnacité pour le droit, la liberté, la paix, le développement, l’émancipation des opprimés.

Né d’une famille de militants pour l’indépendance et pour la démocratie, il a excellé dans la révolution nationale démocratique et populaire qui ramena la démocratie au Burundi. Au cours de cette lutte, il n’a pas cessé de montrer ses talents de médiateur jusqu’à être récompensé par le Parlement au titre d’Ombudsman. Il a contribué à assurer la continuité de la lutte panafricaniste des Indépendances africaines dans lequel son illustre père, Feu KHALFAN RUKARA a participé au niveau national. Pour les héritiers de cette famille, un grand défi s’impose pour assurer la continuité de cette haute réputation familiale. A cette fin, les citoyens de Buyenzi devraient continuer à soutenir cette illustre famille.

Homme charitable, il a créé des établissements d’intérêt social sans épargner ses énergies. Il était d’une gentillesse légendaire que ce soit envers sa famille nucléaire, sa grande famille, ses amis, ou tout être humain. C’était un homme très souriant fort aimé par beaucoup de gens de différentes catégories sociales surtout les plus pauvres.

La disparition de Feu Mohamed Khalfan RUKARA est une grande perte qui laisse un grand vide pour sa famille, ses amis, la communauté islamique du Burundi, le CNDD-FDD, le Burundi, la sous-région de l’Afrique des Grands-Lacs, le monde arabo-musulman et même le monde entier.

Feu Mohamed Khalfan RUKARA nous a quitté le 29 novembre 2019 à 23h57 dans un hôpital de Bruxelles soit à 64 ans et quatre mois et deux jours, après 4 ans de résistance farouche contre le cancer.

Ainsi donc, la biographie de Mohamed Khalfan RUKARA est une page de l’histoire du Burundi qui se tourne. Que la terre lui soit légère !