Syrie : une autre leçon pour les peuples, pour le #Burundi

Par Roland Rugero-

1. IL Y A 5 ANS, les médias nous disaient que les Syriens ne voulaient, ne veulent plus d’Assad, qu’il devait partir, nous brossaient à tour de bras les portraits des « héros de la liberté » venus de partout le monde, et partis guerroyer pour la démocratie à Homs, Alep, Ar Raqqah, Idlib, etc
2. 5 ANS PLUS TARD, le rapport de force sur terrain ayant changé avec l’entree en jeu des Russes, la propagande des médias se dissipe un peu, et nous découvrons en fait que certes, des Syriens voulaient qu’Assad parte. Mais qu’en fait, ceux qui voulaient vraiment qu’il parte et qui ont mis tout le paquet, c’était la maison des Saoud – Arabie Saoudite, et Erdogan -Turquie. Les raisons : “former une alliance politique et militaire sunnite face à “l’axe iranien [chiite]” dont la Syrie est une pièce maîtresse” et “empêcher le renforcement des indépendantistes kurdes”
Pour ceux qui s’inquiéteraient d’ISIS, « Daech n’est pas une menace existentielle pour l’Amérique » a rappelé Obama le 12 janvier dernier. Une manière de dire que c’est aux Syriens de résoudre la question du monstre … créé suite à la radicalisation de l’opposition syrienne soutenue (humainement et matériellement) par les mêmes Etats-Unis.
Assad a donc de beaux jours devant lui, et des Syriens vont continuer à mourir. Et pour longtemps. Et en grand nombre. Voyez: “Des manœuvres géantes se préparent en Arabie Saoudite, qui pourraient concerner 150 000 hommes venus de différents pays de “l’alliance sunnite” tels que le Soudan, la Jordanie, l’Egypte et d’autres pétromonarchies du Golfe”
3. ENTRE TEMPS, sur ces 5 ans, le bilan est terrible : plus de 250.000 Syriens tués, des millions de réfugiés un peu partout sur Terre, une crise migratoire qui affecte des budgets des pays à des milliers de km à la ronde et alimente les peurs de l’autre à travers le monde, la destruction d’un patrimoine architectural, historique, touristique unique au monde (pensée particulière pour Palmyre)
4. Tous ces morts, ces millions de familles syriennes en déshéritance pour une raison simple, au final: les Sunnites de l’Arabie Saoudite ne veulent pas des Chiites de l’Iran. La Syrie n’a été que le terrain (humain) de leur empoigne.
5 .Voilà pourquoi, en Syrie comme au Burundi, en Libye comme Amérique latine, il serait utile de comprendre que :

 Chaque fois qu’éclate une crise politico-sécuritaire dans un pays, il est impératif d’étudier d’abord l’environnement regional et géopolitique du pays en souffrance pour savoir « qui combat qui ». Très souvent, ce sont des puissances en lutte, qui partent d’un problème local, en font à travers les médias la raison ultime de la crise qui arrive, alors qu’en coulisses, les empoignades portent sur absolument d’autres intérêts.

 Il est toujours sage de remettre en question tous les échos que nous recevons d’une crise donnée. Rapports des organismes internationaux (surtout), récits médiatiques (surtout), prises de position des uns et des autres, réunions grandiloquentes, etc. Rien n’est jamais gratuit.
Evidemment, cette démarche est très difficile à vivre, surtout quand le pays en crise est le nôtre. Un ami qui disparaît, telle phrase qui rappelle des souffrances passées, une famille touchée, et l’émotion, la colère, la révolte, brouillent toute lecture sereine.

 Et c’est humain, nécessaire, de sentir la colère face à l’injustice, la mort, des disparitions. Humains dans la joie, nous le sommes encore plus dans la souffrance (ceux qui pratiquent les arts le savent si bien). Quiconque souhaiterait autre chose de nous voudrait nous rendre “in-humains”

 Malheureusement, et c’est là tout le drame, des Amériques à l’Asie en passant par l’Europe et l’Afrique et les Iles, les raisons et le fonctionnement des Etats sont de loin différents du fonctionnement humain. La Syrie nous l’apprend: un gouvernement peut planifier et mettre en execution la mise à mort d’un autre gouvernement pour ses intérêts en utilisant soit l’économie (chute vertigineuse du prix du baril par exemple), ou les armes, ou la culture, ou tout cela à la fois, etc. Cela n’est ni “bon”, ni “mauvais”, au sens où nous l’entendons, nous autres citoyens lambda. C’est comme cela que fonctionne les Etats, et c’est connu depuis des siècles, et c’est toujours d’actualité malgré nos discours et cénacles droits-de-lhomesques.

 Ayant compris que tout Etat met en priorité ses « Intérêts » au détriment des « Droits de l’Homme », de la « compassion » (et autres valeurs que nous tenons pour essentielles et que nous souhaitons voir appliquées par les Etats), il n’y a qu’une seule alternative humaine aux crises politico -sécuritaire:
> ou bien les citoyens du pays en difficulté se mettent ensemble et acceptent de régler intelligemment leurs différends comme de grands garcons et de grandes filles, pour ne pas donner prétexte à ceux qui profiteraient du chaos (cela demande évidemment un sens profond de “renoncement à soi” de la part de l’élite politique)
> ou bien le pays, et ses richesses, est détruit. Rappel: il y a toujours quelqu’un pour se lécher les babines quand un pays est en feu, car la reconstruction génère beaucoup de sous (marchés, emploi, expertises, etc)
Martin Luther-King le disait si bien : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »