Hommage au Professeur Ruzenza

25 Bougies, une vie trop vite arrachée

 

25 Bougies tristes, qu’on allume une par une

Dans une mémoire paisible et commune

Pendant cette journée, ensoleillée mais pourtant si sombre

Pourquoi, de la surface terrestre, avoir effacé son ombre ?

Chacun a intégralement perdu un citoyen patriote au Burundi

Que chacun dans son cheminement, en sorte plutôt grandi

Pour construire un avenir différent et bien meilleur

On doit se servir de son héritage même dans la douleur

Sa famille, ses amis, collègues célèbrent sans haine

On manque de mots justes pour exprimer cette peine

25 bougies pour dire que plus jamais ça même demain

25 années pour que la vie du Pr. Stanislas Ruzenza n’aura pas été gâchée en vain

 

 

Aujourd’hui 21 juin, la musique est célébrée partout dans le monde. Le 21 juin est également le début de saison de l’été, il fait chaud, le soleil brille, on chante et on danse. 

Depuis le 21 juin 1995, chaque année mon cœur n’est plus à la fête. Je veux simplement pleurer, crier et sortir toute ma peine. Chaque 21 juin, je subis littéralement la plus longue journée de l’année. 

Il y a exactement 25 ans, mon cher papa, Stanislas Ruzenza, se faisait assassiner dans son bureau, à l’Université de Bujumbura. 25 longues années me séparent désormais de lui. Une génération! J’avais à peine 10 ans, j’aimais et admirais mon papa comme n’importe quelle gamine cet âge là. Nous étions à Bujumbura, c’était la guerre civile (amagume), j’étais persuadée que rien ne pouvait nous arriver. Dans ma petite tête, notre famille était à l’abris de tout, mon papa était un homme digne, influent et respecté de tous et par conséquent il ne pouvait pas être une cible. Nous n’avions rien à craindre. La guerre se terminerait, nous retrouverions notre magnifique maison familiale, nos voisins et tout redeviendrait comme avant. La réalité fut tout autre… 

Le 21 juin 1995, peu après la récréation du matin, une amie des parents est venue nous chercher à l’école avec ma sœur et maman. . Nous avons dû quitter précipitamment notre école. Je ne me souviens même pas avoir dit au revoir à ma maîtresse. Je pense même que je suis partie sans mon cartable. Je me souviens qu’on nous a dit « il faut aller voir maman ». Sur le trajet, personne ne parlait, pas même ma sœur. Je n’ai pas osé demander des explications, j’étais intérieurement paniquée. Allez savoir pourquoi, j’ai tout de suite compris que quelque chose de grave était arrivé.

Après cela, le danger, la fuite, encore, et toujours. Le pire souvenir reste Uvira, je n’ai jamais eu aussi peur de mourir. Là-bas tout faisait peur, les gens malades, les réfugiés, les mutilés, les odeurs, les histoires, les cris.. j’effacerais volontiers certains souvenirs d’enfance, ceux-là en tête de liste. 

Peu de temps après cela, avec l’aide de quelques amis proches de papa, nous nous retrouvons à Louvain-la-Neuve. C’est la délivrance. Nous sommes accueillis avec une telle bienveillance que je suis submergée d’émotions à chaque fois que j’évoque mon arrivée en Belgique. 

Beaucoup d’autres enfants sont eux aussi partis un jour à l’école en disant simplement “à tout à l’heure” à leurs parents sans plus jamais les revoir. 

Aujourd’hui je voudrais que les hommes et femmes de pouvoir au Burundi œuvrent activement pour aider toutes ces familles dans leurs longs processus de deuil inachevé en allant au bout des enquêtes. 

 

Parfois les petits-enfants, la nouvelle génération, nous demandent pourquoi des méchants ont tué leur papy. Je n’ai aucune réponse à leur donner. 

 

Mon papa aimait profondément son pays. Sa conviction était que l’instruction publique Burundaise ferait briller le pays. Il avait des idées novatrices de gratuité pour et d’obligation scolaire. Mon papa a su nous transmettre le goût pour l’apprentissage, la curiosité, l’éveil de l’esprit, l’émerveillement par la connaissance. Merci papa pour ces merveilleux moments. Les souvenirs sont ancrés dans ma tête et dans mon cœur. Ceux-là je les garde, les multiplie et les transmettait. 

 

A vous chère famille, amis, connaissance, nous vous invitons à allumer une bougie en mémoire de Feu Pr Ruzenza Stanislas. A l’occasion des 25 années passées depuis son assassinat. Que ce triste anniversaire nous rappelle que la vie est un don divin que personne n’a le droit de l’enlever à qui que ce soit. Le vivre ensemble est le seul moyen d’avancer et d’offrir aux générations futures un avenir serein.

 

Inès Uwiteka