L’énergie avec laquelle les réseaux du CNARED critiquent la décision du gouvernement burundais de se retirer du Statut de Rome contraste avec les cris de victoire lors de l’adoption de la Résolution du Conseil des Droits de l’homme sur le Burundi. Le CNDD-FDD a juré de ne pas “se laisser faire”.
L’opposition radicale ne s’attendait pas à cette réaction. Même certains dans la presse internationale croient toujours que c’est de la gesticulation du gouvernement burundais, en mettant la pression sur la Communauté Internationale le temps de négocier les termes de déploiement de la Commission onusienne d’enquête sur les violations des droits de l’homme.
C’est oublier qu’au lendemain du vote de la Résolution du Conseil des Droits de l’Homme, le porte-parole du CNARED Jérémie Minani rappelait sur Facebook la liste des personnalités transmise à la CPI pour arrestation. Et cela il y a un an.
La lecture des noms indexés par le CNARED et les activistes proches comprend la direction du Cndd-Fdd, du Président du Conseil des Sages au Secrétaire Général du parti, les présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale, des députés et sénateurs influents, etc.
Pire: tous les anciens combattants du CNDD-FDD aujourd’hui dans le Haut Commandement de l’Armée et de la Police du Burundi sont systématiquement indexés dans cette liste, en commençant par le Chef d’État-major et le patron des Renseignements.
“Quand nous lisions ces listes fin 2015, nous pensions que c’était de la simple propagande anti-CNDD-FDD comme on en voit depuis des années“, indique un poids lourd du parti au pouvoir. “Et puis la Résolution du Conseil des Droits de l’Homme à Genève est venue nous réveiller. Elle nous a rappelé la force des soutiens dont jouissent les opposants radicaux au sein de la diplomatie européenne. Désormais, c’est une question de protection de l’État burundais, en plus de notre parti”.
Pousser vers La Haye
Au sein du CNDD-FDD et au gouvernement, la réponse est la même quand on évoque le Conseil des Droits de l’Homme: “Ne regardez pas vers Genève. Mais vers La Haye“.
Au Ministère des Affaires Étrangères, on précise: “La Procureure de la CPI a voulu lancer des enquêtes au Burundi il y a quelques mois. Notre gouvernement a décliné l’offre. Le Plan B pour contourner cette porte fermée vers la CPI, c’était de passer par le Conseil des Droits de l’Homme en votant une Résolution dont les conclusions allaient mener fin de fin vers la CPI“. Ce que ne nie pas Me Bernard Maingain, un des trois avocats pro-CNARED qui travaille sur la piste CPI.
Pour l’un des nouveaux commissaires du CNDD-FDD: “La stratégie adoptée par le CNARED est claire comme l’eau de roche. La première étape était de lancer des manifestations (avril 2015) pour faire dérailler le processus électoral et instaurer un gouvernement de transition. Cette étape n’a pas réussi avec la tentative de putsch ratée de mai 2015, qui a ressoudé les rangs du CNDD-FDD, mais aussi les forces de l’ordre. Après, les opposants radicaux ont armé les jeunes dans certains quartiers en leur promettant que la victoire contre la police serait facile. Leur propagande disait que les policiers et les militaires étaient divisés en groupuscules ethniques et politiques. Ce fut un échec face à la cohésion dans l’Armée et la Police. Puis ils sont passés au stade d’assassinat ciblés des responsables militaires, pour affaiblir le commandement en le divisant. Nouvel échec. Il ne restait que la route des pressions par réseaux diplomatiques interposés, avec le soutien bienveillant des fonctionnaires européens, en faisant passer le démantèlement des réseaux de déstabilisation sécuritaire pour des violations des Droits de l’Homme. C’est Minani même qui l’a dit récemment en Belgique”. (lire ici)
2020 dans la ligne de mire
Pour cet autre Conseiller de l’ombre au siège du CNDD-FDD à Ngagara: “La mise en place d’une soi-disant Commission internationale d’enquête sur les Droits de l’Homme vise à envoyer des fonctionnaires onusiens préalablement briefés au Burundi. Exactement comme les Experts de l’EINUB. Ils viennent ici, nous les accueillons en souriant en pensant qu’ils veulent vraiment savoir la vérité. Nous les mettons dans nos meilleurs hôtels, avec tous les honneurs. Le gouvernement leur donne tous les documents et preuves attestant sa bonne foi sur les droits de l’homme. Quand ils rentrent à Genève, ils sortent un document indexant tout les acteurs-clés du CNDD-FDD. Direction: La Haye. Comme ça, l’opposition peut s’avancer en 2020 sans challenger. Malheureusement pour le CNARED, s’il espérait couper ainsi la tête du CNDD-FDD grâce à la CPI, c’est raté”.
Dernière preuve que la menace des jeux diplomatiques CNARED+EU au sein des Nations Unies est prise très au serieux: le Gouvernement vient de suspendre toute coopération et collaboration avec l’Office du Haut-Commissariat des Droits de l’Homme au Burundi.
Par Axelle Kakunze