Retour sur « … Ils sont fous ! »

Il faut revenir profondément sur le « …Ils sont fous ! » initié par Mkapa ce vendredi à Bujumbura lors de sa conférence de presse et qui a marqué plus que jamais des débâcles à ceux qui, essoufflés et étouffés cette fois-ci par leurs propres faiblesses et leur manque d’imagination difficilement assumée, combattaient depuis bien des mois le phénomène Nkurunziza, locataire du palais présidentiel. « …Ils sont fous ! ».

Ça ne faisait que trop durer. Les plus malins, à l’échelle régionale et sous régionale, cachaient mal leurs positions, hormis celui du Nord, vis à vis de la situation prévalant au Burundi. Des tournures diplomatiques par ici, des jeux de mots croisés dans la sphère médiatique par là. Les plus fâchés et les plus frustrés de l’autre côté de l’atlantique multipliant sanctions et menaces, persuasions vaines et dissuasions vexantes.

Et du coup, Mkapa est arrivé. Confortablement assis. D’une tranquillité et d’une sérénité vocale et émotionnelle vivante. D’un air habituellement accommodant en face des caméras et des micros des journalistes, il a pris son stylo et a coché dans toutes les cases « …Ils sont fous !»…. « …Et citez-moi,…Ils sont fous !». Expérience et compétence, rassurance et pertinence, il savait le poids du propos. Il avait aussi la mesure de sa portée et de son impact. Du moins, dans le contexte du conflit burundais.

Et si Mkapa avait dit tout haut ce que Museveni murmurait tout bas depuis qu’il a traité quelques acteurs politiques et civils burundais de « Clowns » en décembre 2015 à Entebbe ? Et si par « …Ils sont fous ! » Mkapa avait brisé son silence et exprimé clairement et ouvertement son mépris à l’égard de ceux qui perdent inutilement du temps combattant le « vent » ? Et si finalement par « …Ils sont fous ! » Mkapa avait donné la nouvelle morphologie politique du dialogue inter-burundais ? Une question qui entraîne une autre. Et une autre après une autre depuis que Mkapa a gracieusement et gratuitement offert aux Nkurunzizistes un nouveau mot à intégrer dans leur dictionnaire. « …Ils sont fous ! » mais c’est quoi « être fou! » au juste?

« Être fou! », c’est avant tout se livrer aux petits comparatifs des temps et des contextes pour justifier l’anticipation du cours de l’histoire. Répéter la même chose, de la même manière et espérer les résultats différents, c’est également « être fou! ».

« Être fou! », c’est vouloir piloter une « révolution » plus lourde de la sorte que le révolutionnaire lui-même ne parvient pas à la maîtriser. Déclarer une guerre alors qu’on n’a même pas le courage de mettre le treillis, c’est aussi » être fou ! »

« Être fou! », c’est dire publiquement que l’on est prêt à sacrifier sa vie pour une cause jugée « juste et noble » et prendre ses jambes sur son cou au moment d’accomplir la volonté exigeante de ladite cause. En se réfugiant dans un bunker de l’autre bout du monde laissant ses disciples crever, c’est non seulement » être fou! », c’est aussi et surtout entrer dans la grande galerie historique de ces hommes que l’on oublie jamais car ayant brillé par leur bêtise et leur lâcheté.

Le comble de la « folie », c’est qu’ils ont tenté de faire croire au monde qu’ils avaient le peuple derrière eux. Que la cause était la cause de tout le monde. Que personne n’en voulait plus de Nkurunziza. Qu’il a été lâché par tout le monde. Qu’il est devenu faible et donc facile à abattre. Ils ont eu tort. Grand tort. Et ils ont été » fous ! ».

« Être fou! », c’est se dire que le pays se réduit à la capitale. Prétendre déclencher une révolution à partir de son clavier, être un apologiste d’un combat armé alors qu’on court à perdre haleine quand le pneu d’une voiture explose à quelques kilomètres, c’est simplement « être fou ! ».

« Être fou! », c’est se convaincre que 140 caractères suffisent pour démettre un gouvernement réel. Militairement et politiquement établi. Se persuader que ce qui s’est passé ailleurs va obligatoirement et nécessairement se reproduire chez soi, c’est pitoyablement « être fou! ».

Il ne fallait pas jeter la pierre à Pierre. Ce n’était vraiment pas nécessaire. Il a toujours été autorité. Légitimité. Crédibilité aussi. Et Surtout représentativité. S’accrocher désespérément sur une argumentation légalement moins convaincante pour tenter de discréditer sa pratique rassembleuse et apaisante, sa culture flegmatique et rassurante, sa démarche consensuelle et naturelle, ne peut qu’être une » folie » et une banalité incommensurable.

Je l’oubliais. Distribuer des grenades et des fusils aux civiles et les inciter à attaquer simultanément trois bases militaires tout en espérant la mutinerie de l’armée et que leur sera dressé un tapis rouge et qu’ils seront accueillis en bienfaiteurs, c’est éperdument et incongrûment « être fou! ».

Le sindumujaïsme nage contre vents et marées là où le Nkurunzizisme surnage. Qui se noiera premier ? Qui goûtera premier à la défaite cinglante et accablante ? « …Ils sont fous ! ». Ne pas reconnaître sa défaite politique, ne pas réaliser que 2020 est proche, très proche et tout près, c’est injustement et incorrectement « être fou! ». L’heure est à la délivrance et c’est mieux !

Fridolin Nzambimana, le 12 décembre 2016, https://fridolinandres.wordpress.com