Les Pays-Bas vont indemniser les descendants des Indonésiens exécutés pendant la guerre d’indépendance

Les Pays-Bas ont annoncé, ce lundi 19 octobre, qu’ils indemniseraient les descendants des Indonésiens exécutés pendant la guerre d’indépendance qui ravagea le pays après la Seconde Guerre mondiale. Une mesure attendue mais aussi assez inédite : la Grande-Bretagne avait annoncé indemniser, en 2013, les survivants kényans de la révolte des Mau-Mau, mais pas les descendants des personnes assassinées.ar les troupes coloniales

De notre correspondante régionale

Ce sont des plaies que le temps n’a jamais refermées en Indonésie. Soixante-quinze ans après le début du conflit et six mois après la visite du roi Willem-Alexander, qui présentait à Jakarta ses excuses au peuple qui fut colonisé par son pays, la décision de la justice des Pays-Bas est inédite : elle assure qu’une somme forfaitaire de 5 000 euros sera versée aux Indonésiens qui pourront prouver que leur père a été exécuté par les troupes coloniales.

Cette décision d’indemniser directement les descendants est un choix qui paraît motivé par des précédents : ce sont les enfants de fusillés qui ont jusque-là majoritairement demandé justice aux Pays-Bas. Il semble également idéologique, constate Bunga Meisa Siagian, avocate indonésienne diplômée de victimologie et spécialiste de la question : « Indemniser les enfants de ces victimes, c’est mettre l’accent sur les actes perpétrés à l’époque, moins sur les conséquences globales. »

Un passé qui fait débat

Elle note que dédommager les victimes plutôt que le gouvernement, comme l’avait par exemple proposé l’Italie à la Libye, « permet également d’éviter aux Pays-Bas de statuer ou reconnaître officiellement la date de l’indépendance de l’Indonésie en 1945 ». Car depuis des décennies, les deux pays s’affrontent sur cette question. Sous le contrôle de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales pendant plus de trois siècles, l’Indonésie passe sous domination japonaise en 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale. Et lorsque l’empire nippon annonce sa capitulation, encouragé par des jeunes mouvements politiques, Soekarno, le père de l’Indonésie moderne, déclare son indépendance, le 17 août 1945.

Une annonce qui ne plaît pas du tout aux Néerlandais, qui tâcheront avec l’aide des troupes coloniales anglaises d’abord, puis seuls, de regagner le contrôle de l’archipel indonésien. S’ensuit un conflit armé de quatre ans, dont le bilan est aujourd’hui très difficile à estimer, les historiens évoquant entre 45 000 et 300 000 morts du côté indonésien. Le conflit s’achèvera par la signature d’accords en 1949, et le transfert de la dette de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à la jeune République indonésienne qui devra s’en acquitter jusqu’en 2002.

Des preuves pour être indemnisé

Pendant les décennies qui suivront, l’histoire officielle néerlandaise tâchera alors de commémorer la date de l’Indépendance indonésienne en 1949, perception mémorielle qui a permis aux Pays-Bas de considérer les conflits meurtriers des quatre années antérieures comme « des actions policières » dans un pays encore sous son contrôle, plutôt que comme des crimes de guerre.

Mais si la terminologie semble encore floue du côté néerlandais, l’annonce de cette indemnisation aux enfants d’Indonésiens exécutés mérite cependant d’être « saluée », considère l’avocate Bunga Meisa Siagian. Quant au nombre de personnes qui pourront en bénéficier, il demeure encore inconnu. « Après tout ce temps, il va certainement être difficile de rassembler des preuves, et beaucoup d’enfants de fusillés doivent être déjà morts », constate l’avocate. Avec une espérance de vie moyenne de 71,5 ans actuellement, les chiffres semblent lui donner raison.

Texte par : Gabrielle Maréchaux