Ngozi : plus de 350 condamnés libérés

C’est dans le cadre de la grâce présidentielle que ces prisonniers ont été élargis le week-end dernier. Un geste salutaire mais insuffisant, selon les concernés. Ils réclament des mesures d’accompagnement.

Au total 371 détenus ont été libérés le week-end dernier pour les deux prisons centrales de Ngozi par la mesure de grâce présidentielle du décret n° 100/01 du 3 janvier 2017.

A la prison pour hommes, les membres de la commission ad hoc avancent un effectif d’environ 348 détenus définitivement condamnés ayant déjà reçu vendredi passé les attestations d’élargissement. Un effectif pouvant encore s’accroître au vu du nombre des réclamations déjà déposées à la commission.

A la prison centrale pour femmes de Ngozi, ce sont 20 femmes concernées par la mesure et 3 mineures comme l’indique Scholastique Nahimana, directrice de cet établissement. Toutes ces femmes ont des nourrissons et sont restées provisoirement abritées dans les enceintes de la prison en attendant des bienfaiteurs pour le déplacement jusque dans leurs ménages.
Selon des informations en provenance de la prison pour femmes de Ngozi, l’ONG Terre des Hommes se préparerait pour leur acheminement et un éventuel accompagnement.

Ces libérations concernent un certain nombre de catégories de prisonniers. Il s’agit des prisonniers définitivement condamnés à des peines ou infractions inférieures ou égales à 5 ans du chef de toutes les infractions à l’exception du génocide, crimes contre l’humanité, crime de guerre, du vol à main armée, de la détention illégale d’armes à feu, de l’atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat, du viol, etc.

Il s’agit aussi des femmes enceintes ou allaitantes, ayant des nourrissons âgés au plus de trois ans, des prisonniers ayant des maladies incurables, de plus de 60 ans, des infirmes et des malades mentaux.
Ces sont aussi des détenus commués à la moitié de la peine ou à 20 ans de servitude pénale pour les condamnés à perpétuité.

Outre les détenus bénéficiant de la mesure de grâce présidentielle, il y en a aussi qui bénéficieront des libérations conditionnelles pour bon comportement carcéral.

Une bonne mesure mais …

Les détenus interrogés saluent ces libérations. «J’ai été surpris d’entendre mon nom parmi ceux qui sont relaxés. Je suis extrêmement heureux de retrouver ma famille après trois ans d’incarcération », note Jean-Marc Ntunzwenimana.

Aloys Habonimana, directeur de la prison pour hommes de Ngozi met l’accent sur le désengorgement de son établissement : «Les effectifs des détenus avaient augmenté ces derniers jours atteignant le pic de 1.453 prisonniers pour une capacité d’accueil de 400 personnes. Cela me plaît et permettra à l’administration pénitentiaire d’améliorer les conditions de vie des pensionnaires».

D’autres détenus interviewés jugent cette mesure insuffisante. Pour eux, il faut d’autres mesures pour qu’un grand nombre rentre surtout les détenus d’opinions. Ils interpellent aussi la justice à accélérer le traitement des dossiers car selon eux un bon nombre de prisonniers reste incarcéré pour deux voire trois ans sans dossier judiciaire.

Des inquiétudes sont aussi soulevées. C’est le cas des détenus qui craignent pour leur sécurité une fois sur leurs collines d’origine : «Nous avons peur car nous entendons beaucoup de cas d’assassinat sur les collines. Il y a des soupçons envers les prisonniers relaxés. Même du simple vol dans les ménages est attribué à un ex-prisonnier. Les gens peuvent nous faire du mal en nous soupçonnant à tort de complicité dans différentes infractions commises quotidiennement sur les collines».

Enfin, les détenus libérés se disent inquiétés par la précarité alimentaire sévissant dans la plupart des provinces du pays. Un jeune homme originaire de Busoni relaxé confie : «Il fallait un kit d’accompagnement en vivres. Vous savez que Kirundo est encore une fois frappé par la disette. Nous n’avons rien cultivé, nous allons mourir de faim car ici à la prison, on parvenait à manger au moins deux fois par jour. Et à Busoni ? La solution est de virer ailleurs, peu importe les conséquences».

Par Cyrille Niyongabo