A Rabat, la dépouille de Mobutu attend toujours son retour au pays

Pas de nom, ni photo ou épitaphe. Juste trois initiales -MSS- entrelacées sur la grille de fer d’un caveau familial: ici repose Mobutu Sese Seko, « roi du Zaïre » et dictateur déchu, mort il y a vingt ans jour pour jour en exil au Maroc.

La dépouille du tout puissant maréchal-président, qui régna 32 ans sans partage sur l’ex-Congo belge -aujourd’hui République démocratique du Congo (RDC)-, est enterrée au cimetière européen de Rabat, dans une relative sobriété vu le personnage.

« Il y a beaucoup de gens qui viennent visiter la tombe. Chaque jour, il en passe au moins une dizaine, presque tous Congolais (et) africains », raconte Abu Fida, gardien des lieux. « Mobutu, c’est la vedette du cimetière! », sourit-il.

Cachée derrière de hauts murs blancs, cette improbable nécropole est un mélange de sépultures à demi-abandonnées et d’alignements de tombes militaires, vestige du Maroc colonial.

Dans un silence presque religieux, une allée centrale et déserte cernée de palmiers monte vers une imposante obélisque célébrant les « glorieux défenseurs » de la France.

Quelques pas plus loin, deux gros palmiers joufflus montent la garde devant le caveau des Mobutu, temple de marbre blanc et noir, surmonté d’une simple croix.

Ce jour-là, un duo de religieuses congolaises vient se recueillir, et murmure un discret « notre Père ». « C’était notre président tout de même », confie l’une d’elles.

 « Mama » –

« Ils sont trois à être enterrés dans le caveau, Mobutu et deux de ses fils. Au total, il y a six places », explique le gardien Abu Fida. Au fil des ans, d’autres membres de la famille ont aussi été inhumés dans de discrètes tombes autour du mausolée.

Briquée tous les jours par les employés du cimetière, la tombe du patriarche est impeccable. L’intérieur de la chapelle, fermée à double tour, où « il y a des petits mots, des choses personnelles…, c’est Mama qui s’en occupe », indique Abu Fida.

« Mama »? Sa femme, qui « vient généralement deux fois par semaine, elle est très gentille ».

Bobi Ladawa fut l’épouse légitime de Mobutu qui -originalité méconnue- prit parallèlement Kosia, soeur jumelle de Bobi, comme concubine officielle.

Les deux sœurs furent les dernières compagnes du dictateur. Elles le suivirent dans son exil marocain, et vivraient aujourd’hui, à la tête du clan Mobutu, entre Rabat, Paris, Bruxelles et le Portugal, alimentant les rumeurs sur la fortune dissimulée par l’ex-président.

« Mama vient désormais en taxi » visiter la tombe de son défunt mari. Fini les chauffeurs et voitures de luxe. « Elle aime bien parler avec les gens », explique encore Abu Fida. « Mais elle fuit les solliciteurs comme la peste. Ils sont souvent nombreux derrière elle, qui viennent jusque sur la tombe pour quémander un billet ».

 Promesse –

Le maréchal à la célèbre toque léopard et à la canne de bois sculptée a été chassé du pouvoir en mai 1997 par la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, venue de l’Est swahiliphone de la RDC, avec le soutien du Rwanda et de l’Ouganda.

Lâché par ses alliés, trahi par ses généraux et haï par la population, Mobutu s’enfuit comme un paria. Accueilli d’abord au Togo, il trouva finalement refuge au Maroc, chez son vieil ami Hassan II, avant d’être rapidement hospitalisé pour un cancer avancé de la prostate.

Vingt ans après sa mort, le 7 septembre 1997 à 66 ans, sa dépouille repose toujours à Rabat, dans l’intimité familiale mais loin de la terre de ses ancêtres. Son rapatriement était pourtant l’un des engagements pris en 2013 par l’actuel président Joseph Kabila (fils de Laurent-Désiré).

« Pour les autorités congolaises, le corps du président Mobutu ne doit pas rester au Maroc. Il doit être rapatrié », a répété à l’AFP le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende. « Mais il y a une dispute interne dans la famille. (…) Le gouvernement ne peut rien entreprendre sans la famille », a-t-il justifié.

Impossible de confirmer à Rabat, où le clan Mobutu évite soigneusement les journalistes.

« C’est très politique. Mama craint aussi que la tombe au Congo ne soit profanée », croit savoir Abu Fida.

En 2012, pour le 15e anniversaire de sa mort, la famille avait organisé une discrète messe de requiem. Pour cette année, rien, à ce jour, n’a encore été officiellement annoncé.

TV5 avec AFP