Discours de l’Ambassadeur Albert SHINGIRO lors du Briefing du Conseil de Sécurité sur la situation au Burundi

Monsieur le Président, je souhaite avant toute chose vous exprimer au nom de ma délégation mes sincères remerciements pour avoir bien voulu organiser cette réunion sur la situation au Burundi. Toutes mes félicitations également pour l’accession méritée de votre pays l’Italie à la présidence tournante du Conseil de Sécurité pour le mois de novembre. Vous pouvez toujours compter sur l’entière coopération de ma délégation tout au long votre mandat que assurez avec professionnalisme et un sens élevé d’écoute depuis le début du mois.

Je salue la présence parmi nous de l’Envoyé Spécial du Secrétaire général, l’ancien Président de transition du Burkina Faso M. Michel Kafando. Qu’il reçoit, à travers vous, mes remerciements pour la présentation de son rapport sur sa récente visite de terrain au Burundi.

Qu’il me soit également permis de remercier mon collègue l’Ambassadeur Jürg Lauber, Président de la configuration-Burundi de la Commission de consolidation de la paix pour son rapport et pour son implication personnelle dans le processus de consolidation de la paix au Burundi depuis quelques années déjà.

Monsieur le Président, l’objet de mon intervention est de partager avec les distingués membres de ce Conseil les nouveaux développements positifs intervenus au Burundi depuis sa dernière réunion au mois de juillet.

Sur le plan politique, le dialogue inter burundais se poursuit normalement. Une nouvelle session est projetée dans les prochains jours. Des contacts au plus haut niveau et par l’entremise des Envoyés spéciaux se sont intensifiés ces derniers jours. Le Président Yoweri Museveni de l’Uganda qui assure la médiation du processus a dépêché au Burundi notre collègue l’Amb. Adonia Ayebare, son Envoyé Spécial pour rencontrer les autorités burundaises. Il a été reçu d’abord par le Ministre des relations Extérieures et de la Coopération internationale à Bujumbura, puis par le Chef de l’Etat à l’intérieur du pays. Les échanges entre les deux parties ont été fructueux. Pour sa part, le Facilitateur du dialogue inter burundais S.E Benjamin William Mkapa a eu des consultations fructueuses le 7 novembre 2017 à Kampala avec S.E Yoweri Museveni, Président de l’Uganda et médiateur du dialogue inter burundais. On rappellera aussi que le Facilitateur Mkapa a reçu au mois de septembre l’Ombudsman Burundais dans le cadre justement des consultations en vue de la reprise du dialogue.

Dans la même foulée, l’Envoyé spécial du SG qui est avec nous ce matin a d’effectué récemment sa 2ème visite au Burundi et dans la région au cours de laquelle il a eu des entretiens ouverts et fructueux avec les autorités nationales. Lors de son séjour au Burundi, l’Envoyé spécial du SG a eu droit à un accueil chaleureux à saveur tropicale et à une pleine coopération de la part des autorités nationales à tous les niveaux.

Dans le même ordre d’idée, sur initiative du président de la configuration-Burundi de la Commission de Consolidation de la paix, les Ambassadeurs de la sous-région élargie à l’Afrique du Sud se sont rencontrés lors d’un déjeuner de travail informel. Au terme de la rencontre, les participants ont convergé sur les points suivants (I) le peuple concerné et la région doivent maintenir le lead dans la gestion de la situation au Burundi. L’apport d’autres acteurs en dehors de la région doit se limiter à l’accompagnement aux efforts nationaux et régionaux (II) l’importance pour la communauté internationale de continuer d’appuyer les secteurs socio-économiques (III) appel à la mobilisation des ressources nécessaires pour l’organisation des élections libres, démocratiques et apaisées en 2020, (IV) l’appui aux efforts nationaux et régionaux dans la recherche d’une solution politique durable à la situation actuelle par des voies pacifiques (V) Appel à la levée des sanctions économiques de l’Union Européenne contre le Burundi qui impactent négativement non seulement sur la vie des groupes vulnérables comme les femmes et les enfants, mais aussi sur la mise en application de l’agenda 2030 et sur la création d’un environnement propice à bonne tenue du prochain rendez-vous électoral en 2020. Ma délégation espère qu’avec la dynamique positive actuelle, les partenaires qui ont pris des mesures punitives contre le Burundi devraient bouger dans sens du vent qui se dirige vers un apaisement général au Burundi et lever ces sanctions contreproductives.

Comme vous le voyez, la dynamique régionale reste vivace. Afin de sauvegarder cet élan régional, il serait souhaitable d’éviter toute démarche visant à créer des mécanismes parallèles de nature à fausser la trajectoire actuelle du dialogue. Celui-ci doit rester au premier chef sous la conduite des burundais eux-mêmes et de la sous-région. L’apport d’autres acteurs exogènes bien que louable, se limiterait uniquement à l’accompagnement. Les acteurs hors la région doivent se garder autant que faire se peut de prendre des décisions et positions unilatérales à caractère politique de nature à miner les efforts de la communauté Est-Africaine dans la gestion de la question burundaise. Ce souhait a été émis par les Chefs d’Etat de l’Uganda et de la Tanzanie lors de leur rencontre bilatérale le 11 novembre à Kampala.

Au chapitre du renforcement de la culture démocratique, nous restons convaincu que dans un pays comme le nôtre qui fait encore ses efforts pour consolider la paix, la justice et la sécurité, les élections libres, apaisées et transparentes sont une composante essentielle pour consolider la voix du peuple dans la définition de son avenir. Toute alternative d’accès au pouvoir par des raccourcis anticonstitutionnels est inacceptable. Les coups d’Etat que nous avons connus dans le passé restent pour les burundais un véritable cauchemar dont ils essaient de se réveiller aujourd’hui.

Depuis 2005, la culture démocratique se consolide progressivement au Burundi. Pour pérenniser cette culture dans tout le pays, le Président de la République a exhorté toutes les forces vives de la nation, les partis politiques agréés au Burundi (32 partis aujourd’hui), les confessions religieuses, la société civile, les médias, la jeunesse de se comporter partout en messagers de la paix par le renforcement de la sécurité pour tous, la cohabitation pacifique, la cohésion sociale, la réconciliation et l’Unité nationale.

Pour ce qui est des affaires constitutionnelles, ma délégation souhaite rappeler que l’amendement de la Constitution est un exercice qui relève exclusivement de la souveraineté nationale non seulement pour le Burundi mais aussi pour les autres nations. Cette question est du ressort des Burundais et ne devrait pas faire objet de débat par des acteurs exogènes dans un cadre non Burundais. Je tiens à rappeler que l’exercice en cours vise plutôt la stabilité à long terme du Burundi par la sortie de la période transitoire de notre loi fondamentale de 2005.

En effet, la Constitution du 18 mars 2005 n’a jusqu’ici subi aucune modification bien qu’elle comporte des dispositions périmées, inadaptées au contexte post transition et au Traité de la Communauté de l’Afrique de l’Est que le Burundi a ratifié. Ainsi donc la Commission compétente pour proposer des amendements s’est penchée sur les dispositions constitutionnelles qui sont sources d’imperfections en maintenant, en l’état les dispositions qui ont les mérites et les valeurs démocratiques qui garantissent la stabilité et la paix, la protection de l’opposition politique, la protection des droits et des intérêts des minorités, la protection de l’indépendance de certaines institutions et surtout qui permettent d’accroître la légitimité de l’ordre constitutionnel. La quasi-totalité des acquis de l’Accord d’Arusha qui sont déjà dans l’actuelle constitution comme les quotas ethniques et de genre seront sauvegardés.

En ce concerne la situation sécuritaire : le constat sur le terrain depuis la dernière réunion du Conseil sur le Burundi au mois de juillet est très positif. La situation sécuritaire est globalement bonne sur tout le territoire national et les citoyens vaquent à leurs activités quotidiennes en toute quiétude. De la colline la plus lointaine à Bujumbura la capitale, le calme règne et les burundais dans leur riche diversité jouissent de leurs droits politiques et civiques sans aucune entrave.

Ce retour à la normalité a été reconnu et souligné par le 7ème Sommet des Chefs d’Etat de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs qui a eu lieu le 19 octobre 2017 à Brazzaville, en République du Congo. Grace à la paix retrouvée, le Marché Commun d’Afrique orientale et Australe (Comesa), qui compte 19 pays membres vient de décider de tenir le prochain Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement à Bujumbura à une date à convenir dans les prochains jours. Le retour volontaire massif des réfugiés burundais est aussi une belle illustration de retour à la normalité sur le plan sécuritaire dans notre pays.

En matière des droits de l’homme, mon pays le Burundi reste convaincu que tout progrès en matière des droits de l’homme doit passer par le dialogue, la coopération par l’entremise du mécanisme accepté par tous comme l’examen périodique universel et l’assistance et le renforcement des capacités nationales de toutes les parties prenantes œuvrant dans ce domaine. Malheureusement, la tendance de plus en plus manifeste de politisation des droits de l’homme pour satisfaire des intérêts politiques de certains Etats handicape les efforts de plusieurs pays dont le Burundi. Concept universel amplement exposé dans plusieurs instruments internationaux et constituant un des trois piliers des nations Unies, les droits de l’homme sont de plus en plus galvaudés par quelques Etats, qui, s’ils n’y prennent pas garde, sont en train de faire dévier le Conseil des droits de l’homme des objectifs lui assignés par l’Assemblée Générale lors de sa création le 15 mars 2006 et lors de la mise en place du mécanisme d’examen périodique universel le 18 juin 2007.

Certains membres, et c’est un constat regrettable, ont pris l’habitude d’obtenir par le Conseil des droits de l’homme et d’autres mécanismes établis par celui-ci, des résolutions visant à faire avancer des agendas cachés dans les pays minutieusement ciblés tout en fermant les yeux sur les violations massives des droits de l’homme dans les pays protégés sous leur parapluie. On ne le dira jamais assez, la politisation, la sélectivité et le double standard, qui commencent à être flagrants pour le cas singulier du Burundi, sont des véritables obstacles au processus de promotion des droits de l’homme et la communauté internationale devrait rompre avec cette attitude contreproductive et s’attaquer aux souffrances des peuples de ce monde avec même niveau d’attention sans aucune autre considération d’ordre géopolitique.

Dans le domaine de la réconciliation nationale, le Gouvernement du Burundi sous le leadership éclairé du président Pierre NKURUNZIZA, a mis en place la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), dernière phase de la mise en place des institutions prévues dans l’accord d’Arusha de 2000. Les membres de cette dernière ont été appelés à se mettre rapidement à l’œuvre pour informer les burundais sur les succès et les échecs du passé, en vue de dire définitivement adieu aux antagonismes politico-ethniques qui ont marqué l’histoire sombre de notre pays, et ainsi construire un avenir radieux aux générations présentes et à venir. Aujourd’hui cette commission a déjà fait un excellent travail et mérite le soutien de la Communauté internationale pour mener à bon port sa mission. Le 8 novembre, le Président de la Configuration-Burundi de la Commission de Consolidation de la paix a insisté sur l’importance de cet appui au processus de réconciliation nationale. A titre complémentaire, l’Assemblée Nationale a adopté il y a quelques mois, le projet de loi portant fonctionnement du Conseil National pour l’Unité et la réconciliation. Ce nouveau Conseil va réconcilier l’unité, l’équité et la réconciliation du peuple Burundais et sera aussi à l’avant-garde dans la promotion des valeurs positives au Burundi.

En ce qui concerne le retour des réfugiés qui ont fui le pays pour différentes raisons, le Gouvernement du Burundi ne cesse de demander aux réfugiés de rentrer pour contribuer à l’édification d’un Burundi paisible, stable et prospère. Le 7ème Sommet des Chefs d’Etat de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs qui regroupe 12 pays qui a eu lieu le 19 octobre à Brazzaville a lancé un appel vibrant aux pays de la région qui ont accueilli les réfugiés burundais de faciliter leur retour volontaire au pays natal. Et pour ceux qui ne souhaitent pas rentrer au pays dans l’immédiat pour l’une ou l’autre raison, le Sommet a exhorté les pays d’accueil de les réinstaller loin des frontières communes conformément à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés. Il serait aussi extrêmement important que les pays hôtes qui ont accueilli généreusement les réfugiés burundais respectent le caractère civil des camps des réfugiés conformément aux prescrits de la même convention et aux différents appels de ce Conseil. Vous êtes sans ignorer que le rapatriement des réfugiés est un gage de stabilité sous régionale, maintenant que parmi ceux qui ont fui, certains, y compris les mineurs, ont été recrutés, formés, encadrés puis enrôlés dans des mouvements de rébellion contre le Burundi. Tout cela en violation flagrante de la Charte de l’ONU et d’autres conventions pertinentes.

Le mouvement de rapatriement volontaire continue à un rythme satisfaisant avec l’arrivée de plusieurs milliers de citoyens qui s’étaient réfugiés en Tanzanie. Plus de 025 Burundais se sont rapatriés eux-mêmes en 2016, plus de 68.000 jusqu’au 15 août 2017. Et tout près de nous, 7.549 rapatriés officiellement après la réunion tripartite tenue du 29 au 31 août 2017. Selon le planning de cette tripartite, au moins 13.000 burundais auront été rapatriés officiellement en provenance des pays limitrophes du Burundi du 7 septembre au 31 décembre 2017. Pour récapituler, nous disons que de 2016 à la date d’aujourd’hui, plus de 175.149Burundais sont déjà de retour au pays sur une base volontaire.

Pour encourager ce mouvement-retour volontaire des réfugiés, le Ministre de l’Intérieur a effectué une visite de travail dans les camps de réfugiés en Tanzanie du 15 au 17 novembre 2017. Au terme de sa visite, le constat est que plus de 40.000 réfugiés en Tanzanie dont 26.000 dans le seul camp de Nduta se sont fait inscrire pour rentrer volontairement au Burundi avant la fin de l’année.

En ce qui concerne la coopération avec les Nations Unies, le Burundi maintient le même souci de renforcer et d’embellir ses relations avec l’ONU dans le strict respect de sa souveraineté et le choix des burundais dans la définition de l’avenir politique adapté à leurs épaules. Afin d’assurer la présence de l’ONU en matière des droits de l’homme, le projet d’accord de coopération avec le Bureau du Haut-commissariat aux droits de l’homme est en cours de discussions entre les deux parties et se trouve à sa phase finale. Il en est de même pour le Bureau de l’Envoyé spécial du SG, les deux parties se sont convenues de designer des équipes ad hoc pour négocier et finaliser l’accord de coopération.

Pour terminer Monsieur le Président, ma délégation souhaite rappeler encore une fois que le Burundi subit depuis plus de 2 ans des pressions politico diplomatiques disproportionnées qui occultent intentionnellement les progrès déjà réalisés ainsi qu’un traitement injuste de deux poids deux mesures par rapport aux autres Etats membres de l’ONU. Cette attitude qui a tant duré devrait cesser et céder la place à un traitement juste et équitable. Nous savons que tout n’est pas parfait chez nous comme ailleurs, mais nous restons convaincus que ce n’est par la multiplication des pressions à travers des rapports et déclarations à saveur politique qu’on parvient à solutionner des malentendus politiques entre les humains. Le Burundi ne demande pas un traitement de faveur, loin de là, il demande tout simplement qu’il soit traité sur mérite et dans le respect des principes et valeurs de la Charte de l’ONU et du droit international contemporain. D’ailleurs, si vous me le permettez Monsieur le Président, je dois dire que grâce à la paix retrouvée et la maitrise incontestable de la situation sur le terrain, le Burundi ne constitue pas une menace pour la paix et la sécurité internationale. Partant de ce constat, le Conseil de sécurité devrait envisager dans un proche avenir de retirer le Burundi de la liste des pays qui sont sur son agenda afin de s’attaquer aux autres zones de tensions émergentes de ces derniers temps. Je vous remercie de votre attention !