Les autorités tanzaniennes ainsi que le Consul général du Burundi à Kigoma appellent les investisseurs burundais à profiter des opportunités qu’offre la région de Kigoma en République unie de Tanzanie. Il s’agit notamment de la Zone économique spéciale de Kigoma (KiSEZ) et le port sec de Katosho dans lequel le Burundi a reçu 10 hectares.
La région de Kigoma est située dans la partie occidentale de la Tanzanie. Administrativement, la région est divisée en six districts, à savoir Buhigwe, Kakonko, Kasulu, Kibondo, Kigoma et Uvinza. Avec le lac Tanganyika, la Région de Kigoma est frontalière avec le Burundi, la République Démocratique du Congo (RDC) et la Zambie. Le port de Kigoma est l’un des ports les plus actifs du lac Tanganyika.
Kigoma est également le terminus du chemin de fer de Dar-es-Salaam-qui relie Kigoma au port de Dar-es-Salaam sur la côte de l’océan Indien via Tabora et Dodoma. Elle a été achevée en 1914 lorsque Kigoma faisait partie de l’Afrique orientale allemande.
La région de Kigoma comprend la ville d’Ujiji avec un antécédent historique très riche. Ujiji est la plus ancienne ville de l’ouest de la Tanzanie, une banlieue de la municipalité de Kigoma, sur le lac Tanganyika, située à environ 10 km au sud de Kigoma. Ujiji était une importante colonie où se côtoyaient marchands d’esclaves et d’ivoire entre environ 1850 et 1890. C’est l’endroit où Richard Burton et John Speke ont d’abord atteint la rive du lac Tanganyika en 1858. C’est aussi le lieu de la fameuse rencontre du 28 octobre 1871, lorsque Henry Stanley a trouvé le Dr David Livingstone et aurait prononcé les célèbres mots : « Dr Livingstone, je présume ?».
Des opportunités à exploiter
Le Consul général du Burundi à Kigoma, Jérémie Kekenwa, parle de deux zones intéressantes : « Il y a d’abord le port sec de Katosho qui est déjà délimité et clôturé. Une autre opportunité est la Zone spéciale économique de Kigoma (KiSEZ). C’est un vaste terrain qui est destiné à accueillir des infrastructures industrielles. C’est un terrain bien situé tout près du lac Tanganyika et c’est assez bon marché. On acquiert le m2 à 0,5 USD. »
Ntime Mwalyambi : « Les portes sont ouvertes pour les investisseurs burundais. »
Ntime Mwalyambi, assistant administratif régional de Kigoma, fait savoir que Kigoma offre beaucoup d’opportunités. Dans l’agriculture, par exemple, il indique qu’ils sont en train d’intensifier la culture du palmier à huile. Selon lui, ils ont créé un centre de recherche afin de produire une variété du palmier à huile appelé « Tenera » qui donne un bon rendement contrairement à l’ancienne variété. « Plus de 15.000 ha ont été prévus pour la culture du palmier à huile. Les hommes d’affaires sont invités à investir tout en respectant la loi tanzanienne».
Comme autre opportunité, Ntime Mwalyambi cite le KiSEZ. D’après lui, deux entreprises se sont déjà installées, une société produit de l’électricité et une autre transforme le miel. « N’importe quel investisseur peut solliciter un terrain s’il a un capital suffisant. Il suffit de s’inscrire au Tanzania Investment Center et le tour est joué. A KiSEZ, les portes sont ouvertes pour les investisseurs burundais».
Quid de KiSEZ ?
La superficie totale de la région de Kigoma est de 45 075 km² dont 36 623 km² de surface terrestre et 8 552 km² couverts d’eau. L’emplacement de la municipalité de Kigoma le long du lac Tanganyika est d’une importance vitale en tant que port pour le commerce transfrontalier entre le Burundi, RDC, Rwanda et Zambie. La situation géographique de Kigoma sur les rives du lac Tanganyika par rapport aux ports maritimes internationaux de Dar-es-Salaam et de Zanzibar sur l’océan Indien, a fait que le port de Kigoma soit le centre d’approvisionnement logistique pour le Etats riverains du lac Tanganyika. De plus, Kigoma a été du point de vue historique un centre logistique et commercial précolonial, colonial et postcolonial.
Selon les autorités tanzaniennes, l’installation de KiSEZ s’appuie sur cette position historique de cette région. De plus, Kigoma est relié au port maritime de Dar-es -Salaam par le chemin de fer, ce qui offre un très bon système d’accès aux importations et exportations depuis ou vers les marchés internationaux.
L’idée de KiSEZ a commencé à germer en 2007. La superficie de KiSEZ est de 20.000 ha. Les autorités veulent en faire un centre d’affaires de classe mondiale et un vecteur de croissance et de développement industriel. Sa mission est d’attirer et maximiser la croissance des entreprises et de faire de Kigoma la première destination des entreprises de la région des Grands-Lacs. Elle comprendre une zone pour les industries, une zone résidentielle, un centre commercial, … La Tanzanie compte sur l’amélioration des infrastructures de transport routier et ferroviaire entre Dar es Salaam et Kigoma qu’elle est en train de réaliser.
Et le port sec de Katosho ?
« Aujourd’hui, il reste à y installer des infrastructures. Côté burundais, je peux vous assurer que le Burundi possède 10 hectares dans ce port sec. Il y a quelques jours, une équipe multidisciplinaire du Burundi est venue pour vérifier et confirmer ce terrain », souligne Jérémie Kekenwa.
Le 28 janvier 2022 à Bujumbura, le Burundi et la Tanzanie ont signé deux accords bilatéraux. Le premier accord concernait la construction du chemin de fer à écartement standard (SGR) Uvinza-Musongati-Gitega et le second accord concernait la construction de deux ports secs à Kwala à 80 km de Dar-es-Salaam et Katosho à Kigoma. Dans la foulée, la Tanzanie a octroyé au Burundi deux espaces de 10 ha dans les 2 ports secs.
« Les travaux de construction du port sec de Katosho qui dépend du port de Kigoma, avancent bien », indique Jim Mulume Mchanga, responsable du Port de Kigoma. Selon lui, il y a eu dernièrement une délégation burundaise qui est allée voir l’état d’avancement. Il indique que ce port sec de Katosho a été créé pour désengorger le port de Kigoma. « Comme bénéfice pour les hommes d’affaires burundais, c’est que leurs marchandises seront en sécurité dans ce port sec. Quand leurs containers seront embarqués de Dar es Salaam, il ne leur restera que de payer les frais de d’entreposage et de transport». Et d’ajouter que c’est aussi une opportunité pour la population de Kigoma parce qu’il y aura de l’embauche et plus de commerce.
Jérémie Kekenwa et Ntime Mwalyambi appellent les investisseurs burundais à profiter au maximum des opportunités d’investissement qui s’offrent à eux.
Qu’en-est-il de la Zone économique spéciale de Warubondo ?
Un décret du 16 février 2017 a créé une zone économique spéciale à Warubondo (ZES Warubondo), dans la zone Gatumba, commune Mutimbuzi de la province de Bujumbura. Entre autres objectifs, ZES Warubondo était chargée de stimuler la croissance économique, d’introduire l’innovation industrielle dans le pays, de stimuler la recherche et le développement, de contribuer au transfert technologique et à la croissance industrielle, de promouvoir les exportations du pays, de contribuer à l’industrialisation du pays, de diversifier les produits d’exportations, d’attirer des investissements directs étrangers et nationaux, d’augmenter des recettes fiscales, de mettre en place des pôles de compétitivité et de croissance, d’ améliorer le niveau de vie de la population et de développer des opportunités de création d’emplois. « Elle est destinée à être un pôle d’investissement par excellence », précise le décret.
En 2018, l’Etat a concédé à la Société ProCerv un terrain de 583 ha 66a 77ca se trouvant à Warubondo pour son projet d’implantation économique spéciale pour une durée de 50 ans renouvelable. « Le non-respect de l’objectif du projet et des termes des contrats signés entre l’Etat du Burundi et ProCerv entraîne la résiliation de ces contrats».
Depuis, le projet bat de l’aile. Le 22 février 2021, le premier ministre burundais, Alain Guillaume Bunyoni, accompagné des ministères sectoriels dans l’exécution de ce projet a effectué une visite des constructions de la société ProCerv, signataire de la convention de construction des infrastructures destinées à accueillir la Zone économique spéciale. On pouvait voir six maisons, un hangar et un bloc administratif.
La ministre du Commerce de l’époque a parlé d’un dossier entaché d’irrégularités. Son homologue de l’Environnement a également exprimé sa déception en parlant d’un dossier incomplet et difficile à réaliser. Celui des Finances, Domitien Ndihokubwayo a fustigé le degré des réalisations en insistant sur l’absence de la feuille de route qui devrait guider les intervenants dans le projet. Selon lui, compte tenu des rapports de l’Office burundais des recettes (OBR), cette société avait importé des marchandises d’une valeur de 2,6 milliards BIF avec une exonération de 1 milliard 600 BIF. « Il n’est pas facile de retrouver la trace de ces marchandises ».
Le gouvernement tape du poing sur la table mais …
Le 29 juin 2022, le Conseil des ministres a analysé un projet de décret portant annulation d’une licence exclusive en faveur de la société PROCERV comme autorité de gestion conformément au contrat sur l’établissement, l’exploitation et la gestion de la Zone Economique Spéciale Warubondo, signé le 16 mai 2018. « Depuis la signature de ce contrat, force est de constater que la société ProCerv n’a pas honoré ses obligations contractuelles si bien que la Zone Economique Spéciale n’est pas encore opérationnelle jusqu’aujourd’hui. » Pourtant, poursuit le gouvernement, ProCerv s’était engagée à commencer les activités de mise en place de la zone dans un délai ne dépassant pas 3 mois après la signature du contrat.
Le 23 mars 2021, une mise en demeure a été adressée à la société ProCerv pour lui rappeler d’honorer ses obligations. Le 8 septembre 2021, le Conseil des Ministres a analysé une note sur les mesures urgentes à prendre pour prévenir un éventuel dysfonctionnement de la Zone Economique Spéciale de WARUBONDO. Entre autres décisions prises, le conseil des ministres a exhorté le ministère du commerce en collaboration avec le ministère de la justice de procéder à la résiliation du contrat entre ProCerv et le gouvernement du Burundi pour non-respect des termes du contrat par la société ProCerv.
Le 18 avril 2022, il a été procédé à la résiliation de ce contrat afin de confier ce projet à un nouvel acquéreur qui en aurait les capacités techniques et financières. « Pour matérialiser cette résiliation, il s’impose d’annuler la concession du site Warubondo qui avait été accordée à la société ProCerv et par le retrait de la licence exclusive conférant l’autorité de gestion à la société ProCerv. C’est dans cette logique que le projet de décret a été élaboré».
Dans la lettre du 29 juin 2022, les ministres ont trouvé qu’il faut d’abord « revisiter le contrat pour analyser en profondeur les engagements de chaque partie et vérifier systématiquement les manquements de chacune des deux parties».
Par Fabrice Manirakiza (Iwacu)