Entretien avec Kalala Omotunde, panafricaniste et chercheur sur les civilisations africaines : «Toute la culture africaine est fondamentalement scientifique» 21 août 21 2022 Niousséré Kalala Omotunde chercheur panafricaniste a donné une conférence publique le jeudi 18 août 2022 à l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), sur le thème « L’avancée scientifique de l’Afrique noire ». Selon lui, toute la culture africaine est fondamentalement scientifique.
L’Evénement Précis : Quel est le but de votre conférence ?
Niousséré Kalala Omotunde : Cette conférence sur le thème « L’avancée scientifique de l’Afrique noire », c’était de montrer que on vous parle des Einstein, … mais aucun de ces gens-là ne dépassaient la science que vous avez dans nos villages, que nos vieux ont dans les villages, que nos temples ont, cette science-là elle n’a jamais été dépassée. Tout ce que nous avons à faire connaître, comme ça sert des enjeux qui ne servent pas nos intérêts, c’est pour cela que la chose demeure cachée.
Mais dans tous les domaines, il ne faut pas oublier que la graine de l’arbre de la science et de la connaissance c’est l’Afrique qui l’a plantée, c’est l’Afrique qui l’a arrosée, c’est l’Afrique qui a fait qu’elle a porté tant de fruits : inventer les mathématiques, l’astronomie, la médecine, le calendrier de 365 jours, la précision des Equinoxes, le Fâ que vous utilisez, l’ordinateur. L’informatique est née en Afrique, on le voit avec le Fâ basé sur le nombre binaire. Donc toute la culture africaine est fondamentalement scientifique. On nous éloigne de cette culture pour ne pas qu’on en fasse notre colonne vertébrale pour être debout. Sur le plan de la spiritualité, les Pères de l’Église étaient tous africains : Alexandre d’Alexandrie, Alexandrie c’est en Afrique ; Origène d’Alexandrie, Alexandrie c’est en Afrique. Ce sont des africains qui ont pris les savoirs des temples pour donner à des gens qui n’avaient pas de tradition religieuse.
Toutes les divinités que vous voyez dans la Bible sont des divinités africaines. Ce sont des divinités que les anciens utilisaient dans les cultes Vodun. En les appelant Djinns, ils font les mêmes choses et vous ne voyez pas que c’est la même divinité…Quand on a fait des rituels initiatiques, il faut des choses.
Il faut se préparer pour aller faire des rituels, il faut jeuner. On va danser en boiter en boite la nuit et aller à la messe le matin, ne voyez-vous pas qu’il y a un problème ? C’est antinomique par rapport à nos traditions. Nous, on a des traditions, on n’a pas de religion. Il faut être fidèle à nos traditions. Parce que c’est l’héritage de nos Pères. Cet héritage de nos Pères, c’est le sang qui coule dans nos veines. On peut acheter à boire et à manger mais il n’y a pas de magasin où on vend du sang. Ce sang-là vient de très loin. Nous devons être fiers, nous devons avoir notre colonne vertébrale et faire en sorte de ne jamais oublier qu’une pyramide est faite de pierres qu’on a rassemblées, et chaque fois que nous sommes unis nous sommes une pyramide. Vous voulez que nous soyons une pyramide ? Soyons unis et nous serons une pyramide.
À quelles conditions la renaissance de l’Afrique est-elle possible aujourd’hui ?
Il faut une reconquête économique. Les boissons dans les magasins sont pratiquement à 99% des boissons étrangères. Les jeunes sont là oisifs.
Les jeunes doivent pouvoir fabriquer leurs propres boissons. Il faut faire des jus de plantes, arrêtez de penser aux jus de fruit parce que ces plantations sont trop colossales. Avec les jus de feuilles, les jus de plantes on peut faire faire d’excellents jus. Regardez le bissap, …Il y a beaucoup d’autres jus qu’on peut inventer. Les jeunes peuvent le faire. On n’a pas besoin de grand espace pour faire une boisson à base de plantes. Ça ce sont les choses importantes. Et la renaissance, il ne faut pas oublier, la matrice humaine de la connaissance, elle est africaine. On vous dit : « oui, on a inventé la semaine de dix jours mais la semaine de sept jours ce n’est pas vous ». Je vous ai démontré que la semaine de 7 jours est arrimée aux sept planètes, qui sont arrimées aux sept notes de musique. Parce que l’africain, quand il a découvert cela, il a découvert un ensemble de choses. C’est ça qu’on appelle le génie africain que les gens célèbrent dans notre dos.
Pourquoi la situation, elle est comme celle-là ? Parce que Dieu a donné aux africains toutes les richesses de la planète ; les autres n’ont que des miettes. Et quand ils sont parmi nous c’est pour nous braquer, nous raconter des sornettes. Dieu ne serait pas bon avec nous, on aurait des divinités, du diable, mais le pétrole, le cobalt, tout ce dont ils ont besoin comme énergie pour produire c’est nous qui l’aurions ? Dieu ne nous aurait pas parlé, nos divinités seraient de mauvaises divinités, vous ne voyez pas qu’il y a un problème ? Le gars sort avec son église, il vient te dire « tout ce que tu fais ce n’est pas bien », mais
l’élévation que tu as chez toi il ne l’a pas chez lui. S’il est chez toi c’est parce qu’il n’a pas ça chez lui et il est venu prendre ce que Dieu ne lui a pas donné. Après il dit que Dieu est bon. Dieu n’est pas bon avec tout le monde, manifestement ! Puisque lui, il n’a rien. Voyez que son sous-sol est vide. Donc à partir de là, qu’est-ce qu’il fait ? Il utilise la force pour voler ce que Dieu a donné aux Africains.
Quelle est votre fierté à parcourir tous les pays ?
Le peuple est ingénieux au sol. Mais on lui a donné une lunette qui ne lui permet pas de voir clair. Il faut déjà voir clair en soi avant de voir clair. Quand tu vois plus clair en toi c’est fini. Donc la relève de l’Afrique passe par la relève des individus. N’oubliez pas que dans le dos il y a la colonne vertébrale. La colonne vertébrale ce n’est pas seulement pour tenir le corps ; il y a une colonne vertébrale pour tenir le mental aussi. Si on n’a pas de colonne vertébrale mentale on ne sera jamais debout. On sera toujours manipulable et manipulé par l’extérieur.
Parlez-nous de votre nom
« Omotundé » simplement parce qu’à 14 ans, j’ai demandé à mes enseignants quand est-ce qu’on va nous permettre d’apprendre l’histoire de l’Afrique. Arrivé au Bac, j’ai vu qu’il n’y avait pas de projet d’apprentissage, rien sur l’Afrique. Moi quand je suis parti faire mes études, je suis allé voir un vieux, et je lui ai dit : «comment on appelle chez toi un jeune parti loin de ses ancêtres, et qui a dit : « laissez-moi tranquille, je reviens vers mes ancêtres » ? Il m’a dit : « dans ma langue yoruba ça se dit ‘’Omotunde’’ ». Après, le mouvement éthiopien a dit que quand les choses vont mal, il y a un individu auquel le roi fait appel, pour expertiser le problème et trouver une solution. Cet individu s’appelle le « Kalala » : « tu es le Kalala du peuple noir ». D’où Omotunde Kalala.
Propos recueillis par Fidèle SEHONOU