Pourquoi avez-vous décidé de fonder un nouveau parti politique?
Nous avons été agréés le 26 décembre 2023. Nous avons cofondé le parti. Il y a un philosophe pédagogue qui a dit : quand on ne sait pas où on va, on aboutit quelque part ailleurs. Vous pouvez avoir été mal orienté dans le secteur de l’éducation. Vous pouvez avoir fait un mauvais choix d’une carrière, d’une filière, d’une faculté. Quand vous changez, vous réussissez mieux ; vous êtes même brillant.
J’assimile cela aussi à de la politique. Il n’y a pas longtemps, j’étais porte-parole du parti CNDD. On l’appelle CNDD-Nyangoma. Je vous précise qu’il n’y a pas de CNDD-Nyangoma. Cela est un abus de langage. C’est un lapsus linguae.
Finalement, on a compris qu’il devenait le parti de Nyangoma. Or, un parti politique ne peut pas appartenir à une personnalité. D’ailleurs, cela révoltait des gens, y compris moi-même. On a constaté que Nyangoma a été déconnecté de sa base, de ses militants puisqu’il est en Europe. La loi burundaise n’autorise pas qu’un chef de parti politique élise domicile à l’étranger. Nous avons été informés. Finalement, je me suis rendu compte que je prêchais dans le désert. Je portais la parole non pas du président du parti du CNDD, non pas du parti existant, mais d’un parti qui existe symboliquement. Et alors, les autres et moi avons pris l’initiative.
Vous n’avez pas l’impression que votre parti est un parti de trop au Burundi
Ceux qui disent cela sont des gens qui sont nés hier. Ils ne sont pas nés avec le multipartisme qui date du lendemain de l’indépendance et qui a été supprimé par le parti unique. Je ne soutiens pas qu’on supprime les partis politiques. Les partis politiques se suppriment eux-mêmes dès lors qu’ils ne peuvent pas appliquer leurs projets de société, leurs programmes.
Quand il n’y a pas de militants, les partis disparaissent d’eux-mêmes. Je ne vois pas comment les gens devraient s’en inquiéter. Au Mali, vous savez combien de partis politiques ? Aux USA, il y en a plusieurs, mais on n’en parle que deux : les Démocrates et les Républicains. C’est-à-dire les autres acceptent de s’aligner soit derrière les Démocrates soit derrière les Républicains.
Un 36e parti dans un petit pays comme le Burundi, c’est quand même beaucoup !
Nous sommes un parti de plus, pas un parti de trop. Ce qui est de trop est toujours mauvais. Il ne faut pas être trop bon, il ne faut pas être trop petit. Il faut travailler et être dynamique et vous remplacez les autres, y compris ceux-là même qui voudraient que les partis diminuent.
Et cela, c’est un calcul mesquin parce que ceux qui disent qu’il faut que les partis diminuent, ce sont ceux qui veulent s’accaparer des militants des autres. Qu’il y ait une compétition loyale, c’est tout ! Les partis peuvent disparaître, d’autres renaître. Nous sommes le 36e parti politique, mais nous irons aux élections. Il y en a par contre qui n’y iront pas alors qu’ils ont une existence de 10, 15 voire 20 ans. Ce qui est normal.
Et qu’est-ce que vous voulez apporter de nouveau par rapport à l’existant au niveau des projets de société et des programmes politiques ?
Nous avons l’ultime conviction que nous avons un bon projet de société. Ce n’est pas du copier- coller. Nous allons appliquer ce projet une fois élus. On ne peut appliquer un projet, un programme qu’une fois que l’on est élu. Comme vous le savez, nous sommes très critiques envers ce qui se fait au cours de l’exercice du pouvoir. Nous allons combattre la corruption non pas verbalement mais dans les faits.
On le verra sur le terrain. Ce qui est nouveau, c’est que nous allons promouvoir une compétition loyale. Nous allons non seulement vendre notre projet de société mais aussi le défendre mordicus. Ce que nous apportons de nouveau aussi, c’est une jeunesse qui nous a proposé d’aller de l’avant.
Ce n’est donc pas un parti qui est composé de dinosaures, non. Nous pensons qu’il faut promouvoir le développement de ce pays, non pas en faisant de la démagogie, mais en faisant une coopération par exemple tout azimut pour que les investisseurs viennent. Et pour qu’ils viennent, il ne faut pas le dire uniquement, il faut le faire. Il faut améliorer le climat politique, le climat des affaires, la bonne gouvernance et bien asseoir cette dernière.
C’est tout ?
Il faut absolument développer les infrastructures et il faut de l’énergie. Pour exploiter le nickel de Musongati par exemple, il faut 300 MW. Maintenant nous sommes à 45 MW. Il faut absolument aller chez les bailleurs de fonds ; amener de l’argent et construire des barrages hydroélectriques ; faire de l’énergie nucléaire une fois le nickel exploité et bien d’autres réalisations. Cela fait plus de 40 ans qu’on dit, nous avons des richesses. Il faut alors les exploiter.
Mais surtout, il faut que les dividendes de ces ressources naturelles soient partagés entre les citoyens. Aujourd’hui, une poignée de gens s’accaparent de toutes les richesses ! Une poignée de corrompus et de corrupteurs s’accapare de toutes les richesses pendant que les autres crèvent de faim.
Vous étiez un des membres influents du parti CNDD, pourquoi avez-vous préféré le quitter pour fonder votre propre parti ?
Parce que nous voulons avancer, parce que nous ne sommes pas démagogues. En politique, celui qui ne s’adapte pas s’élimine, c’est comme le darwinisme. Il faut une résidence politique. Il faut résister au choc.
Au regard du paysage politique actuel, quelle est la position de votre parti ? Un parti de la mouvance ou de l’opposition ?
Nous sommes là pour dire la vérité. Si aujourd’hui ou demain nous constatons qu’il n’y a pas de vérité dans ce qui est dit par le parti au pouvoir, nous irons là où nous devons être. La Constitution le précise.
Et puis, c’est en fonction des prises de position par rapport au programmes et aux projets de société. Si on est forcé d’être dans l’opposition, on y sera. Et le rôle de l’opposition, c’est de dire attention. Faites ceci sinon ce sera nous. C’est la mouvance, on peut être un béni-oui-oui dans la mouvance ou être là pour accompagner la vérité.
La définition sera connue très bientôt avec les élections et nous allons chaque fois revisiter la Constitution pour voir l’opposition c’est quoi ou la mouvance c’est quoi ? On se définit non seulement par rapport à la loi mais aussi par rapport à l’idéologie. C’est cela qui montre que l’on est dedans ou dehors.
Quels sont les ambitions et ou les objectifs de votre formation politique par rapport aux législatives de 2025 et à la présidentielle de 2027 au Burundi ?
Nos ambitions, ce sont des ambitions pour tout parti politique. Le parti, c’est une organisation durable. Nous voudrions que le parti Alliance nationale pour la Démocratie soit un parti pérenne.
Après moi, il faut que les autres viennent et s’inscrivent dans la dynamique du changement, du développement, de la prospérité, d’une paix réelle, d’une démocratie intégrale. Et nous allons participer aux prochaines élections. Les militants sont déterminés. Donc, nous avons l’ambition de conquérir le pouvoir, c’est cela la mission de tout parti politique qui se respecte.
Vous espérez vraiment gagner les élections après une seule année d’existence ?
On ne peut pas aller dans des élections pour faire une aventure ou une mésaventure ? Il faut aller avec l’ultime conviction de les gagner. Nous, nous y croyons religieusement. Nous avons des objectifs clairs que nous défendrons pendant la campagne. Nous ne ferons pas comme nos anciens qui disaient « nous irons aux élections » et le lendemain ils disent le contraire. La présidentielle sera déterminée par 2025. Mais, si vous voulez conquérir le pouvoir, évidemment, il faut viser le fauteuil présidentiel. Il n’y a pas de prédestination, il faut travailler pour y arriver.
Allez-vous vous présenter aux élections en coalition ou comme parti ?
Avec d’autres partis de préférence, en solo si on y est obligé. Cela dépendra de la ligne de conduite des uns et des autres. Par ce qu’il ne faudra pas subir des trafics d’influence. Nous sommes des gens libres qui veulent des élections transparentes. Nous allons revisiter ou visiter les programmes des uns et des autres pour dire : nous marchons avec tel ou avec tel. Pourvu qu’il s’inscrive dans une ligne qui ressemble à la nôtre.
Par Emery Kwizera (Iwacu)