BUJUMBURA (Xinhua) — Pour l’agriculture burundaise, le défi urgent est de nourrir une population en croissance alors que le système actuel de production aurait déjà atteint les limites de sa capacité, a affirmé Patrice Ndimanya, enseignant à la Faculté des Sciences Economiques à l’Université du Burundi (UB) et responsable du département « Economie et Sociologie Rurale » dans la même faculté.
Les Burundais font face aujourd’hui à une crise écologique dans la mesure où l’on assiste à une surpopulation qui pèse fortement sur les ressources naturelles, a souligné M. Ndimanya dans un entretien avec Xinhua, en marge d’un forum national paysan dans le cadre de l’année internationale dédiée à l’agriculture familiale.
« A la fin du 19ème siècle, le Burundi se trouvait dans un contexte relativement similaire à celui d’aujourd’hui. La population de l’époque a vécu une période de 50 ans de malheur avec des épidémies, avec des sécheresses et des famines. Mais elle a réussi, à partir des années 1950, à trouver des solutions politiques, techniques et culturelles qui lui permirent de doubler la productivité. C’est pourquoi, pour amorcer une nouvelle croissance, il faut de bons choix politiques matérialisés par une responsabilisation des communautés rurales au niveau des sous- collines. Cette responsabilisation devrait être consolidée au niveau communal et provincial avant d’atteindre l’échelon national « , a-t-il recommandé.
Pour M. Ndimanya, pour sortir du cercle vicieux dans la gestion de l’agriculture familiale qui fait vivre plus de 90% de la population burundaise, il faut que la conduite d’une nouvelle croissance soit ascendante et non descendante.
Les Burundais doivent rompre avec l’esprit de l’Etat-providence et responsabiliser les communautés pour qu’ils protègent et améliorent eux-mêmes le capital foncier, a-t-il noté.
La deuxième voie est, selon M. Ndimanya, l’amélioration des rapports sociaux.
Il a expliqué que les paysans et les industriels, les uns et les autres jouant leur rôle, doivent évoluer dans un environnement politique qui les épanouisse et accompagne leurs activités.
Pour M. Ndimanya, les Burundais qui devraient s’asseoir ensemble pour fixer les priorités politiques qui puissent certes épanouir l’agriculture familiale mais aussi l’économie burundaise dans son ensemble.
« Car, il ne faut pas se leurrer. Le secteur agricole à lui seul ne pourra pas résoudre les problèmes de la faim et de la malnutrition au Burundi. L’angle d’attaque doit être plutôt une approche multidimensionnelle qui doit intégrer notamment la création de l’emploi, la promotion de l’éducation, l’urbanisation et l’intégration régionale. Il faut donc agir sur plusieurs variables pour espérer d’ici 15 ans, 20 ans, 50 ans, une amélioration significative de la situation agricole au Burundi », a- t-il fait remarquer.
A la question de savoir si les entraves à la limitation des naissances ne peuvent contribuer à ce que le développement de l’agriculteur au Burundi, M. Ndimanya a indiqué que même si les changements de mentalités sont en train de prendre beaucoup de temps, force est de constater que les questions qui étaient hier taboues au Burundi, ne le sont plus.
« C’est-à-dire que par exemple quand on parle de limitation de naissances au Burundi, ce n’est plus tabou. Donc, on évolue vers des ratios de fécondité qui risquent même d’être institutionnalisés les années à venir. Je crois que le discours politique tenu aujourd’hui est clair. On est en train de préparer les esprits pour que les familles coopèrent pour limiter les naissances et réduire les pressions sur les ressources naturelles », a-t-il explicité.
En ce qui concerne l’impact des changements climatiques sur le développement de l’agriculture familiale au Burundi, M. Ndimanya est optimiste, « le climat a toujours changé. Je crois que les paysans et les paysannes burundais, qui sont de plus en plus soutenus depuis quelques siècles par la recherche, sont confiants qu’ils vont trouver des innovations pour réduire l’impact des changements climatiques. Il faut savoir qu’il existe des choix déjà opérés par les paysans eux-mêmes pour s’adapter aux changements climatiques », a-t-il noté.