
Le pape François, décédé le 21 avril 2025 à l’âge de 88 ans, laisse derrière lui un héritage profond, tant spirituel que politique. Premier pape sud-américain et premier jésuite à accéder au trône de Saint-Pierre, son pontificat a été marqué par une volonté constante d’ouverture, de justice sociale et de réforme. Voici un tour d’horizon très enrichi de ses prises de position majeures.
“Je veux une Église pauvre pour les pauvres. Pape François, 16 mars 2013.
Cette phrase résume toute l’inspiration de son pontificat. En choisissant le nom de François en référence à saint François d’Assise, il affiche sa volonté de mettre l’Église au service des plus humbles. Il a renoncé à l’appartement pontifical, optant pour une résidence simple, et a constamment appelé les prêtres et évêques à vivre sobrement. Il insistait : « Un pasteur doit sentir l’odeur de ses brebis. »
Cette vision s’incarne dans toute son action, qu’elle soit écologique, sociale, ou pastorale. Elle oriente ses prises de position sur l’économie, les migrations, la réforme de la Curie, et le style même de la gouvernance de l’Église : une gouvernance de service, d’écoute, et de proximité.
Écologie & climat : une conversion écologique
François a fait de l’écologie un axe central de son pontificat. Son encyclique Laudato si’ (2015), sous-titrée « sur la sauvegarde de la maison commune », est traduite en plus de 30 langues et largement saluée au-delà des cercles catholiques. Le texte souligne que les dérèglements climatiques affectent surtout les plus pauvres, et appelle à une écologie intégrale, qui unit protection de l’environnement et justice sociale.
Il a participé à la COP21 et encouragé la communauté catholique à soutenir les accords de Paris. Depuis 2016, plus de 250 institutions catholiques, représentant des milliards d’euros, ont engagé un processus de désinvestissement des combustibles fossiles, selon le Mouvement Laudato Si’.
Justice sociale & pauvreté : le pape des exclus
Le pape François a eu une attention particulière pour l’Afrique, qu’il considérait non pas comme un continent pauvre, mais comme un continent « riche en culture, en foi et en espérance ». Lors de sa visite au Kenya, en Ouganda et en Centrafrique en 2015, il déclara : « L’Afrique est un poumon spirituel pour l’humanité ».
Il a dénoncé l’exploitation économique de l’Afrique par les puissances étrangères et les multinationales, qualifiant cela de « nouvelle forme de colonialisme« . Dans ses discours à Bangui et à Nairobi, il a appelé à la paix, au respect des ressources naturelles, à la lutte contre la corruption et à l’accès à une éducation digne pour tous les enfants africains.
En février 2023, en République Démocratique du Congo, il a exprimé une dénonciation vibrante des violences au Kivu et de l’exploitation des ressources minières : « Ô Congo, cesse d’être exploité ! », ajoutant que les intérêts étrangers doivent « cesser d’étouffer votre peuple« . Il a aussi plaidé pour l’arrêt de la traite des enfants et la fin du travail forcé dans les mines.
À travers ses voyages pastoraux, ses messages, et son soutien à des ONG catholiques sur le terrain, François a continuellement promu une vision digne, fraternelle et engagée de l’Afrique dans l’Église et dans le monde. Dans EvangeliiGaudium (2013), le pape François dénonce un « système excluant » et critique un modèle économique fondé sur la rentabilité au détriment de la dignité humaine. Il appelle à une « conversion sociale » et à une redistribution équitable des richesses.
En 2019, il lance à Assise « L’Économie de François », qui réunit plus de 2 000 jeunes chercheurs, entrepreneurs et militants issus de 115 pays pour proposer des alternatives éthiques au capitalisme libéral.
L’église sous son impulsion a soutenu plus de 150 projets de développement intégral via Caritas Internationalis, touchant des millions de bénéficiaires, en particulier en Afrique, Amérique latine et Asie.
Migrations & hospitalité : une voix pour les sans-voix
Depuis son voyage à Lampedusa en juillet 2013, où il parle de la « globalisation de l’indifférence« , le pape a constamment plaidé pour l’accueil, l’intégration et la protection des migrants.
Le Service Jésuite aux Réfugiés (JRS), appuyé par le Vatican, a accompagné chaque année plus de 1 million de personnes déplacées dans 56 pays. Il a institué la journée mondiale du migrant et du réfugié, et prôné une politique de « quatre verbes »: accueillir, protéger, promouvoir, intégrer.
En 2017, il a publié avec le Vatican un document de 20 points d’action à l’attention des gouvernements pour une politique migratoire plus humaine.
Inclusion & droits : une main tendue
François a adopté une approche pastorale profondément humaine à l’égard des personnes LGBTQ+. S’il n’a pas modifié la doctrine catholique, qui considère les actes homosexuels comme « désordonnés » selon le Catéchisme de l’Église catholique, il a profondément changé le ton de l’Église, plaidant pour le respect, la dignité et l’inclusion.
- En 2013, dès le début de son pontificat, il déclare : « Si une personne est gay, qu’elle cherche le Seigneur et qu’elle a de la bonne volonté, qui suis-je pour juger ? » Cette phrase marque une rupture symbolique avec les approches plus fermées du passé.
- En 2020, dans le documentaire Francesco, il affirme : « Ce que nous devons faire, c’est une loi d’union civile. Ils ont le droit d’être légalement couverts. » Il appelle ainsi à la reconnaissance des droits civils des couples de même sexe dans le cadre légal.
- Il a soutenu le travail du jésuite James Martin en faveur d’un dialogue entre l’Église et les personnes LGBTQ+, en le recevant personnellement au Vatican et en saluant son livre Building a Bridge.
Tout en maintenant la position de l’Église sur le mariage, il a encouragé un accueil pastoral, fraternel, sans jugement, insistant sur l’importance de ne jamais rejeter ni exclure. Il a également condamné à plusieurs reprises la criminalisation de l’homosexualité dans plusieurs pays, déclarant en 2023 que « l’homosexualité n’est pas un crime » et que les lois anti-LGBTQ+ sont « injustes ».
Son approche a ouvert un espace nouveau dans l’Église pour l’écoute, la bienveillance, et la prise en compte des réalités humaines.
Diplomatie & paix : le pontificateur
François a été un acteur diplomatique actif, à la fois discret et puissant. En 2014, ses interventions ont préparé le terrain pour le dégel entre Cuba et les États-Unis. Il a multiplié les messages de paix, notamment lors des conflits en Syrie, au Yémen, en Ukraine et au Tigré.
Son discours devant le Congrès américain en 2015, et celui devant le Parlement européen en 2014, sont salués pour leur portée morale.
En Irak, sa rencontre historique avec l’Ayatollah Sistani a été perçue comme un geste de réconciliation interreligieuse, salué par les Nations Unies.
Réformes internes : une Église à transformer
Avec la constitution PraedicateEvangelium (2022), il refonde la Curie romaine :
- Le Dicastère pour l’évangélisation passe au premier rang.
- Il rationalise les structures, crée des instances de contrôle financier, et rend les fonctions accessibles aux laïcs.
Concernant les abus :
- La loi Vos estis lux mundi (2019), renouvelée en 2023, impose la signalisation obligatoire des abus.
- Plus de 800 clercs ont été sanctionnés ou démis depuis 2013.
- Il a convoqué en 2019 un sommet mondial des évêques sur les abus sexuels.
Il a engagé l’Église dans un processus synodal mondial (2021-2024), mobilisant toutes les confessions, pour réfléchir ensemble à l’avenir de l’Église.
Un pape politique, mais évangélique
François a eu un impact profond sur la politique internationale sans jamais se revendiquer chef d’État traditionnel. Il a toujours précisé : « Mon autorité vient de l’Évangile, pas du pouvoir. » Pour lui, l’engagement politique n’était pas une conquête de pouvoir, mais un acte prophétique enraciné dans la foi chrétienne.
Son action s’est inscrite dans une tradition de doctrine sociale de l’Église, mais avec un ton renouvelé, plus direct, plus engagé. Il a remis à l’honneur des notions telles que le bien commun, la solidarité, ou encore la destination universelle des biens. Ses critiques du capitalisme libéral, de l’indifférence mondiale face aux migrants ou de la destruction environnementale ont eu une portée mondiale.
Il est intervenu dans les grands débats contemporains avec la liberté d’un homme spirituel, ce qui lui a parfois attiré l’opposition de dirigeants politiques, notamment populistes ou nationalistes. Son dialogue tendu avec Donald Trump, JairBolsonaro ou Matteo Salvini en témoigne. En même temps, il a été sollicité dans les coulisses pour jouer un rôle de médiateur discret (Cuba-USA, Venezuela, Soudan du Sud).
Son discours devant le Congrès des États-Unis (2015), son appel vibrant au Parlement européen (2014), et ses messages aux G7, G20, COP et ONU marquent une forme de diplomatie morale mondiale : sans armée, sans parti, mais avec le langage de l’humanité et de l’Évangile.
François croyait profondément que la foi devait s’incarner dans l’histoire. Il a ainsi assumé d’être un pape politique au nom de l’Évangile, non pour dominer, mais pour servir. En cela, il s’inscrit dans la lignée des grands témoins du XXe siècle comme Martin Luther King, Desmond Tutu ou Mère Teresa.
Son héritage est à la fois spirituel, pastoral, moral et politique. Il restera comme l’un des papes les plus influents du XXIe siècle, ayant ouvert des brèches dans des thèmes clés pour notre temps : climat, justice, paix, réforme, dialogue. François a eu un impact profond sur la politique internationale sans jamais se revendiquer chef d’État traditionnel. Il a toujours précisé : « Mon autorité vient de l’Évangile, pas du pouvoir. »
Son héritage est à la fois spirituel, pastoral, moral et politique. Il restera comme l’un des papes les plus influents du XXIe siècle, ayant ouvert des brèches dans des thèmes clés pour notre temps : climat, justice, paix, réforme, dialogue.
Par Bazikwankana Edmond