Source:@rib News, 06/04/2014
Par Léa Kankindi
Selon une dépêche publiée par l’Agence France Presse (AFP) ce samedi 5 avril, Samatha Power, l’Ambassadrice des Etats-Unis auprès des Nations Unies visitera trois pays africains, le Rwanda, le Burundi et la République Centrafricaine (RCA), une visite qu’elle entame ce 6 avril.
Au Rwanda, Amb. Samantha Power y va pour participer à la célébration du 20ème anniversaire du génocide au Rwanda et est à la tête de la délégation onusienne. Comme elle l’a elle-même annoncé, elle ne va pas « en Afrique pour uniquement participer à la célébration du 20ème anniversaire du génocide rwandais mais pour mettre en exergue les tueries ethniques en République Centrafricaine et le possible retour à la violence au Burundi »
Cette déclaration de l’Amb. Samantha Power est intéressante sous deux aspects. Le premier est qu’elle constitue une réponse claire à l’endroit de ceux qui, ces derniers temps, scandent un slogan d’un autre âge, celui de « génocide politico – ethnique au Burundi. » La perception américaine ne situe pas ces épurations ethniques au Burundi mais en RCA. L’Amb. Samantha Power parle plutôt d’un « possible retour à la violence au Burundi ». Le deuxième aspect est l’interprétation qu’on ferait de cette conviction de Power que le Burundi « pourrait s’acheminer vers la violence ».
Si ce n’est pas une supercherie de sa part, Madame Samantha Power sait de quoi ou de qui elle parle. Elle connaît quelques uns des fauteurs de troubles au Burundi, pour les avoir côtoyés ou pour avoir souvent eu échos de leurs agissements. Son poste au sein des Nations Unies ne peut que la placer au centre du savoir. Le Burundi qui s’apprête à l’accueillir est loin d’ignorer ses antécédents.
Elections et violences étouffées
Au lendemain des élections communales de 2010, certains politiciens burundais ont préféré boycotter la suite des consultations électorales, arguant qu’il y avait eu fraudes. Néanmoins, les observateurs tant nationaux qu’internationaux ont validé ces élections qu’ils ont à l’unanimité jugées « libres, apaisées et transparentes ». Les Nations Unies ont également endossé les résultats de ces élections de 2010, lors d’une visite du Secrétaire Général des Nations Unies au Burundi, dans la fraicheur des faits, au lendemain des élections communales, le 9 juin 2010.
« Je tiens à vous féliciter de ce que vous avez réussi à faire jusqu’à présent. Ces réussites sont avant tout le fruit de votre travail, le résultat d’un effort dirigé au niveau national et animé par la volonté d’en finir pour de bon avec un passé perturbé, afin d’instaurer la paix », a indiqué Ban Ki-moon se basant sur les élections en cours dans le pays et qui ont été marquées par une forte participation de la population.
L’actuelle ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU n’ignore donc pas ce qui s’est passé par la suite. Agathon Rwasa, alors président du parti Front National de Libération (FNL) et Alexis Sinduhije président du parti Mouvement pour la Solidarité et le Développement (MSD) ont lancé des actes de terrorisme et de violence, brûlant les permanences du parti au Pouvoir et lançant des grenades dans des lieux publics. Ces actes ignobles n’ont pas fait long feu, car la Police a pu déjouer tous les plans de déstabilisation, permettant la poursuite des élections et la sécurisation même des électeurs.
Agathon Rwasa et Alexis Sinduhije se sont alors volatilisés dans la nature. Ils seront à plusieurs reprises cités dans divers rapports des experts des Nations Unies comme étant des déstabilisateurs de l’Est de la République Démocratique du Congo et du Burundi, étant en train de former des bandes armées pour attaquer le Burundi. L’un de ces deux individus, Alexis Sinduhije, aurait gardé un contact permanent avec l’Amb. Samantha Power. Et pour cause …
Samantha Power et Alexis Sinduhije : une relation qui gêne
Pour rappel, l’Amb. Samantha Power, américano–irlandaise, est une vieille connaissance, amie si vous voulez, de Alexis Sinduhije. Cet ancien journaliste a rencontré Samantha Power vers les années 1995 alors qu’elle était elle aussi journaliste. De passage au Burundi en provenance du Rwanda, Samantha Power et Alexis Sinduhije ne tardèrent pas à nouer une relation tellement profonde qu’ils menèrent des projets en commun accord, comme la création, en 2001, de la Radio Publique Africaine (RPA) dont ils sont co-fondateurs. Samantha Power aidera à la mobilisation des fonds pour l’achat des équipements et l’installation des studios. Elle s’emploiera aussi à trouver un partenariat entre la RPA et la Voix d’Amérique, ce qu’elle réussira sans beaucoup d’efforts. Le point culminant fût le lobbying en faveur d’Alexis Sinduhije auprès du journal Time pour qu’il soit sélectionné parmi les 100 personnalités les plus influentes dans le monde, en vue de le préparer pour sa candidature à l’élection présidentielle de 2010.
Maintes fois déçue, mais …
Alexis Sinduhije a continué à décevoir son mentor. D’abord, il n’a pas su mettre à profit tous les efforts consentis par l’Amb. Samantha Power pour l’aider à devenir un présidentiable. Il a poursuivi ses frasques alcoolisées qui devinrent l’une des causes de son échec cuisant aux communales de 2010. Soupir ! Et puis, … il a été cité dans moult rapports des experts des Nations Unies, comme un fauteur de troubles à l’Est de la République Démocratique du Congo. Profitant de sa position de représentant des Etats-Unis auprès des Nations Unies, elle a essayé de le tirer d’affaires mais … très difficilement.
La dernière bourde de Sinduhije à la RPA, quand il a menacé un journaliste de licenciement en pleine émission–débat transmise en LIVE constitue une preuve tangible de son tempérament agressif. La honte bue, Alexis Sinduhije s’est excusé auprès des auditeurs et les membres de son parti, désemparés par les fréquents dérapages de leur « leader ». Le ridicule ne tue pas, dit-on.
Malheureusement pour lui, depuis qu’il est en politique l’échec est devenu son compagnon. Tout ce qu’il tente tourne au vinaigre. La dernière sortie du 8 mars lui a asséné un coup fatal. Oser prendre en otage des policiers, oser déclarer publiquement que son dessein n’est que la destitution des institutions démocratiquement élues, oser … Il a donc osé et cela ne peut que décevoir son mentor, à quelques semaines seulement de sa visite au Burundi, qui a déjà du mal à se défaire de ces vieilleries du passé.
Amb. Samantha Power est aujourd’hui dans une position délicate. En effet, comment arrivera-telle à défendre son protégé sans être considérée comme juge et partie ? Et surtout, plus grave, osera-t-elle se faire l’avocat d’un preneur d’otage quand on connait la position de l’Administration américaine face aux actes de terrorisme, et particulièrement aux prises d’otage ?
En voulant jouer au Rambo, Alexis Sinduhije se retrouve aujourd’hui dans la peau d’un fugitif, au grand désespoir de sa protectrice. L’ironie de l’Histoire serait que le Gouvernement burundais demande aux Etats-Unis de l’aider à traquer le terroriste Alexis Sinduhije. Ce qui serait bien légitime de la part d’un pays qui paie un lourd tribut dans la traque des terroristes d’Al Shebaab en Somalie. Quelle serait la réponse de l’Amb. Samantha Power à une telle demande ? Bien malin qui pourrait le dire.
Léa Kankindi