C’est ici un des témoignages de paisibles citoyens dans les quartiers de Mutakura et Musaga. Ils sont opposés à des manifestations violentes même s’ils sont loin de soutenir la candidature de Nkurunziza. A Mutakura, nous avons rencontré monsieur Bruce. Il a vécu l’horreur sans nom. Les manifestants militants du MSD ont torturé puis abattu un habitant du quartier. Il lui reprochait d’être une sentinelle à la permanence nationale du parti CNDD-FDD à Ngagara. Il avait supplié, confié toute sa bonne foi et l’acceptation du travail sans s’engager dans des querelles politiques. En vain. Il l’ont tué. Ils ont déposé le cadavre sur la voie publique afin d’accuser la police. La farce à été jouée. Sauf que des témoins ont tout vu et connaissent les coupables!

A Mutakura, les meneurs du mouvement font la loi. Ils soumettent les habitants à un régime de terreur sans nom: ne pas s’éloigner de la maison que pour rejoindre la manifestation, pas d’enfants à l’école, pas de boutiques ouvertes ni de commerce ambulant, pas de taxi vélo ou moto, pas de circulation. Pour ces pauvres gens qui vivent au jour le jour, le calcaire est intenable. Ceux qui n’en peuvent plus trompent la vigilance des surveillants insolents et souvent drogués pour s’enfuir. Ils profitent de la nuit ou des appels à renforcer Ngagara ou des manifestants en ville pour partir. Ils rejoignent leur lieu de travail mais ont la peur au ventre quand il faut rentrer. D’aucuns évitent de rentrer et partent demander asile à des amis dans des quartiers épargnés par le mouvement.

A la gare du Nord, les conducteurs de taxi vélo et de taxis moto dorment à la belle étoile ou plient bagages. Ils sont nombreux à fuir la ville pour retourner au village. « Comment rester à Bujumbura quand on ne fait rien? Qui va nous nourrir et s’occuper de notre loyer ou revenu à envoyer au village? Nous partons et reviendrons une fois la paix rétablie!  » Beaucoup de vendeuses de fruits, de produits vivriers ne savent plus à quel saint se vouer. Ils regagnent les pénates, sur la colline natale, sans économie ou ayant perdu l’outil de travail car le kiosque a été utilisé pour barrer la route. Le bulldozer de la police est passé et l’a réduit en miettes. S’il n’est pas parti en fumée! Qui va indemniser? Aucune assurance.

Les activistes ne se montrent pas ou sont passés le temps d’une photo ou d’une interview avec des reporter des chaînes de télévision internationales. Ce qui compte pour les bailleurs de fond, c’est l’image. Eurac parle dans son communiqué de dizaines de milliers de manifestants. Aucun mot sur le sort des populations ainsi réduites au dénuement. Condamnations sans réserve du parti au pouvoir et du président Nkurunziza. Aucun reproche aux organisateurs des manifestations. Juste des pressions en faveur de la réouverture de la RPA et des réseaux sociaux! Ils sont sur une autre planète!

A Musaga, les meneurs des manifestants ont ordonné des rondes nocturnes. On s’attaque alors aux maisons des gens qui ne se montrent pas aux manifestations. Des menaces, des passages à tabac, des tentatives de lynchage. C’est la jungle! Il n’est pas bon d’etre militant connu du parti au pouvoir. Certains manifestants jugent sur la taille du nez. D’autres rançonnent les adultes opposés aux manifeustations: « Nous restons toute la journée sous le soleil et avons besoin de boire beaucoup! Ce que les organisateurs donnent ne suffit pas. Nous attendons la mise en place d’un fonds pour appuyer les manifestants. Même si Nkurunziza passait, nous aurions créé une source de revenu pour les jeunes qui passaient des journées sans occupation! »

Notre interlocutrice s’appelle Céline. Elle est employée dans une banque. Le samedi, elle avait fait des achats en prévision des manifestations annoncées par les organisations de la société civile. Mais tout est fini! C’était plus que des dépenses de deux jours et la famille à dû nourrir des personnes sans aucune parenté qui s’invitaient pour tuer le temps! Pour avoir un peu d’argent et constituer un autre stock, il lui faut aller au travail et solliciter un découvert!

Céline se lève à 5 heures du matin ce mercredi. Elle cache sa tenue de travail dans son sac à main et s’avance vers la route. Elle est interpellée par les manifestants, des jeunes ayant installé des barricades dès l’aube! Il lui est demandé ce qu’elle veut. « Je viens me joindre à vous. J’ai appris que nous allons protester contre la fermeture de la radio RPA. Alors je tiens à être du groupe!  » Ils la félicitent. Elle peut marcher vite et rattraper le groupe qui marche vers le siège de la RPA! Aux premières heures de la matinée, on marche calmement comme si on évitait de susciter la méfiance des policiers. Ces derniers se disent que ce sont des gens qui quittent le quartier avant que les manifestants ne paralysent la circulation. Bingo!

Mais une fois en ville, Céline s’éclipse. Elle pense à son travail, au découvert bancaire. Mais comment va-t-elle regagner son domicile tard dans la soirée? Elle préfère en parler avec quelque collègue et chercher refuge. Une fois à la banque, elle appelle un étudiant qui habite chez elle. Il lui demande de passer à 15 heures prendre de l’argent pour faire les courses. La famille n’aura qu’un repas ce jour. Du riz et du haricot brun. Les boutiques du quartier sont fermées. Même au centre ville, les magasins sont fermés, sauf que les femmes qui vendent des Indagala sur l’avenue de la JRR sont de retour. Dieu merci!

Avec ces témoignages, nous avons compris que les organisateurs de la manifestation n’ont pas de coeur. Ils ont gagné les quartiers pauvres où des gens vivent carrément au taux du jour. Ils maintiennent la pression sur le gouvernement mais à vrai dire, ils prennent en otage des familles, des ménages. Cela dégoûte. Le calcaire révolte. Cela se voit à travers la fuite des conducteurs de taxi vélos ou moto. Cela peut s’évaluer sur le nombre des travailleurs qui ont trouvé refuge auprès des amis dans les quartiers paisibles. Devant les barricades, les pneus brûlés, les affrontements avec la police et la pénurie des denrées de base sans oublier les unités de recharge pour les téléphones portables, c’est un autre enfer que vivent les quartiers sous occupation! On a beau saluer l’action des policiers et le professionnalisme de l’armée, les citoyens veulent vivre en paix. Pourquoi ne pas ramasser tous ces jeunes, les mettre dans stade, administrer une bastonnade et leur faire signer l’engagement à renoncer à l’insurrection? Et que dire des organisateurs de l’insurrection?

Paul Sorongo