Depuis les années 2000 l’Union européenne a négocié avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) des accords de partenariat économique (APE) en substitution aux anciens accords de Lomé et de Cotonou. Dans ce cadre, les pays du Sud concernés seraient amenés à ouvrir leurs marchés à la plupart des produits en provenance de l’Union européenne. Les articles 36 et 37 de l’accord de Cotonou fixent le cadre de référence des accords de libre-échange à négocier avec l’Union européenne. Officiellement, l’objectif de ces accords est d’améliorer l’accès aux marchés pour les pays ACP, de consolider l’intégration économique régionale de ces pays et de faire progresser les réformes institutionnelles.
Accords de Partenariat Économique : une menace ou une opportunité ?
L’Union Européenne dispose d’un PIB estimé, en 2014, à 18.412 milliards de dollars, soit 23, 4 % du PIB mondial, elle contrôle plus de 16 pour cent des flux commerciaux mondiaux et elle est également première puissance agricole mondiale. Les flux commerciaux de toute l’Afrique sont de 3%, il est ainsi facile de noter l’écart immense qui existe entre les deux parties. Avec une ouverture de 75 % du marché de l’EAC, la suppression des droits de douane, la fixation par l’U.E du prix de ses produits et de celui de l’EAC vers elle, l’industrie régionale sera durement touchée par la forte concurrence, la force financière et logistique des entreprises européennes, selon les analystes contactés par HotVoz. La signature des APE va certainement avoir plusieurs conséquences sur l’intégration régionale, les unes positives, les autres négatives pour le développement durable de la région. En premier lieu, les ressources fiscales vont baisser ce qui réduira la capacité d’intervention des États et pose la question de financements alternatifs, les acteurs de la société civile s’inquiètent.
Des nombreux spécialistes africains dénoncent les risques importants de la libéralisation des marchés pour le développement des pays du Sud
Cependant, comme le précise Jean-Paul K. (consultant et économiste), l’élargissement du marché et la suppression des barrières douanières intérieures peuvent être un puissant stimulant pour l’économie régionale, à condition que le marché soit réellement fluidifié et que les secteurs sensibles soient convenablement protégés des importations européennes. Même si les opportunités peuvent y avoir, des nombreux spécialistes africains dénoncent les risques importants de la libéralisation des marchés pour le développement des pays du Sud et notamment les marchés agricoles et alimentaires, dans le cadre des APE. Mais ce qui se dénonce vigoureusement est, les pressions exercées par l’Union européenne dans les pays africains en vue de la signature des APE et la mise en œuvre des accords intérimaires qui constituent une menace pour les processus d’intégration régionale.
La position de la Tanzanie sur la signature des APE
Dans un article paru dans The East Africain, l’ancien président tanzanien Benjamin Mkapa trouve que les APE sont une mauvaise nouvelle pour la Communauté de l’Afrique de l’Est, il soutient sa position avec des chiffres. A son avis les exportations de l’EAC vers l’Union européenne représentent 6 % et avoisinent une valeur de 200 000$, tandis que les exportations de l’EAC vers d’autres pays africains représentent 50 % des échanges et ont une valeur de plus 2 .5 milliards $. Alors que plus de 60 % des produits manufacturés au sein de l’EAC sont écoulés en Afrique, il trouve que les APE nuiraient aux efforts d’industrialisation de la région. Il estime qu’avec une croissance des importations de 0.9 % chaque année, l’EAC en tant qu’une entité perdrait plus 251 $ millions en revenue tarifaire.
Les calculs du Kenya et du Rwanda qui sont déjà signataires
Fin 2014, le Kenya comme l’un des grands exportateurs de fleurs au monde s’est vu imposer un nouveau tarif sur ses fleurs vendues au sein de l’Union européenne. Ce qui a fait que les bouquets de fleurs en provenance du Kenya sont devenus plus chers. Les exportateurs kényans au lieu de laisser le marché aux concurrents, ils ont opté d’encaisser la hausse des tarifs et ils dépensaient plus de 3 millions d’euros pour garder le marché. Avec un business qui représente plus de 7 milliards de dollars en souffrance, le Kenya n’avait plus de choix et a fini par céder et il a signé les accords de partenariat économique comme le souligne un article de The Guardian. Les défenseurs de cette décision trouvent que le Kenya ne faisant plus partie des pays du LDC (Least Developed Country) qui bénéficie de l’accord de libre-échange dit EBA (Everything but Arms), n’avait pas d’autres moyens d’accéder aux marches européennes au moindre coût. Même raison pour le Rwanda qui envisage une croissance rapide qui le permettra d’être classé au sein des “Middles Incomes Countries” d’ici cinq ans, en quittant la catégorie “Least Developed Countries”, il aurait pu se retrouver dans les mêmes conditions que le Kenya. Bien que la signature des APE couvre une période plus de 20 ans dans ces accords, comme le précise François Kanimaba le ministre rwandais du commerce, il y a une clause qui prévoit la renégociation des termes si un signataire estime que son économie n’en bénéficie pas comme il se doit.
Que gagnerait le Burundi en signant finalement ?
Il est intéressant de se poser cette question d’autant plus que les entrepreneurs burundais arrivent à peine à concurrencer les produits de l’EAC. Avec la signature des APE, le Burundi exposerait son économie en pleine renaissance à une double concurrence qui terrasserait les efforts déjà déployés pour redynamiser l’économie nationale. Pour un Burundi qui survit aux gels des dons promis par l’Union Européenne grâce aux recettes via l’Office Burundaise des recettes, il est peu probable que la signature des APE aille améliorer le commerce et le niveau de vie des citoyens burundais. On se rappelle toujours cette rumeur autour du dernier sommet des chefs d’État de l’EAC qui faisait état d’une proposition par l’Union européenne de restaurer la coopération en contrepartie de la signature des APE.
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