Par ikriho.org

Conseiller à la Présidence du Burundi, Yves-Lionel Nubwacu a souhaité réagir “à titre personnel” à l’interview que l’ambassadeur de Belgique au Burundi a accordée au journal en ligne Ikiriho, pour “apporter quelques nuances sur certaines affirmations qui m’ont parues quelque peu inexactes ou qui nécessitaient un supplément d’éclaircissement.”
En italique, les questions d’Ikiriho et les réponses de l’ambassadeur belge.

Ikiriho: Comment appréciez-vous la situation sécuritaire au Burundi actuellement ?
Amb. Bernard Quintin: Si l’on compare avec la situation de 2015-2016, on doit constater un calme relatif au Burundi, c’est un fait, malgré plusieurs incidents encore récemment.

Yves-Lionel Nubwacu: Ne pas reconnaître que le Burundi est en paix est un positionnement plus politique que basé sur une quelconque réalité observable sur terrain. La plupart des observateurs constatent une amélioration nette et pérenne de la sécurité sur tout le territoire national. Les récents événements qui ont eu lieu durant cette période de vacances en sont un exemple parlant. Alors pourquoi chercher à édulcorer cet état de fait. La plupart des pays occidentaux (principaux soutiens de l’opposition radicale) cherchent à maintenir coûte que coûte l’impression d’un climat de crise pour justifier leur posture hostile vis-à-vis du gouvernement burundais. Maintenir un climat de peur et d’instabilité c’est selon eux un moyen de mettre sous-pression Bujumbura pour qu’il accepte les fameuses négociations qui selon eux ouvriraient le chemin du pouvoir à leur poulains réfugiés en Belgique et ailleurs comme dans certains pays voisins. Voilà pourquoi à cette question, pourtant si simple parce que lui demandant de décrire une situation visible à l’œil nu, Monsieur Quintin préfère botter en touche plutôt que d’embarrasser ces partenaires.

Ikiriho: Le Burundi, un pays qui vient de frôler une résurgence de guerre civil, qui a notamment étouffé dans l’œuf des rébellions en gestation. N’a-t-il pas le droit et surtout le devoir de rétablir la sécurité par tous les moyens ?
Amb. Bernard Quintin: Si vous voulez dire que la fin justifie les moyens, ma réponse est sans équivoque : Non!

Yves-Lionel Nubwacu: Au moment où dans les États parmi ceux qui se targuent d’être plus démocratiques que les autres les situations d’état d’urgence sont décrétées à tour de bras, une réponse pareille est étonnante lorsqu’un peu plus bas l’auteur affirme qu’il incombe à l’État de protéger ses citoyens.

Ikiriho: Le Burundi qui depuis 2015 ou même avant démontre qu’il peut vivre sans l’aide de l’Occident. Comment interprétez-vous la décision de Bujumbura d’avancer certes à la vitesse de la tortue mais se passer de l’aide conditionnée de l’Occident. Le Burundi n’est-il pas sur la bonne trajectoire ?

Amb. Bernard Quintin: Vivre ou survivre ? Aucun pays, riche ou pauvre, ne peut aujourd’hui penser se développer en se coupant du reste du monde et ceux qui ont essayé cela dans le passé n’ont pas eu des résultats probants, au contraire.
Yves-Lionel Nubwacu: Lorsque Monsieur l’Ambassadeur nuance sur le vivre ou le survivre pour réponde à une question sur l’aide internationale, il étonne par sa naïveté. Les pays Africains dans leur ensemble survivent, aide ou pas aide internationale. Le Burundi a choisi de se passer cette aide car les donateurs ont commencé à abuser de cette position dominante qu’ils sont pour imposer leurs visions de la vie aux peuplés qu’ils viennent en « aide ».

Qualifier le Burundi d’État isolé est faire preuve d’un nombrilisme flagrant. Dans cette époque multi-polaire, la coopération Sud-Sud commence à montrer ses capacités d’être une alternative aux aides de l’Union Européenne, c’est une grande erreur d’appréciation que de prétendre isoler un pays quelconque. Le Burundi s’est tourné vers d’autres partenaires qui lui ont fourni assistance et permis de vivre (ou survivre comme le prétend Son Excellence).

Ikiriho: Le changement de la Constitution parce que le peuple, seul garant de la souveraineté du pays l’a décidé ainsi. Votre commentaire ?
Amb. Bernard Quintin: Mais cela demande que le climat, entre autres politique, soit propice à cela et que les conditions de la création d’un consensus soient réunies. Est-ce le cas maintenant ? Poser la question, c’est peut-être y répondre.
Yves-Lionel Nubwacu: L’acte de souveraineté ne peut pas se définir partiellement, la souveraineté est par essence totale. Donc il appartient aux Burundais et à eux seuls de définir tout ce qui est autour de cette réforme. Si les Burundais s’engagent sur cette voie (Réformer la Constitution), c’est parce qu’ils estiment que les conditions politiques et le consensus sont réunies.

Amb. Bernard Quintin: Je suis sincèrement persuadé que c’est contre-productif pour le Burundi de vouloir jouer les uns contre les autres…
Yves-Lionel Nubwacu: Le Burundi ne s’adonne à aucun jeu de concurrence entre ses partenaires, comme le souligne l’Ambassadeur se sont les partenaires qui ont des objectifs ou des vues qui diffèrent sur le Burundi. Entre d’un côté ceux qui au moment où le Burundi étaient en difficulté se sont adonnées à des stratagèmes pour l’enfoncer encore plus et ceux qui sont venus à son secours, parfois le choix n’est pas difficile à faire. Quoi qu’il en soit la dynamique actuelle est appelée à se poursuivre car c’est dans l’intérêt du Burundi d’arriver à plus d’autonomie dans tous les domaines. Cette crise qui s’achève a permis de découvrir que les aides désintéressés entre Etat restent une illusion.

Ikiriho: Le Burundi prêt à prouver qu’il peut se développer sans Investissement Direct Étranger (IDE). Quelle sont d’après vous les chances de réussite de cette politique ?
Amb. Bernard Quintin: Nulles.
Yves-Lionel Nubwacu: Réponse logique de la part d’un citoyen dont la richesse s’est bâtie sur des bases pas toujours seines. Nos voisins de la RDC en savent quelque chose. Cependant laissez-moi apporter une petite nuance: si l’afflux des investissements étrangers a diminué il est inexacte de prétendre qu’il est nul. Des efforts sont par ailleurs en train d’être faits par le Gouvernement burundais pour que cette situation évolue positivement malgré les efforts de certains médias occidentaux mainstream à vouloir dépeindre un Burundi au bord du gouffre.

Ikiriho: Le président Nkurunziza qui appelle à l’autofinancement des élections de 2020 et qui donne l’exemple en versant 5 millions de Fbu. Comment interprétez-vous cela comme pays qui est souvent indexé par le pouvoir de Bujumbura comme ayant voulu saboter les élections de 2015 ?
Amb. Bernard Quintin: D’abord, nous n’avons ni voulu ni agi pour saboter les élections de 2015. Ensuite, c’est toujours louable de ne pas vouloir dépendre de l’extérieur… mais je rappelle ce que je disais un peu avant : pas un pays au monde ne peut espérer vivre et croître en se coupant du reste du monde
Yves-Lionel Nubwacu: Le Burundi n’est pas coupé du reste du monde, le brutal arrêt du financement des élections de 2015 n’avait d’autre visé que de créer encore plus de chaos, seul moyen de donner raison à ceux qui venaient de rater le putsch du 13 mai 2015. Cet objectif aurait abouti n’eut été les efforts du gouvernement sous la houlette de Pierre Nkurunziza et l’aide substantielle des pays amis du Burundi.