Le Rwanda se relève malgré TOUT
(Sud Ouest 12/07/14)
Le pays se reconstruit. MAIS, malgré une croissance de 8 %, il reste des freins importants, comme le chômage.
A Kigali, comme à Musanze et à Huye, les rues sont propres, pas un mégot ne traîne. Grues et goudronneuses s’activent à recouvrir les routes d’asphalte, les buildings et les nouveaux quartiers sortent de terre. Le Rwanda, petit pays enclavé de 26 000 kilomètres carrés, le plus densément peuplé d’Afrique continentale, se relève lentement du génocide qui a fait près de 1 million de victimes en 1994. Les progrès économiques réalisés en vingt ans forcent l’admiration : entre 2000 et 2013, le PIB par habitant est passé de 225 dollars à 693 dollars. En cinq ans (2006-2011) plus de 1 million de Rwandais se sont hissés au-dessus du seuil de pauvreté.
Capitaux étrangers
Ce « succès », le Rwanda le doit en grande partie aux capitaux étrangers. Depuis 1974, la Banque africaine de développement (BAD) a approuvé 98 opérations de prêts et de dons en sa faveur, pour un montant total de 1,65 Md de dollars. Les investissements directs étrangers dépassent à ce jour 700 millions de dollars, et de nombreuses missions partent encore chercher de nouveaux investisseurs au Kenya, en Inde, en Chine, en Australie, en Turquie ou encore aux États-Unis. Dans ce contexte, un véritable tourisme d’affaires se met en place. Un centre des congrès est en construction dans le quartier de Kacyiru, non loin de l’aéroport de Kigali. Le pays prévoit également l’ouverture d’un second aéroport au sud de la capitale. « Nous souhaitons transformer le pays en centre de services financiers, en faire un centre de convergence pour le business, au même titre que le Kenya et l’Afrique du Sud », explique Maurice Twahira, le responsable de la communication au Rwanda Development Board (RDB), une STRUCTURE gouvernementale créée en 2009 afin de favoriser le climat économique.
Thé et CAFÉ
Le Lyonnais Marc Schneider a compris l’aubaine, en créant sa société d’accompagnement à l’international, Novafrica Developments. « Le Rwanda s’est inspiré de Singapour dans sa stratégie de développement et a tout misé sur les services. À la fois anglophone et francophone, il représente une CARTE unique à jouer en Afrique. Les PME françaises que j’ai accompagnées ici ont rapidement pris conscience des opportunités », note l’entrepreneur. Environ 200 sociétés étrangères s’installent ainsi chaque année dans le pays, compensant l’insuffisance des revenus tirés des exportations. « Le thé et le café sont nos principales richesses. Mais la balance commerciale reste largement déficitaire », reconnaît Maurice Twahira.
Créer son entreprise
QUAND on pousse la porte du RDB, situé dans le quartier en pleine transformation de Kacyiru, avant d’arriver à l’ascenseur de verre, un grand hall mène directement au « guichet unique ». Le dispositif a été mis en place il y a trois ans pour faciliter les créations d’entreprises. Il est 15 heures. Une quinzaine de personnes patientent sur des banquettes au centre de la pièce. De chaque côté, des conseillers renseignent chaque jour, derrière leurs ordinateurs, une centaine d’entrepreneurs. Il suffit d’arriver avec une pièce d’identité et le nom de sa société, et de remplir un formulaire électronique. On peut réaliser en un même lieu toutes les démarches nécessaires. « Quand j’ai créé, en 2008, ma société de BTP, j’ai dû m’enregistrer dans un tribunal et débourser l’équivalent de 50 euros pour être inscrit au registre du commerce. Aujourd’hui, c’est gratuit et plus accessible », témoigne Régis Mbonigaba, 32 ans, venu récupérer une attestation.
Depuis 2012, on comptabilise 10 000 nouvelles sociétés par an, essentiellement dans les secteurs des services, des télécommunications et de la construction. L’organisme dénombre 50 000 entreprises dans le pays, mais ne dispose d’aucune donnée quant à leur pérennité. « Nous sommes en train de mettre en PLACE un système de suivi, nous aurons des résultats dans un an », promet Yves Sangano, le responsable adjoint de l’enregistrement des entreprises au RDB.
Le tourisme
AUTRE pilier de la croissance économique : le tourisme. Le pays a accueilli 1 million de visiteurs en 2012, soit 40 fois plus qu’en 2004.
« Les gorilles des montagnes, dans le parc national des Virunga, génèrent plus de la moitié des revenus du tourisme. Mais nous souhaitons diversifier notre offre, grâce à la variété de nos paysages », explique Maurice Twahira. Pour l’heure, le pays mise essentiellement sur un tourisme haut de gamme, puisque pour voir les gorilles durant une heure il faut débourser 750 dollars, sachant que 5 % des revenus du tourisme pratiqué dans les parcs nationaux SONT réinvestis dans la construction de dispensaires, d’écoles, de réseaux d’eau ou d’électricité dans les villages. « Il s’agit d’une des destinations les plus chères du continent, alors que les infrastructures locales sont loin d’être au niveau de celles des destinations comparables en prix », explique Laëtitia Ferreira, la directrice du pôle Afrique à Nomade Aventure.
Le fléau du chômage
Pourtant, en contrebas des routes recouvertes d’asphalte, il faut emprunter des pistes cahoteuses pour parvenir aux faubourgs. La couverture en électricité atteint à peine 17 % dans le pays, et, surtout, les inégalités sociales demeurent importantes. Un jeune moto-taxi confie que son salaire, environ 150 euros par mois, a été divisé par deux en quelques années, à CAUSE de l’augmentation du prix de l’essence, autour de 1 euro le litre. Et encore, ce dernier peut se féliciter d’avoir un salaire, car 42 % des jeunes seraient aujourd’hui sans travail ou sous-employés dans l’agriculture de subsistance.
Pour tenter de remédier à ce fléau, Albert Bizimana, qui a travaillé cinq ans au ministère du Commerce, vient de fonder une association pour accompagner les jeunes dans la CRÉATION d’entreprise. « J’ai constaté les difficultés qu’ils rencontrent face aux banques, qui ne leur font pas confiance et accordent des prêts avec plus de 20 % d’intérêts. J’ai monté AB Foundation pour leur venir en aide », explique-t-il. Après avoir sillonné les universités du pays pour sensibiliser les étudiants, Albert Bizimana a sélectionné 40 projets d’entreprises, dans le domaine des télécoms, de la gestion des déchets ou encore du commerce. Il recherche des partenaires financiers.
« Il y a un fossé ENTRE les compétences et l’offre d’emploi. Et il manque des cadres, il n’y a rien entre les patrons et les techniciens », note Chantal Umuraza, consultante et ancienne directrice de la Chambre d’industrie du Rwanda. Le gouvernement a lancé un programme national pour l’emploi pour 2014-2018.
« Il manque des cadres. Il n’y a rien ENTRE les patrons et les techniciens »