Discussions à Berlin sur la restitution allemande du patrimoine culturel spolié, un premier pas vers la réparation d’un passé colonial douloureux.
Berlin (Allemagne), 9/07/2025 – Dans le cadre de la politique étrangère des Barundi, chercheurs, artistes et journalistes issus des anciennes colonies allemandes se sont réunis. Ndayisaba Eric, historien et directeur des Éditions The Gusoma, participe du 6 au 12 juillet 2025 au siège du ministère allemand des Affaires étrangères à Berlin, à des discussions portant sur la restitution du patrimoine culturel arraché par la colonisation. Ces rencontres prennent la forme de conférences et ateliers consacrés aux restes humains et aux objets culturels coloniaux.
Au Burundi, ce processus de restitution est censé être piloté par la Maison de la Culture, une institution créée en 2017 mais qui, malheureusement, n’a jamais réellement fonctionné. L’Allemagne prévoit de restituer plusieurs objets, y compris des restes humains, à ses anciennes colonies, parmi lesquelles figure le Burundi. Le musée d’ethnologie de Berlin possède à lui seul une collection d’un demi-million d’objets arrachés à divers pays.
Le Burundi, pays d’Ubungoma, que l’on nomme Ingoma y’Uburundi, est un État millénaire, forgé par une dyarchie entre le tambour sacré Karyenda et le Mwami [1], niché au cœur de Kama, nom traditionnel de l’Afrique[2]. Depuis le XIXᵉ siècle jusqu’à aujourd’hui, il fait face à une guerre constante imposée par la « Croix et la Bannière »[3], symboles d’un ordre occidental et chrétien imposé de force. Le défi du Burundi actuel est de se relever, en tirant parti du nouvel ordre mondial multipolaire.
En février 2025, l’Union africaine a franchi une étape historique en adoptant une résolution qualifiant la colonisation européenne (XVe-XXe siècles) de crime contre l’humanité, marquant un tournant dans la réparation mémorielle.
En 1966, soit quatre ans après son indépendance proclamée en 1962, un coup d’État a renversé Ingoma pour instaurer une République, un État néocolonial. Avec le génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi – qui, selon l’Ubungoma, désignent « l’être du lieu du tambour sacré Karyenda », une force nourrissant les sons du Tambour Sacré en énergie ou productrice des ressources nécessaires pour satisfaire les besoins des miryango (les sons du Tambour, les familles) du Burundi, pays lui-même appelé Ingoma, le Tambour [4] –, l’Ubumu, système socio-économique traditionnel des Barundi, fut détruit et remplacé par une économie de marché occidentale. Ainsi en 1972, les Hutu, piliers de l’Ubumu, furent ciblés et tués en raison de ce rôle fondamental.
Depuis son indépendance en 1962, le Burundi poursuit patiemment sa reconstruction, résistant aux blessures profondes laissées par la colonialité toujours présente [5], c’est-à-dire la persistance des structures de domination héritées du colonialisme, même après la fin officielle des empires coloniaux européens. La restitution des biens volés par l’Allemagne pendant la Colonisation est perçue comme un geste très bien accueilli au Burundi.
Références :
[1] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[2] Note sur l’étymologie : Kama et Afrique. Le nom traditionnel donné au continent africain par certains peuples autochtones est Kama. En revanche, le mot « Afrique » provient d’une racine berbère, utilisée par les Romains pour désigner la région autour de l’actuelle Tunisie. Ainsi, utiliser « Kama » permet de renouer avec une identité africaine authentique, détachée des influences coloniales et occidentales.
[3] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015.
[4] Kubwayo Félix, La lente reconnaissance du génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi : Les faits et l’exécution du génocide par le pouvoir de Micombero, Bruxelles, 2025.
[5] Sindayigaya Jean-Marie, Renaissance de l’Afrique par les Valeurs de l’Africanité-Ubuntu, Bruxelles, 2023.
Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Jeudi 10 juillet 2025 | Photo : Jimbere