Entente entre les Barundi du monde. L’Agence de Développement du Burundi et les représentants des Burundais de l’étranger signent un accord pour mobiliser les investissements et le mentorat au service de la croissance économique.
Bujumbura, 27/08/2025 – En ce nouveau monde multipolaire, dans le vaste théâtre de la politique étrangère burundaise – encore marqué par les ombres du passé [1] liées à la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale (GUAN) –, un accord vient de voir le jour. L’Agence de Développement du Burundi (ADB), autrefois API, et la Diaspora Burundaise (DB) [2] ont uni leurs signatures dans un protocole d’entente. Leur ambition commune : mobiliser les forces vives de la diaspora pour ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire socio-économique du pays, écrire une page où mémoire et avenir s’entrelacent au service du Burundi.
Ce partenariat, tissé de volonté et de vision, se décline en plusieurs engagements : promouvoir les investissements, soutenir la jeune pousse entrepreneuriale par un mentorat solide, organiser des événements qui relient les rives locales et internationales, et faciliter un fructueux échange d’opportunités. Il s’agit non seulement d’attirer les capitaux des Barundi de l’étranger, mais aussi de séduire les investisseurs étrangers par leur intermédiaire.
Pour donner vie à ces ambitions, des officiers de liaison seront les artisans de cette coordination délicate, tandis que Rise and Shine House est désignée pour être le partenaire opérationnel, le bras armé de ces initiatives conjointes. Nizigiyimana Révérien, Directeur Général de l’ADB, a souligné d’une voix porteuse de conviction que ce partenariat est un pont jeté vers les investisseurs étrangers, via les membres de la diaspora solidement établis hors des frontières. Il a ajouté que cette collaboration est un levier pour les réformes en cours, visant à apaiser le climat des affaires pour ces investisseurs de la diaspora. Ndayiragije Samuel, Président de la DB, a pour sa part vu dans cet acte « un signe éloquent » de l’engagement commun à unir leurs destins pour le développement du pays, dans le cadre de la Vision 2040-2060. Il a précisé que ce cadre permettra à l’ADB de soutenir la diaspora dans sa quête de mobilisation, tout en apportant des réponses aux épineuses questions qu’elle ne pouvait trancher seule, notamment celles liées aux arcanes du Code des investissements.
La diaspora burundaise est l’héritière d’une histoire marquée par les conflits, les bouleversements régionaux et l’empreinte durable de la colonialité. Depuis le XIXᵉ siècle, le Burundi – Ingoma y’Uburundi – se trouve confronté à une guerre incessante contre ce que les Barundi désignent comme la « Croix et la Bannière » [3]. La chute d’Ingoma y’Uburundi en 1966, suivie de la destruction de l’Ubumu en 1972 [4], a ouvert la voie à un système étatique et socio-économique néocolonial. De ces drames est née la première grande vague d’exilés barundi, projetés aux quatre coins du monde.
Parmi eux se trouvaient des figures sociales issues des grands miryango d’Ingoma y’Uburundi – Bami, Baganwa, Bataka, Banyamabanga, Batutsi – ainsi que de nombreux Bahutu [5]. Plus tard, la guerre civile burundaise de 1993 à 2003 [6], puis la crise de mai 2015 [7], ont engendré de nouvelles vagues de réfugiés, emportant cette fois encore des milliers de Bahutu et des Bahima [8]. Fruit d’une colonialité qui refuse de disparaître, alimentée par cette guerre permanente face à la « Croix et la Bannière », ces réfugiés et leurs descendants constituent aujourd’hui la diaspora burundaise.
Dans cette guerre séculaire que livrent les Barundi contre la Croix et la Bannière, chaque Murundi(kazi), où qu’il soit, ne doit jamais oublier la musique de son cœur. Selon l’Ubungoma (la cosmologie des Barundi), « Être Murundi(kazi) » ne se réduit pas seulement à une appartenance à sa terre (itongo) ou à son simple nom (izina) ; c’est dans le cœur, Umutima, que se niche cette essence, guidée par Imana à travers le Mwami – le chef des Bataka, eux-mêmes chefs des miryango. Dans Umutima, l’âme (Iroho) du Murundi(kazi) est celle de Mukakaryenda (Karyenda : Ingoma, le Tambour Sacré), et son esprit (Imwuka), celui de Kiranga (Mukakiranga). C’est cette flamme intérieure, cette identité profonde et invincible, que le nouveau partenariat cherche aussi à mobiliser pour bâtir la paix et la prospérité du Burundi.
Références :
[1] La GUAN a pris fin en 2022, à la suite des sanctions qu’elle avait imposées à la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine. En mobilisant les BRICS, la Russie a ouvert la voie vers un nouveau monde multipolaire.
[2] Nahimana Karolero Pascal. Burundi : La diaspora burundaise : Du Monde, de Belgique et d’ailleurs – Histoire, trajectoires et ancrage. Bruxelles : Génération Afrique, 2025.
[3] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015. (La « Croix et la Bannière » désigne l’alliance historique entre le Vatican, la France – notamment via les Pères Blancs de Lavigerie –, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis contre l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXᵉ siècle.)
[4] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[5] Kubwayo Félix, La lente reconnaissance du génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi : Les faits et l’exécution du génocide par le pouvoir de Micombero, Bruxelles, 2025.
[6] Nahimana Karolero Pascal, La guerre civile du Burundi (1993-2003). Face à la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale, le CNDD-FDD, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[7] Ndayicariye Pierre Claver, Burundi 2015: Chronique d’un complot annoncé, Bujumbura, Compress, 2020.
[8] Rukindikiza Gratien, Les origines du peuple burundais : Amalgames et confusions, Paris, 2024.
Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Jeudi 28 août 2025 | Photo : Ndayiragije Samuel, Rise and Shine House