Démenti de la FDNB et Analyse : Le Burundi face à la guerre géopolitique des Grands Lacs
Bujumbura, 26/11/2025 — La Force de Défense Nationale du Burundi (FDNB) a publié un communiqué, également relayé sur son compte X, pour démentir formellement les rumeurs de présence de ses troupes en République Démocratique du Congo.
Le Général de Brigade Baratuza Gaspard, porte-parole du Ministère de la Défense Nationale et des Anciens Combattants, a affirmé qu’aucun militaire de la FDNB ne se trouve actuellement dans la localité de Minembwe. Il a précisé que « les propos et commentaires relayés à travers les réseaux sociaux mettant en cause les prestations des militaires burundais déployés en RDC sont sans fondement ».
La FDNB réaffirme ainsi son professionnalisme et sa mission, en rétablissant les faits pour éclairer l’opinion face à ces tentatives de désinformation. Elle rappelle que ses militaires déployés à l’Est de la RDC mènent leur mission de neutralisation des forces négatives, nationales ou étrangères, dont Red Tabara, en parfaite collaboration avec les FARDC, conformément aux accords bilatéraux conclus entre la RDC et le Burundi.
Cette mission est exécutée avec professionnalisme, discipline et un strict respect des droits de l’homme ainsi que du Droit international humanitaire.
Le Burundi, Ingoma y’Uburundi, est un vieil État millénaire africain, historiquement organisé sous une dyarchie où coexistaient le Tambour Sacré Karyenda (représenté par Mukakaryenda) et le Mwami (chef des Bataka qui sont les chefs des miryango, et de tous les Barundi) [1]. Aujourd’hui, ce pays fait face à une guerre géopolitique dans la région des Grands Lacs Africains.
Au Sud-Kivu, le Rwanda, avec ses alliés Banyamulenge et M23, des acteurs majeurs de l’instabilité régionale, accuse le Burundi de commettre un génocide contre les Tutsi de RDC. Bujumbura dément fermement ces allégations [2].
Dans le contexte d’un nouveau monde multipolaire, le côté burundais perçoit derrière ces accusations une manœuvre politique liée aux affrontements géopolitiques à l’Est de la RDC, notamment au Kivu. C’est là que se joue la bataille autour de la nouvelle Route de la Soie chinoise [3] reliant Dar es-Salaam au Katanga [4] (et Katanga à Lobito en Angola, intérêt stratégique des États-Unis).
L’armée burundaise y protège sa propre sécurité ainsi que celle des populations congolaises du Kivu contre une insécurité alimentée par les activités du Rwanda via le M23 et certains groupes « Banyamulenge » se revendiquant Tutsi congolais. Ce schéma est comparable aux groupes armés « forces négatives », terroristes, islamistes, ou pirates opérant au Cameroun, au Golfe de Guinée, au Sahel, aux deux Soudan, ou dans le delta du Mozambique.
Le Rwanda actuel est analysé comme un État portant le fardeau de la Colonialité. Suite à 1994, les États-Unis (via la création du FPR) ont pris la tête du pays, remplaçant l’influence française et belge. Depuis, le Rwanda est perçu comme agissant sur commande des États-Unis dans la région.
À travers la Colonialité, « la Croix et la Bannière » [5] utilise l’ « outil raciste géopolitique (et géostratégique) colonial : le conflit interethnique Hutu-Tutsi » [6]. Cet outil, créé par l’Allemand Hans Meyer en 1911 [7] pour briser les sociétés burundaise et rwandaise, a servi à s’approprier leurs terres. À l’origine, Hutu (les travailleurs), Tutsi (les fonctionnaires de l’Etat) et Twa ( une confrérie de Banyamabanga : savant, planificateur, régulateur d’Ingoma ) ne désignaient pas des ethnies, mais des titres sociaux liés à l’Ubungoma (la cosmologie des Barundi), à Ingoma (l’État dyarchique) et à l’Ubumu (le système socio-économique écologique) [8].
Ce sont les puissances coloniales « la Croix et la Bannière » qui ont fabriqué et figé ces catégories en identités ethniques à travers divers génocides (1959, 1972, 1994), afin de conserver une influence géostratégique décisive dans les Grands Lacs Africains.
Les États-Unis (précisément les Démocrates ou l’État profond américain), via le Rwanda (les Banyamulenge et le M23), utilisent cet outil raciste colonial comme arme géostratégique pour maintenir la région dans la tourmente depuis 1994, appliquant la « Stratégie du Chaos ». Cela permet de piller les ressources du Congo à moindre frais, en « saupoudrant » le régime rwandais, pièce maîtresse de cette stratégie régionale.
Pour les États-Unis, cette instabilité chronique freine l’ascension économique de la Chine et enraye son influence mondiale. De nombreux pays africains et les Panafricanistes appellent aujourd’hui le Rwanda à sortir de son aliénation coloniale (cf. 20 millions de victimes congolaises : GenCost ) pour se mettre au service de l’Afrique et non de la Colonialité.
Références :
[1] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024. | https://nahimanakarolero.com
[2] Burundi / Géopolitique – RDC, Rwanda, USA : Comment comprendre la signature du 27 juin 2025 ? https://burundi-agnews.org/burundi-geopolitique-rdc-rwanda-usa-comment-comprendre-la-signature-du-27-juin-2025/ Vu 1/12/2025
[3] Nouvelles routes de la soie, Belt and road initiative (B.R.I.) – https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/routes-de-la-soie Vu 1/12/2025
[4] Congo-Kinshasa : les USA, la Chine et la « guerre du cobalt », voici les intérêts en jeu – https://www.agenzianova.com/fr/news/congo-kinshasa-gli-usa-la-cina-e-la-guerra-del-cobalto-ecco-gli-interessi-in-gioco/ Vu 1/12/2025
[5] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015. (La « Croix et la Bannière » désigne l’alliance historique entre le Vatican, la France – notamment via les Pères Blancs de Lavigerie –, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis contre l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXᵉ siècle.)
[6] Nahimana Karolero Pascal, Réfugiés du Burundi — Quand Ingoma s’est tu. Histoire géopolitique d’un peuple brisé par la Colonialité, Bruxelles, Génération Afrique, 2025.| https://nahimanakarolero.com
[7] Rugurika Mathias, Repères historiques du Burundi : Tome 1 : de la période précoloniale à l’indépendance, le 1er juillet 1962, 2022.
[8] Nahimana Karolero Pascal, Réfugiés du Burundi — Quand Ingoma s’est tu. Histoire géopolitique d’un peuple brisé par la Colonialité, Bruxelles, Génération Afrique, 2025.| https://nahimanakarolero.com
DAM, NY, AGNEWS, http://burundi-agnews.org, Lundi 1 décembre 2025 | Photo : FDNB.BI