Biographie du Président Melchior NDADAYE – L’Homme et son Destin » de Raphaël NTIBAZONKIZA

Biographie du Président Melchior NDADAYE – L’Homme et son Destin » de Raphaël NTIBAZONKIZA

Melchior NDADAYE est né le 28 mars 1953 à Murama, commune Nyabihanga, province de Muramvya, l’actuel Mwaro. Fils de Pie NDADAYE et Thérèse BANDUSHUBWEBGE, il était l’aîné de 10 enfants, dont 7 étaient encore en vie avant sa propre mort : 3 garçons et 4 filles. Il était marié à Laurence NININAHAZWE et père de trois enfants : Guéva, Tika et Libertas. Il est mort assassiné le 21 octobre 1993.

En ce qui concerne sa formation intellectuelle : Melchior NDADAYE a fait ses études primaires de 1960 à 1966 à Mbogora (province de Gitega). De 1966 à 1972, il a fréquenté l’Ecole normale de Gitega qu’il a dû quitter en 1972 suite aux « événements » dramatiques qui secouaient son pays natal : le Burundi.

C’est alors qu’il s’est réfugié au Rwanda où il a parachevé ses études secondaires au Groupe Scolaire de Butare, de 1972 à 1975. de 1975 à 1980, il a fréquenté la Faculté des Sciences de l’Education à l’Université Nationale du Rwanda, à Butare. De 1987 à 1992, alors qu’il était en pleine activité professionnelle, Melchior NDADAYE a suivi une formation bancaire à l’Institut Technique de Banque du Conservatoire National des Arts et Métiers de France.

Ainsi, Melchior NDADAYE était détenteur de deux diplômes : une licence en Science de l’Education, et un Diplôme des Etudes supérieures de Banque.

En ce qui concerne l’itinéraire politique : Melchior NDADAYE a été membre fondateur du mouvement des Etudiants Progressistes Barundi au Rwanda (BAMPERE) le 3 janvier 1976 et Président de ce mouvement jusqu’en 1979. En août 1979, il a participé à la fondation du Parti des Travailleurs du Burundi (UBU). Suite au divergence de vue en ce qui concernait les stratégies à adopter pour renforcer le mouvement démocratique, Melchior NDADAYE a démissionné du parti UBU en 1983 et est retourné au Burundi le 5 septembre 1983.

Melchior NDADAYE fut l’un des principaux membres fondateurs, en 1986, du parti SAHWANYA-FRODEBU (FROnt pour la DEmocratie au BUrundi) encore clandestin. Il présida aux destinées de ce parti dès sa fondation (1986), puis continua jusqu’à son officialisation en 1991, son agrément en 1992, sa victoire électorale aux élections présidentielles et législatives des 1er et 29 juin 1993, et jusqu’au coup d’Etat sanglant du 21 octobre 1993 qui emporta sa vie.

En 1988, Melchior NDADAYE a été Premier Secrétaire de l’UTB (Union des Travailleurs du Burundi) en province Gitega. Suite à une intervention le 23 octobre 1988 lors d’une réunion convoquée par le gouverneur de Gitega, dans la foulée des troubles de Ntega et Marangara, Melchior NDADAYE a été emprisonné pour des motifs politiques, du 28 octobre au 28 décembre 1988. Melchior NDADAYE a été membre de la Commission Constitutionnelle de laquelle il a démissionné le 16 août 1991 pour ne pas cautionner un projet qui contenait beaucoup de dispositions aux allures anti-démocratiques évidentes.

Enfin, le 18 avril 1993, un Congrès extra-ordinaire du parti SAHWANYA-FRODEBU désigne Melchior NDADAYE comme candidat du parti aux élections présidentielles du 1er juin 1993. Ce candidat sera soutenu par trois autres partis : le PP, le RPB et le PL. Le soir du 2 juin, lors de la proclamation des résultats officiels des élections, Melchior NDADAYE surclassait élégamment ses deux concurrents.

En effet, les résultats furent surprenants, non seulement pour les upronistes et le PRP vaincus, mais même pour le vainqueur et ses alliés, tellement la réalité dépassait la fiction: Melchior NDADAYE avait gagné les premières élections présidentielles de l’histoire du Burundi! Il obtint 64,79 % des suffrages, de loin plus qu’il ne fallait pour éviter l’organisation d’un second tour; le candidat de l’UPRONA, Pierre BUYOYA obtint quant lui 32,47 %; le troisième candidat et représentant du PRP, Pierre-Claver SENDEGEYA, ne dut se contenter que de 1,44 %.

Ainsi donc, par son succès électoral indiscutable au premier tour, le nouveau Président Melchior NDADAYE passait du statut d’homme politique national à celui d’homme d’Etat; il le prouvera tout au long de sa brève carrière présidentielle. Le 10 juillet 1993, le Président élu, fut solennellement investi Président de la République du burundi. Il sera assassiné le 21 octobre 1993, après 102 jours de pouvoir.

Le coup de force, la nuit du 20 au 21 octobre 1993, a emporté la vie du Président Melchior NDADAYE et de ses principaux collaborateurs : Pontien KARIBWAMI, Président de l’Assemblée Nationale; Gilles BIMAZUBUTE, Vive-Président de l’Assemblée Nationale; Juvénal NDAYIKEZA, Ministre de l’Administration du Territoire et du Développement communal; Richard NDIKUMWAMI, administrateur Général de la Documentation nationale.

Il faut ajouter à ce triste palmarès Madame Eusébie NSHIMIRIMANA, l’épouse du ministre des Relations Extérieures, Sylvestre NTIBANTUNGANYA, elle est tuée en lieu et place de son mari, que les putschistes n’ont pas réussi à attraper.

Même un étranger trouva la mort par les mains des militaires : il s’agit d’un prêtre italien, le père Giovanni MASRONI, curé de la paroisse de Gatsinda.

Parmi les autres victimes de ces lâches assassinats, n’oublions pas les dizaines de milliers de citoyens burundais, parmi lesquels de nombreux cadres politiques. Les violences les plus dure des militaires et gendarmes se passèrent, comme nous l’avons souligné ci-dessus, à l’intérieur du pays, et même en partie à Bujumbura dans le quartier de Kamenge. En moins de 2 mois, l’on comptait entre 50.000 (chiffres avancé par la Commission internationale d’enquête des ONG) et 200.000 morts (chiffres avancé par certains rescapés burundais).

Quant aux délégués du haut commissariat aux Réfugiés, ils estimaient à 100.000 le nombre de tués dans les heurts inter-ethniques, sans compter de très nombreux blessés. Quel que soit le chiffre retenu, on se rend compte de la gravité des tueries. Ces violences se soldèrent par l’exil, en moins de trois mois, d’environ 700.000 réfugiés dont environ 280.000 vers la Tanzanie, environ 300.000 vers le Rwanda, environ 120.000 vers le Zaïre.

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Sources: Eléments biographiques extraits du livre « Biographie du Président Melchior NDADAYE – L’Homme et son Destin » de Raphaël NTIBAZONKIZA – Edition Bulgarian Helsinki Committee.