L’extraction foliaire pour lutter contre la malnutrition au Burundi La Marne Agricole, 30 mai 2014

L’extraction foliaire pour lutter contre la malnutrition au Burundi
La Marne Agricole, 30 mai 2014

Des machines contre la malnutrition au Burundi

Charles Joly, fils d’un exploitant agricole de Thillois, a mis ses talents au service d’une association de promotion des extraits foliaires en nutrition (Apef), engagée dans la lutte contre la malnutrition. Une initiative soutenue par la FDSEA de la Marne.

Baroudeur infatigable de 23 ans, Charles Joly baigne dans le monde agricole depuis tout petit. Son père Robert exploite du blé, de l’orge et du maïs entre Bouchy-Saint-Genest et Thillois, mais aussi 4 ha de luzerne. La légumineuse, bien implantée dans la région, joue un rôle crucial dans le dernier projet humanitaire de Charles.

Si le jeune Marnais n’a pas forcément pour ambition de reprendre l’exploitation familiale, de nombreux voyages (pays baltes et scandinaves, Vietnam, Nouvelle-Calédonie, Burundi, etc.) « lui ont ouvert l’esprit sur un monde qui n’est pas équitable pour tous ».

Et Charles, formé comme charpentier pendant six ans auprès des Compagnons du Devoir, a choisi de lutter contre la malnutrition au Burundi à sa façon. La méthode qu’il a sélectionnée fait écho à un procédé bien connu dans la région : l’extraction foliaire de végétaux verts.

Voyages et compagnonnage

Dans le cadre de son engagement auprès de l’Association pour la promotion des extraits foliaires en nutrition (Apef), il a eu l’occasion de construire en novembre deux machines bien utiles : un village du Burundi a ainsi accueilli deux séchoirs solaires. Destinés aux fruits, aux légumes, à la viande, ou encore au poisson, ils sont également très utiles pour conserver le produit de l’extraction foliaire.

« Je ne connaissais rien à ce sujet avant que Bernard Leclercq (NDLR : président de l’Apef) me sollicite, confie Charles. Mais pour ce qui est de construire les séchoirs, je me suis porté volontaire. C’est quelque chose que je sais faire, et qui plus est, c’est utile aux populations locales ».

Sacré challenge pour le bénévole voyageur, qui doit adapter sa formation de charpentier aux moyens dont il dispose sur place. « J’ai dû un peu improviser, comme lors de la mise en place de l’isolation… Je devais me débrouiller pour composer avec l’épaisseur insuffisante des panneaux en contreplaqué, par exemple, ou pour me procurer de la tôle… ».

Si les difficultés de communication avec le Burundi ont empêché Charles de recueillir des avis sur le fonctionnement effectif des séchoirs, le jeune homme ne s’est pas laissé démonter pour autant : « avec tout ce que j’ai appris sur l’extraction foliaire, j’avais à coeur de boucler la boucle en continuant la ligne de fabrication ».

Broyer, presser, chauffer, sécher

Outre les séchoirs construits sur place, Charles voudrait envoyer au Burundi une presse d’une capacité de 20 tonnes de pression et un broyeur à marteaux entraîné par un moteur thermique.

Pour ce dernier, il sera épaulé par un groupe du lycée Saint-Jean-Baptiste de La Salle, composé de Geoffrey Cournil, Florian Tessier (élèves en Jolypremière « étude et définition de produits industriels ») et Hugues Wagner (professeur de construction mécanique). Car la valorisation des extraits foliaires passe par plusieurs étapes de fabrication, aisément transposables à l’échelle villageoise.

En fin de chaîne, on obtient un concentré immédiatement consommable – par exemple, sous forme de sirop -, que l’on peut aussi sécher. À noter que pour gagner en efficacité, on privilégie la collecte de végétaux n’ayant pas atteint leur stade de floraison. Et pour ne rien gâcher, le résidu fibreux restant après pressage peut être réutilisé, notamment dans la nutrition des sols et l’alimentation animale (bovins, chèvres, lapins, moutons, etc.).

Hormis une expérimentation mexicaine aujourd’hui à l’abandon, peu de projets similaires de valorisation des végétaux ont été recensés. Le processus de fabrication et les machines impliquées ont attiré l’attention de plusieurs associations, notamment au Congo, au Pérou et à Madagascar. Voilà une bonne raison pour Charles de « continuer à voyager, pour retrouver l’euphorie ressentie dans ces horizons lointains » !

De l’intérêt des extraits foliaires

Selon Bernard Leclercq, le président marnais de l’Apef, « les extraits foliaires de certains végétaux verts, et particulièrement de légumineuses telles que la luzerne – bien connue en Champagne-Ardenne – sont des compléments nutritionnels exceptionnels puisqu’ils sont très riches en protéines, en vitamines et en sels minéraux comme le fer, le calcium, etc. Ils s’imposent de plus en plus comme une alternative naturelle dans la lutte contre la malnutrition encore beaucoup trop présente dans les pays du Sud puisque deux milliards de personnes sont concernées de façon chronique ou aigüe ».

En ce qui concerne le procédé, M. Leclercq précise que « l’extraction foliaire consiste en l’élimination des fibres de végétaux verts. […] Un procédé de broyage et de pressage permet d’obtenir un jus vert qui, chauffé rapidement ensuite, coagule les protéines et toute la richesse alimentaire de la plante. Il ne reste plus alors qu’à écumer ce « caillé », et c’est cette pâte verte que l’on sèche pour obtenir l’extrait foliaire en poudre : 5 à 10 grammes par jour et par personne suffisent pour apporter la complémentation nutritionnelle indispensable ».

Cette méthode est développée à l’échelle industrielle en Champagne-Ardenne : à Aulnay-aux-Planches (Marne) et à Pauvres (Ardennes). La consommation des extraits foliaires de luzerne a été autorisée dans les pays de l’Union européenne le 13 octobre 2009.

Guillaume Perrin

Appel aux dons

Charles Joly aurait à coeur de réaliser de nouvelles ligne d’extraction foliaire (broyeur, presse, séchoir). Ne pouvant assumer seul le coût de ce projet, le jeune Marnais lance un appel au mécénat. Il est possible de le soutenir par des dons de matériel (ferraille, tubes, ressorts, tôle, etc.) et une aide pécuniaire. En récoltant 2 000 euros, il est possible de financer une ligne d’extraction foliaire dans son intégralité, ce qui bénéficierait directement à l’alimentation de 2 000 Burundais.

Contact : charles_joly51@hotmail.com – 06 40 94 14 73.