C’est par une messe à la Cathédrale Régina Mundi de Bujumbura, en l’honneur de feu président Cyprien Ntaryamira que les cérémonies du 30ème anniversaire de son assassinat ont débuté. Et ce, en présences des hautes autorités du pays à commencer par le couple présidentiel, son vice-président, le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat, le 1er ministre, etc.
Les deux anciens chefs d’Etats et leurs épouses, l’épouse du feu président Melchior Ndadaye, celle de feu président Ntaryamira, étaient présentes de même que des membres du gouvernement, des hauts gradés de l’armée et de la police.
C’est vers 9 heures que la messe a commencé sous l’égide de Mgr Gervais Banshimiyubusa, de l’Archidiocèse catholique de Bujumbura. Dans son homélie, le prélat a souligné que la mission de faire du bien dans ce monde n’a jamais été une mission facile.
« On a parfois l’impression que le mal s’invite toujours devant pour contrecarrer l’avancée du bien. Ce qui rappelle l’histoire du blé et de l’ivraie. Dans ce texte des Actes des Apôtres, Pierre et Jean viennent de faire un miracle au nom de Jésus, guérissant un homme infirme. Ce qui est bien. On s’attendait à ce qu’ils soient félicités, encouragés. Mais hélas, non. Il y a des gens, devant ce bien qui ont ricané, n’ayant à cœur qu’un souci : celui de faire en sorte que ce bien ne continue pas à être fait ».
D’après lui, ’’il est important de noter ici cette réaction négative de ces gens pour qu’elle nous interpelle dans certaines de nos attitudes, de nos politiques où nous faisons tout pour museler les autres et empêcher les autres de faire du bien’’.
Mgr Banshimiyubusa a signalé que les mécanismes du pouvoir d’exclure les autres de la compétition sont toujours les mêmes depuis la nuit des temps. « Recourir à la tactique de museler les autres, de leur denier la liberté d’expression et d’action, de les emprisonner d’une façon ou d’une autre, en leur déniant la possibilité de s’exprimer et d’agir ».
En haussant le ton, il a demandé à l’assemblée présente : « Mais, posons-nous la question : une telle stratégie est-elle rentable pour le peuple et la Nation ? Ou c’est seulement pour satisfaire des intérêts égoïstes ? »
Avec ces questionnements, il a souligné que cela rappelle le moment où le président Cyprien Ntaryamira s’est vu confié la responsabilité suprême de la gouvernance de ce pays : « On n’en était là. On était dans une confusion totale, dans une crise d’autorité consécutive effectivement à ce qu’il y avait des gens qui n’avaient pas accepté qu’il y ait des mutations politiques ».
Selon lui, « il y a des gens dans notre sous-région des Grands Lacs et même dans ce pays qui avaient fini par penser qu’ils étaient nés pour régner, dominer sur les autres jusqu’à la fin des temps et qui, par conséquent, faisaient tout pour barrer la route à tous les autres en ce qui concerne l’accès au pouvoir et à l’avoir que ce pouvoir procure ».
Des comportements qui existent même aujourd’hui, déplore Mgr Banshimiyubusa, Archevêque de Bujumbura. « La tendance à verrouiller l’espace politique pour qu’il soit monopolisé par un seul groupe, la tendance à avoir un système d’une justice qui n’inspire pas confiance à tout le monde à cause de l’ingérence de certains, la tendance à museler ceux-là qui osent avancer une réflexion critique pour ne rappeler que cela, ne sont-ils pas des réflexes dangereux qui sont en train de s’inviter dans notre système de gouvernance ? »
D’après ce prélat, « s’il n’y a pas de sursaut national, ne risquons-nous pas de nous retrouver dans cette situation d’exclusion révoltante qui prévalait au temps du président Cyprien Ntaryamira ? »
Et la lumière sur l’affaire ?
Après cette messe, les cérémonies se sont poursuivies au Monument des Martyrs de la Démocratie. Des gerbes de fleurs ont été déposées sur la tombe de feu Cyprien Ntaryamira, et les deux ministres Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi, qui étaient avec lui dans l’avion du président Juvénal Habyarimana abattu au moment où il entamait sa descente vers l’aéroport de Kanombe à Kigali.
Répondant aux questions des journalistes, Jérôme Niyonzima, secrétaire et porte-parole du gouvernement a déploré le fait que 30 ans après, la lumière sur ce dossier n’est pas encore là.
Il a déploré d’abord que les enquêtes qui avaient été entamées au Rwanda n’aient pas abouti. « Maintenant ce que nous pouvons faire c’est qu’à travers la Communauté est- africaine, au niveau de cette famille-là, qu’on puisse entamer des pourparlers, des échanges, avec les autres pays avec qui nous partageons la famille pour qu’on puisse voir comment est-ce qu’on peut demander la relance des enquêtes indépendantes qui puissent dévoiler les circonstances de la mort feu président Cyprien Ntaryamira », a-t-il annoncé.
Il espère que d’ici peu, ces enquêtes pourront être relancées : « Car, le gouvernement est préoccupé par cette affaire. Il comprend. Ce n’était pas évident que le gouvernement d’alors comprenait les circonstances ».
Pour rappel, Feu Cyprien Ntaryamira avait été investi président de la République, le 5 février 1994.
Par Rénovat Ndabashinze (Iwacu)