Comme dans un conte de fées, les ex-rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), qui ont trouvé refuge au Rwanda et en Ouganda lors de leur déroute en novembre 2013, se sont volatilisés dans la nature. Cette évasion aux contours flous donne raison à la France qui avait sonné le tocsin sur une éventuelle réorganisation de ce mouvement rebelle.
Après avoir subi en novembre 2013 une cuisante défaite face à la grande offensive menée par les Forces armées de la RDC, les ex-rebelles du M23 n’avaient d’autre issue que l’exil. C’est avec armes et munitions qu’ils ont traversé la frontière en direction du Rwanda et de l’Ouganda.
Selon les dernières statistiques – du reste confirmées par les Nations unies – l’Ouganda en avait reçu plus d’un millier, alors que 600 d’entre eux avaient choisi de se replier au Rwanda.
Le M23 ayant été vaincu, le chemin état donc dégagé pour un retour effectif de la paix dans la partie Est de la RDC. C’est dans cette dynamique que s’est inscrite d’ailleurs la signature à Nairobi d’une déclaration bouclant les pourparlers engagés une année plus tôt entre Kinshasa et l’ex-mouvement rebelle.
Preuve de l’engagement, particulièrement de Kinshasa, à œuvrer pour une stabilité durable dans la région des Grands Lacs, une bonne partie des ex-militaires et cadres politiques de cette force négative ont bénéficié de la loi d’amnistie. L’on était donc parti pour un processus de paix irréversible.
Voilà que, récemment, les Nations unies viennent d’exprimer leurs inquiétudes sur la situation prévalant dans les camps qui ont accueilli les fugitifs de l’ex-M23 aussi bien en Ouganda qu’au Rwanda. C’est ce qui ressort du rapport à mi-parcours du groupe d’experts de l’Onu sur la RDC.
Portés disparus
Dans ce rapport datant de juin 2014, les experts des Nations unies constatent que, « depuis le dernier rapport du groupe précédent, peu d’avancées ont été enregistrées s’agissant de la situation des ex-combattants et combattants et responsables politiques du Mouvement 23 mars (M23) se trouvant au Rwanda et en Ouganda ». « Plusieurs problèmes, poursuivent-ils, sont apparus, dont les suivants : des membres du M23 se sont évadés de camps situés au Rwanda ; le nombre de membres du M23 et les preuves de la réorganisation du mouvement en Ouganda ont augmenté ; les listes des membres du M23 se trouvant en Ouganda ne comptaient aucun officier important ».
Des membres du M23 qui se volatilisent dans la nature, cela ne peut pas être considéré comme un fait anodin. Car, pour le seul Ouganda, il s’agit de plus de 1 000 hommes armés, contre environ 600 pour le Rwanda. Qu’un nombre aussi important d’hommes armés disparaisse sans qu’on identifie clairement leur destination, il y a de quoi se poser des questions.
Tout récemment, la France a, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, exprimé ses inquiétudes sur cette situation. Devant l’organe de décision des Nations unies, Alexis Lamek, représentant permanent adjoint de la France à l’ONU, avait averti que la démobilisation des combattants du M23 était incomplète et que la perspective de leur réorganisation militaire [restait] une menace importante.
« Nous appelons d’un côté la République démocratique du Congo à redoubler d’efforts dans l’opérationnalisation du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion et de l’autre l’Ouganda et le Rwanda à coopérer de manière à ce qu’un terme définitif soit mis aux activités de ce groupe », avait alors lancé le diplomate français.
Le Conseil de sécurité se dévoile
C’est plus tard, soit le mardi 26 août 2014, que le Conseil de sécurité s’est subtilement et dans des termes incongrus rappelé de l’alerte lancée par la France. Sans faire allusion aux faits dénoncés par son groupe d’experts sur la RDC, le Conseil de sécurité n’a trouvé mieux que d’inviter Kinshasa à « accélérer le processus de retour en RDC » des ex-rebelles du M23 afin que le programme de leur réintégration « soit achevé dans les délais impartis ».
À cet égard, les membres du Conseil de sécurité ont juste « encouragé les parties à hâter la mise en œuvre du communiqué final du dialogue de Kampala et des déclarations de Nairobi en vue d’une démobilisation permanente du M23 ».
Mais, comment Kinshasa devrait-il garantir la « démobilisation permanente » des réfugiés dont il n’a plus la maîtrise, parce qu’absents de leurs camps de refuge ? Une question à laquelle le Conseil de sécurité des Nations unies n’a nullement fait allusion, comme s’il ignorait superbement les faits contenus dans le rapport à mi-parcours de son groupe d’experts sur la RDC.
« Qui se sent morveux qu’il se mouche », dit-on. Le Conseil de sécurité n’échappe pas à ce dicton. Comme s’il pressentait un regain de violence dans la région des Grands Lacs, le Conseil de sécurité s’est dédouané en rappelant que « c’est au gouvernement congolais qu’il incombe au premier chef d’assurer la sécurité, la protection des civils, la réconciliation nationale, la consolidation de la paix et le développement du pays ».
L’organe de décision des Nations unies oublie qu’il a déployé dans la même région une Brigade spéciale d’intervention des Nations unies pour accélérer le processus de paix. Sans compter, la forte concentration des troupes de la Monusco qui se sont pratiquement délocalisés vers l’Est de la RDC pour contenir toutes les poches de résistance.
Devant toutes ces évidences, l’on ne sait donc plus à quel jeu joue exactement le Conseil de sécurité des Nations unies. Ne serait-ce pas la preuve de graves dissensions qui le rongent concernant le schéma à mettre en œuvre pour le cas spécifique de la RDC. Ne sachant concilier les points de vue divergents de ses membres, le Conseil de sécurité accumule des erreurs qui compliquent l’équation de paix dans la région.
La disparition simultanée au Rwanda et en Ouganda n’augure pas de bonnes perspectives pour une paix durable dans l’Est de la RDC.