Le politologue constate que la réunification par des individus interposés ne sert pas la démocratie. Selon lui, elle l’affaiblit plutôt.
Quelle analyse faites-vous par rapport à la polémique autour de la réunification des héritiers de Ndadaye ?
C’est un problème entre individus et non idéologique. Domitien Ndayizeye et Léonce Ngendakumana rivalisent leurs égo au détriment de leur parti Sahwanya Frodebu. Des intérêts personnels ou de groupe priment sur ceux du parti alors que ce dernier avait des atouts de se renforcer, une fois réunifié.
Quand vous parlez d’intérêts, à quoi faites-vous allusion ?
Au positionnement politique. La réunification signifie la redistribution des cartes à l’intérieur du parti qui va naître. Pour dire qu’après la formation d’un autre parti, les militants vont se partager les différents postes de responsabilité. Cela ne devrait pas constituer un problème.
L’important, c’est de savoir qui placer à tel poste en fonction de ses compétences et en fonction des futures élections. Il faut caser quelqu’un capable de mobiliser l’électorat afin d’équilibrer le système politique burundais.
Comment jugez-vous le cours de cette réunification ?
En principe, elle devrait être pilotée par des structures politiques. Dans le système de fonctionnement de la démocratie au Burundi, il faut retenir deux logiques : la logique de situation et celle de nécessité. La logique de situation suppose le comportement des acteurs. Cette réunification répond donc à cette première logique dans la mesure où les acteurs, notamment le président Ndayizeye, sont dans la logique de se positionner d’une manière stratégique. Sous d’autres cieux, la démocratie est basée sur des principes et des valeurs reconnus universellement. Au Burundi, la démocratie est un bricolage politique. La réunification par des individus interposés ne sert pas la démocratie, elle l’affaiblit plutôt.
Et quelle est l’influence de ces deux personnalités sur l’électorat burundais ?
A travers les fonctions qu’ils ont occupées en tant que président de la République et président de l’Assemblée nationale, M. Ndayizeye et Dr Minani ont tissé des relations et détiennent des ressources symboliques. En outre, à tort ou à raison, ils sont considérés dans l’opinion publique comme étant les ténors de l’idéologie de Ndadaye pour la faire revivre. A partir du moment où ils se mettent ensemble, les membres des deux partis peuvent les suivre d’autant plus qu’ils ont une visibilité sur l’échiquier politique, comme en témoignent les déclarations du Dr Jean Minani lors, d’une descente sur terrain. La logique de la nécessité va alors embrayer sur celle des intérêts des acteurs. Ainsi, des gens peuvent suivre le tandem Ndayizeye-Minani pour former un parti qui pourrait se positionner et contrecarrer la toute puissance du parti Cndd-Fdd.
Qui profite de cette situation ?
D’une part, il y a l’acteur dominant aujourd’hui, le parti au pouvoir. D’autre part, ce sont ceux qui vont imposer la logique de réunification à l’intérieur, notamment le duo Minani et Ndayizeye.
Quelles peuvent être les conséquences ?
L’échec de l’intégration du Sahwanya Frodebu présidé par Léonce Ngendakumana se répercute sur la coalition ADC-Ikibiri en particulier. L’ADC s’affaiblit suite à cette situation au sein du parti qui la pilote. Il y a alors un sérieux problème quant à la construction de l’idéologie à enseigner aux militants, un problème de la collecte des fonds ainsi que le choix des personnes à mettre en avant.Quant à l’opposition politique burundaise, elle se divise de plus en plus, ce qui la fragilise.
Avez-vous des propositions comme voie de sortie ?
Dépasser ces égo serait une voie sûre pour créer un parti concurrentiel au parti au pouvoir. La réunification, c’est le seul moyen dont dispose le parti Sahwanya Frodebu pour se renforcer politiquement sur l’échiquier national.