A l’issue de sa première visite officielle au Burundi, l’expert en justice transitionnelle des Nations Unies, Pablo de Greiff, a estimé mardi que la promesse de vérité et justice reste toujours à réaliser dans ce pays quatorze ans après l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation.
« Le Burundi a déjà atteint un certain degré de stabilité qui peut servir de fondement pour le futur développement du pays, mais ces progrès peuvent facilement être mis en danger », a dit le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non répétition.
« Le développement n’est pas seulement une question de croissance économique ; en effet la justice et les droits de l’homme en constituent le noyau ».
Pour que le développement soit durable, M. de Greiff a souligné la nécessité de traiter les revendications en matière de vérité, justice, réparation et non-répétition, tout en reconnaissant les progrès déjà réalisés par le pays. Depuis son indépendance en 1962, le Burundi a connu des violences graves et des atteintes massives aux droits de l’homme, souvent à caractère ethnique.
« Il y a un grand risque que la Commission Vérité et Réconciliation se concentre sur le pardon et qu’elle se détourne ainsi de sa fonction principale qu’est la recherche de la vérité », a-t-il souligné. « La réconciliation au niveau social exige avant tout l’établissement des faits en vue de dévoiler la vérité ».
« Pour que la Commission soit crédible, il sera impératif d’impliquer la société civile d’une façon effective et d’assurer l’ouverture et l’accessibilité de la Commission aux victimes, indépendamment de leur identité et affiliation politique », a dit l’expert des Nations Unies.
M. de Greiff a toutefois ajouté que la justice transitionnelle ne peut pas être réduite seulement à une Commission Vérité et Réconciliation : « Une attention immédiate devrait être portée aux programmes d’assistance aux victimes, ciblant les veuves âgées ou handicapées, les orphelins, les déplacés internes et d’autres groupes marginalisés. Leurs besoins ne peuvent pas attendre que la Commission finisse son travail ».
Concernant les garanties de non-répétition, l’expert indépendant a salué les progrès en matière de démobilisation des anciens combattants et l’intégration d’un grand nombre d’entre eux dans l’armée et les forces de police. « Davantage d’initiatives sont nécessaires pour poursuivre la professionnalisation des forces de défense et de sécurité ainsi que le service national de renseignement, pour renforcer l’autonomie et leur contrôle par l’autorité civile et pour écarter de leurs fonctions ceux qui ont des antécédents de violations des droits humains », a-t-il indiqué.
Tout en rappelant les résultats récents des ‘Etats Généraux’, le Rapporteur spécial a souligné la nécessité de reprendre le travail sur les amendements constitutionnels et législatifs afin de réduire la possibilité d’ingérence du pouvoir exécutif dans l’administration de la justice, et de renforcer ainsi l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire.
« L’existence de récits parallèles sur l’histoire récente du Burundi, en particulier sur les nombreuses périodes de violence, reste un grand obstacle pour la prévention de nouvelles violations », a-t-il averti. « L’enseignement de l’histoire fondé sur des faits établis doit être une priorité ».