Au Burundi, le cycle d’élimination de masse commence avec le pogrom de 1965 mais c’est le 18 septembre 1969, que Michel MICOMBERO, conseillé par Simbananiye et Mpozagara, fit procéder à des arrestations de certains officiers de l’armée pour débuter sa purification ainsi que des civils et religieux Hutu. Pendant cette période les moyens de torture appliqués aux détenus furent multiples et variés, relevant de l’imagination diabolique la plus prodigieuse. Les témoins affirment qu’à côté de cela les nazis n’avaient aucune imagination !
L’histoire nationale n’a pas encore mesuré la gravité de l’hécatombe de 1972. Les familles brisées, décimées ou meurtries attendent encore de connaitre la seule vérité qui s’impose en la matière. On reste confondu et scandalisé par l’indifférence de cette société civile burundaise qui jusque maintenant est seulement zélée quand il s’agit d’embêter le gouvernement mais qui, sommes toutes, quand il s’agit des crimes d’ampleur nationale commis par les dignitaires des anciens régimes et touchant les simples citoyens dont les plaies, à ce jour, sont encore ouvertes, se désintéresse complètement à se demander quels droits de l’homme elle défend, jusqu’à passer outre le génocide d’avril 1972.
La convention de l’ONU sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité condamne ces crimes, même lorsque ces actes ne constituent pas une violation du droit interne des Etats où ils sont commis. Les familles attendent la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation assortie d’une juridiction internationale. Quarante-trois ans plus tard ? Est-ce au moins le bout du tunnel ? Encore une fois, la communauté internationale est interpellée.
Dans l’article publié dans « Le Monde » écrit par Stéphane Remael il disait ceci à propos des enfants de tueurs : ce qu’ils savent vraiment reste un mystère. Peut-être tout, en réalité. Il est, en tout cas, plus pratique pour eux d’afficher leur ignorance. C’est compliqué d’avoir un papa tueur. Les enfants sont obligés de nier pour survivre. Ils ont été surpris que je prête attention à leur histoire, à leur vécu. Ils ne pensaient pas que leur avis puisse avoir un quelconque intérêt, encore moins la parole d’enfants de tueurs. On ne les interroge pas là-dessus. Au mieux, on fait comme si on ne savait pas, qu’on ne leur en voulait pas. C’est un lieu commun depuis Hannah Arendt : oui, on peut être un bon père et un tueur de masse. Pour moi, ce livre porte davantage sur les parents que sur le génocide. Qu’est-ce que c’est qu’un papa ou une maman dans une situation extrême, qui dénude tout ? Les enfants de tueurs disent tous qu’ils ne peuvent ni critiquer leur père ni ne pas l’aimer. Il leur a fait le don le plus précieux : la vie. (Jean Hatzfeld, en 2015. Stéphane Remael pour « Le Monde ».)
Aujourd’hui face à de plus en plus d’indifférence à ces actes de barbarie, la justice internationale quant à elle doit pouvoir apporter sa contribution. Il ne faut pas s’y méprendre, les Burundais savent, mesurent à juste titre le poids de l’injustice et n’oublient rien de tout cela. Quarante-trois ans plus tard, nous attirons toujours l’attention sur les suppliciés de 1972. Quarante-trois ans d’attente ; Quarante-trois ans de déni de justice. Malgré le foisonnement d’associations de la société civile qui œuvrent au Burundi, la violation de la dignité humaine semble ne causer point d’insomnie aux criminels. Il faudrait au moins que Simbananiye et Mpozagara nous disent tout au moins ce qu’ils savent, qu’ils osent cracher le morceau à défaut d’assumer la gouvernance qui était la leur.
Ruvyogo Michel