La peur dans la diaspora burundaise, face aux ombres du passé
Belgique, Canada , 21 octobre 2023. Dans la douce mélancolie de l’exil, un événement inquiétant a pris forme. Ce 21 octobre 2023, la diaspora burundaise [1] a ressenti la tension monter alors qu’AC Génocide au Canada et Mémoire Vigilante en Belgique se sont rassemblés pour commémorer les trente années écoulées depuis ce qu’ils appellent le « Génocide contre les Tutsi ». Pendant ce temps, au Burundi, le pays organisait la cérémonie pour honorer la mémoire de Ndadaye Melchior, l’ancêtre bienheureux et symbole de la démocratie burundaise, assassiné il y a trois décennies.
Dans ces moments de commémoration, de sombres nuages planent au-dessus de la diaspora burundaise. Les génocidaires et leurs descendants vivant à l’étranger craignent le spectre de la justice. Ils redoutent que les autorités burundaises n’émettent des mandats d’arrêt internationaux à leur encontre grâce à l’appareil judiciaire du pays et la Commission Vérité Réconciliation (CVR). En cas de poursuites, ils ont une ruse bien rodée : évoquer le « Génocide contre les Tutsi », rappelant ainsi le triste événement qui a marqué le Rwanda en 1994. Cette manœuvre pourrait servir d’argument à leurs futurs avocats si de tels mandats étaient émis.
AC Génocide au Canada et Mémoire Vigilante en Belgique sont des organisations composées de descendants des néocolons burundais, ceux qui ont quitté le Burundi pour trouver refuge en Occident, soit au cours de la Guerre Civile burundaise qui a sévi de 1993 à 2003, soit à partir de 2015 après l’échec de leur coup d’État militaire. Ces héritiers des néocolons burundais regrettent l’effondrement du régime de dictature militaire qui a prévalu au Burundi de 1966 à 2003. Cette période avait porté leurs ancêtres au sommet du pouvoir burundais en effaçant Ingoma y’Uburundi, l’État traditionnel des Barundi en 1966, au profit des intérêts des États-Unis, du Vatican, de la France [2] et de la Belgique, l’ancienne puissance colonisatrice.
L’histoire du Burundi est marquée par des tragédies sanglantes. Entre 1959 et 1972-73, un génocide régicide a ensanglanté le pays, dont le « Génocide contre les (aba)hutu burundais », visant à éliminer l' »ubumu« [3] et à instaurer une économie de marché. Ce génocide fut réalisé par les néocolons burundais, dont Ntiruhwama, Shibura, Micombero, Simbananiye, etc. et planifié par les États-Unis, le Vatican, la France et la Belgique.
En 1988, à Ntega et Marangara, un autre génocide fut perpétré par un acteur néocolon burundais, Buyoya, avec la complicité de la France. Entre 1993 et 2003, le Burundi fut plongé dans un autre génocide, réalisé par des acteurs néocolons burundais tels que Buyoya, Bagaza, Bikomagu, etc. Cette période sombre fut marquée par l’assassinat de deux présidents et de centaines de milliers de citoyens, la création de camps de concentration où plus d’un tiers de la population fut interné, et le départ en exil de plus d’un million de citoyens. Ce dernier génocide était planifié par la GUAN [4], la « Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale ».
Ainsi, la peur règne parmi la diaspora burundaise, en particulier parmi les descendants des néocolons et ceux qui ont des liens avec les néocolons. Dans leur exil, ils observent attentivement les événements qui se déroulent dans leur pays d’origine, espérant que les ombres du passé ne se tournent pas vers eux.
En plein cœur de l’Afrique, Ingoma y’Uburundi, l’ État ancestral millénaire des Barundi, berceau de l’Ubungoma, de l’Ubuntu, symbolisait la tradition et la sagesse. En 1966, après une longue colonisation de plus de quarante ans, cet héritage fut dévasté par une alliance impitoyable : les États-Unis, le Vatican, la France et la Belgique. Ingoma y’Uburundi, rebaptisé République du Burundi, connut une ère sombre, plongé dans les griffes d’une dictature militaire jusqu’en 2003. Puis, de 2005 à 2023, une lueur de démocratie éclaira le pays. Pour mieux cerner les enjeux géopolitiques qui ont secoué le Burundi, il faut revenir à la période de 1989 à 2022, où la GUAN régna en maître du monde. Face à cette suprématie, la France coloniale chercha à propager la démocratie en Afrique à partir de 1990, mais finit par renoncer en 1998, avec les accords de Saint-Malo, abandonnant simultanément son influence sur le continent africain, désormais sous le contrôle de la GUAN.
[1] Burundi : La diaspora, son histoire et sa composante sociologique – https://burundi-agnews.org/diaspora/burundi-la-diaspora-son-histoire-et-sa-composante-sociologique/
[2] Entre 1965 et 1966, les jeunes officiers burundais de Saint Cyr ( Shibura, Sota, Riga, … ) formés en France , appelés aussi le réseau burundais de « Foccart », entraient en scène pour donner un coup d’arrêt à l’Etat traditionnel des Barundi –Ingoma y’Uburundi-. A partir du Coup d’Etat militaire de 1966 jusqu’en 1993, sous la période de la dictature militaire burundaise, la France règnera en maître au Burundi notamment sur la politique de défense des Barundi. Les acteurs burundais du régime de cette période sont les « néocolons burundais » car ils agiront au Burundi pour défendre les intérêts des anciens colons ( Belgique, France, USA, Vatican ) et non ceux des Barundi.
[3] l’Ubumu est le système socio-économique traditionnel des Barundi. Un système à 4 niveaux : les producteurs hutu, les gestionnaires justes Tutsi, les savants planificateurs-régulateurs-legislateurs Banyamabanga, et le Chef Mwami.
[4] Le Burundi face à la GUAN – Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale – https://burundi-agnews.org/diplomatie/le-burundi-face-a-la-guan-globalisation-unipolaire-americaine-neoliberale/
Source : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Lundi 23 octobre 2023 | Photo : AC Génocide au Canada et Mémoire Vigilante en Belgique