La Police récolte les dividendes de la remise en liberté d’un responsable d’une radio privée au Burundi

Bujumbura, Burundi – Les professionnels des médias, qui vilipendaient hier encore les corps de défense et de sécurité pour leurs « méthodes musclées », ont évalué positivement, dimanche, lors d’une émission spéciale, en saluant la Police nationale pour sa gestion sans bavure des manifestations populaires spontanées inédites de joie pour le retour, jeudi, à la liberté du directeur de la Radio publique africaine (Rpa, indépendante), Bob Rugurika, au bout de trois semaines de détention préventive suite à une série de reportages sur les présumés commanditaires de l’assassinat de trois missionnaires italiennes, en septembre 2014, dans un couvent de Bujumbura.

Le patron de la Rpa, lui-même, n’avait pas tari d’éloges en direction de la Police pénitentiaire pour le bon traitement à son égard à sa sortie de prison.

C’est en même temps la mise en cause de certains hauts gradés de la Police nationale et des services spéciaux du renseignement dans l’assassinat des trois sœurs italiennes qui faisait craindre dans l’opinion, une solidarité négative des hommes en uniforme dans la gestion de la sécurité de Bob Rugurika, inculpé de lourdes charges de « complicité d’assassinat, manquement à la solidarité publique et recel d’un criminel » au motif que ses investigations étaient bonnes à fournir à la justice au moment de l’instruction du dossier et non à la rue.

S’agissant toujours de la Police nationale, qui n’avait pas jusque-là bonne presse, de mémoire d’observateurs attentifs aux questions de sécurité publique, les agents de l’ordre n’avaient eu affaire à autant de foules en liesse et débordantes, d’abord dans l’attente de la sortie de Bob Rugurika de la Maison d’arrêt de Muramya, dans le centre du pays, ensuite jusque dans les rues de Bujumbura, la capitale.

Déjà, lors de précédentes manifestations pacifiques, des professionnels des médias contre l’incarcération du patron de la Rpa, la Police se faisait « discrète », quand elle n’était pas délibérément « absente » des rues de Bujumbura, s’est souvenu, avec la même note de satisfaction, Alexandre Niyungeko, le président de l’Union burundaise des journalistes.

Pour le président de l’Observatoire de la presse au Burundi (Obp) et patron de l’une des télévisions privées de la place, Innocent Muhozi: « c’est cette attitude pacifique qu’on attendait depuis longtemps d’une Police qui se veut républicaine et démocratique ».

Un ancien directeur de Rema FM, une radio réputée proche du parti au pouvoir, passé en politique, Jérôme Nzokirantevye, a également tiré un « coup de chapeau » aux manifestants et à la Police nationale, qui se sont séparés sans casse.

L’actuel porte-parole du Sénat burundais a encore trouvé que c’est également un « grand pas en avant » en termes de respect des libertés publiques et de la consolidation de la jeune démocratie au Burundi.

Un délégué du groupe de presse indépendant « Iwacu » à l’émission spéciale sur le rôle des forces de l’ordre dans le maintien de l’ordre et la sécurité publics de ce dimanche, Edouard Madirisha, de son côté, a trouvé que l’emprisonnement « irréfléchi » de Bob Rugurika en a fait un « héros ».

Et pour cause, des femmes ont déroulé des pagnes sous les pneus du véhicule qui ramenait le « héros » à la maison, le jour de sa libération, ce qui a fait dire au concerné qu’il était envahi d’émotions et qu’il le rendra à ses soutiens divers par la poursuite du combat pour la justice des « Sans voix » et des investigations pour que la vérité éclate au grand jour sur les véritables exécutants et commanditaires des sœurs italiennes.

Le directeur de la Rpa a cependant encore la tâche difficile après avoir bénéficié d’une libération conditionnelle moyennant une caution de 15 millions de francs burundais (un peu plus de 9.800 dollars américains).

M. Rugurika doit encore se présenter devant le magistrat instructeur, les premiers lundis du mois et cela jusqu’à la clôture complète de son dossier.

L’interdiction de sortie du territoire nationale pèse également sur le journaliste d’investigation le plus connu dans le pays.