Les juges d’instruction chargés de l’enquête sur l’attentat qui a coûté la vie au président rwandais Juvénal Habyarimana et son homologue du Burundi Cyprien Ntaryamira, le 6 avril 1994, ont rendu une ordonnance de non-lieu, a-t-on appris mercredi de source judiciaire.
L’avocat de parties civiles rwandaises, dont la veuve du président, Agathe Habyarimana, a annoncé à Reuters qu’il avait fait appel de cette décision mercredi.
La décision de non-lieu – conforme au réquisitoire du parquet de Paris qui s’était prononcé dans le même sens mi-octobre – a été rendue le 21 décembre par les juges d’instruction Nathalie Poux et Jean-Marc Herbaut, aujourd’hui chargés de cette enquête ouverte en 1998.
Le parquet a estimé que l’enquête n’avait pas révélé de “charges suffisantes” pour justifier de renvoyer devant un tribunal les huit personnes mises en examen dans ce dossier, la plupart proches de l’actuel président rwandais, Paul Kagamé.
“Contrairement à ce qu’estime l’ordonnance, les parties civiles considèrent que les charges recueillies pendant toutes ces années sont suffisamment graves pour envisager un procès devant la cour d’assises”, a répondu Me Philippe Meilhac.
L’attentat est considéré comme l’élément déclencheur du génocide qui a coûté à l’époque la vie à 800.000 personnes dans ce pays de l’Afrique des Grands Lacs. Ce dossier empoisonne les relations entre Paris et Kigali depuis plus de deux décennies.
L’enquête française avait été ouverte en 1998 à la suite d’une plainte des familles de victimes françaises de l’attentat, les membres de l’équipage de l’avion abattu.
L’avocat de la famille d’un des membres français de l’équipage, Me Emmanuel Bidanda, a confié à Reuters qu’il envisageait aussi de faire appel.
L’avion présidentiel rwandais, dans lequel avaient notamment pris place Juvénal Habyarimana et son homologue du Burundi Cyprien Ntaryamira, a été abattu au-dessus de l’aéroport de Kigali par un tir de missile.
Or, des experts ont estimé que les deux missiles avaient pu être tirés des environs d’un camp militaire où stationnaient des forces régulières du régime rwandais, ce qui pourrait accréditer la thèse d’une opération menée ou commanditée par des extrémistes hutus plutôt que par le Front patriotique rwandais, à dominante tutsie et opposé au régime, thèse initialement privilégiée, notamment par les Hutus.
Ce point n’est cependant pas mis en avant par l’ordonnance de non-lieu, a précisé Me Meilhac, selon qui les juges d’instruction considèrent qu’il n’y a pas d’éléments matériels significatifs et se focalisent sur les témoignages qu’ils n’estiment pas suffisamment concordants et vérifiables.
“Il faut bien prendre en considération le contexte tout à fait singulier dans lequel les témoignages ont été portés à la connaissance de la justice française, ce que l’ordonnance ne fait pas”, a regretté l’avocat.
@rib News, 26/12/2018 – Source Reuters