C’était le 18 avril dernier. L’agence de propagande du groupe terroriste Etat islamique (Amaq) postait en ligne deux messages qui retenaient l’attention des médias internationaux. Selon les textes publiés “des combattants de l’Etat islamique” ont participé, deux jours plus tôt, à l’attaque d’une caserne militaire dans le village de Bovata, à proximité de Kamango, une localité du nord-est de la République démocratique du Congo, dans la province du Nord-Kivu. Cette revendication évoque un bilan : 3 soldats congolais tués, 5 autres blessés. C’est la première fois que le groupe terroriste Etat islamique revendique sa participation active à une attaque sur le sol de la République démocratique du Congo. Un positionnement qui pose questions.
L’ONU a rapidement réagit. “Nous prenons au sérieux ce genre de déclarations”, a commenté Leila Zerrougui, la responsable de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco). Des sources onusiennes et congolaises ont confirmé à des médias africains qu’une attaque avait bien eu lieu le 16 avril dans cette caserne militaire: 2 militaires et un civil auraient été tués selon le bilan publié par les médias locaux.
Une région sensible où les rebelles de l’ADF sont très actifs
La République démocratique du Congo devient-elle une cible du groupe terroriste Etat islamique ? La réponse doit-être nuancée. L’attaque a eu lieu dans une région particulièrement sensible, à la frontière avec l’Ouganda, où les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (connus sous le nom de ADF pour “Allied democratic forces”) sont très actifs. Ce groupe est accusé d’avoir tué plus d’un millier de civils depuis octobre 2014. On leur attribue aussi la mort de quinze casques bleus tanzaniens en 2017.
Jason Staerns, Directeur du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New-York et ancien expert de l’ONU, explique au micro de TV5Monde qu’il y existe bien “des liens entre l’Etat islamique et cette rébellion ougandaise islamiste qui s’appelle ADF. Mais le fait que des liens existent ne veut pas dire nécessairement que l’Etat islamique contrôle les ADF d’une façon opérationnelle”. Dans un rapport publié en novembre 2018, le GEC expliquait que les ADF tentait effectivement de rallier “d’autres groupes djihadistes”.
Le major Mak Hazukay, porte-parole des forces armées congolaises au Grand Nord de la province du Nord-Kivu a lui affirmé à l’AFP que cette revendication de l’EI “n’est pas une nouveauté” car cela fait plusieurs années que cette région fait face à une menace terroriste.
Une réponse au président Tshisekedi?
Début du mois, lors de sa visite aux Etats-Unis, le nouveau président de la RDC, Félix Tshisekedi, a demandé que ce groupe ADF soit officiellement reconnu par l’ONU comme une organisation terroriste. “La menace islamiste est évidemment une préoccupation permanente pour nous a-t-il expliqué lors d’une conférence organisée par le cercle de réflexion Council on Foreign Relations à Washington. Je souhaite que mon pays soit un membre de la coalition de lutte contre le terrorisme. Si nous y arrivons, nous pourrons éradiquer ce fléau”.
Selon Thierry Vircoulon, chercheur associé au centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (IFRI), interrogé par TV5Monde, cette revendication du groupe terroriste Etat islamique serait “opportuniste”. “Daech réagit à l’intervention du président congolais Felix Tshisekedi, affirmant dernièrement son soutien aux Etats-unis contre le groupe Etat islamique. C’est une forme de réponse politique de Daech à Tshisekedi”.
RTBF avec Agences