Monsieur le Président, comme c’est la première fois que je prends la parole sous votre présidence, je voudrais d’entrée de jeu vous exprimer mes chaleureuses félicitations, vous personnellement et votre pays le Koweït, pour votre accession méritée à la présidence du Conseil de sécurité pour le mois de juin 2019. Connaissant votre attachement aux principes de la charte et à la primauté du droit international, je suis particulièrement content de vous voir présider ce conseil pour la 2ème fois durant votre mandat de deux ans.
Permettez-moi également de remercier mon collègue l’Ambassadeur Jürg Lauber, Président de la configuration-Burundi de la commission de consolidation de la paix pour sa contribution constructive à ce débat au lendemain de sa visite au Burundi du 6 au 10 mai 2019.
Qu’il me soit en outre permis, à travers vous Monsieur le Président, de remercier le Commissaire paix et sécurité de l’Union africaine, mon cher ami et frère Ismaël Chergui pour sa contribution à ce briefing par vidéo-conférence depuis le siège de l’Union Africaine à Addis-Abeba. Je dois dire cependant que dans ses propos, il s’est dangereusement écarté de la décision du Sommet des Chef d’Etat de l’Union Africaine qui s’est tenu du 10 au 11 février 2019. Le sommet des chefs d’Etat de février a transmis quatre messages clés au Burundi, à savoir (I) le Sommet a félicité le Gouvernement du Burundi pour avoir initié les préparatifs des élections de 2020, (II) Il a également salué la décision du Président de la République de ne pas se représenter en 2020, (III) Il a lancé un appel au Gouvernement du Burundi et à l’opposition de travailler ensemble pour organiser des élections paisibles en 2020, (IV) le Sommet de Chefs d’Etat de l’UA a enfin réitéré son appel à l’Union Européenne lui demandant de lever immédiatement les sanctions économiques imposées au Burundi. Tels sont Monsieur le président, les quatre messages saillants du sommet des chefs d’Etat de l’Union de février 2019 au Burundi. Nous estimons que les décisions des chefs d’Etat priment sur toute considération, notamment toute déclaration à caractère individuel d’un membre du Secrétariat de l’Union Africaine dépourvu d’un mandat explicite de s’exprimer en leur nom devant ce Conseil.
Enfin, je souhaite remercier les autres distingués membres de ce Conseil qui ne ménagent aucun effort pour soutenir le respect des principes de la charte des Nations Unies dans le traitement de la situation au Burundi devant ce Conseil depuis 2015.
Nous regrettons encore une fois qu’il existe quelques pays qui maintiennent manifestement des positions figées depuis plus de quatre ans au lieu faire la lecture de la situation au Burundi avec objectivité et discernement. Certains sont allés plus loin jusqu’à former une coalition de cinq pour réclamer une réunion inopportune sur le Burundi le mois dernier, comme s’il y avait une situation d’urgence extrême dans le pays alors que la situation générale s’est normalisée depuis 2017.
Ce qui étant dans cela Monsieur le Président, c’est que la plupart des délégations qui nous lancent des flèches sans interruption depuis 2015 et qui semblent vouloir nous servir de modèle ont aussi des difficultés dans leurs propres pays qui devraient les préoccuper au lieu de continuer de s’occuper des affaires internes du Burundi. Certains d’entre eux sont en situation de crise sociale majeure, d’autres sont en crise institutionnelle aiguë pendant que d’autres se trouvent en situation de crise identitaire sans précédent ou les trois types de crise à la fois.
Monsieur le Président, même si cette réunion nous a été imposée, il me plait d’y participer et de vous faire le tour d’horizon de la situation générale dans le pays depuis la dernière réunion du Conseil sur le Burundi, le 19 février 2019 tout en espérant que ce briefing sera le dernier sur mon pays le Burundi qui ne cesse de réclamer légitimement son retrait de l’agenda très chargé de ce Conseil.
Comme l’a si bien dit mon collègue l’Ambassadeur Jürg Lauber qui détient les informations de première main après sa visite au Burundi le mois dernier, je puis à mon tour vous confirmer que depuis 2017, la situation politique et sécuritaire au Burundi est tranquille, stable et entièrement maîtrisée. Les préparatifs des élections de 2020 sont très avancés aussi bien sur le plan organisationnel que budgétaire. Les mécanismes nationaux sur la préparation des élections se mettent progressivement en place pendant que les gestes d’apaisement favorisant un climat propice à la tenue des élections paisibles l’année prochaine ne cessent de se multiplier. Sans être exhaustif, je citerai notamment :
La Constitution du 7 juin 2018 constitue déjà le premier cadre légal fondamental pour l’organisation des élections de 2020;
La feuille de route de Kayanza conduisant aux élections pacifiques en 2020 a été adoptée après de très larges consultations au sein de la classe politique burundaise,
La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est déjà constituée et elle est opérationnelle.
Le code électoral révisé a été adopté par le Parlement en avril 2019, députés du parti au pouvoir et de l’opposant Agathon Rwasa ensemble dans un esprit de compromis, avec 105 voix pour sur 108.
La décision de financer l’ensemble du cycle électoral avec les ressources nationales.
L’élargissement de l’espace politique dans le pays par l’agrément du nouveau parti de l’opposition CNL de l’Hon. Agathon Rwasa. Ce parti poursuit l’ouverture de ses nouvelles représentations à l’intérieur du pays en toute liberté.
La décision du président de la République de renoncer volontairement à ses droits constitutionnels de se représenter aux élections présidentielles de 2020 constitue un geste de haute valeur politique et démocratique qui pourrait servir d’exemple sur tout le continent et ailleurs;
La libération, au début de l’année, de plus de 2000 prisonniers incluant les jeunes casseurs et insurgés de 2015 rentre également dans cette campagne de promouvoir la réconciliation et la tolérance politique avant le grand RDV électoral de 2020 et au-delà.
Toujours sur l’aspect organisationnel des élections, le Sommet des Chefs d’Etat de l’Union Africaine qui s’est tenu du 10 au 11 février à Addis-Abeba a félicité le Gouvernement du Burundi pour avoir initié les processus préparatoires des élections de 2020, en particulier la création d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI) ainsi qu’une Commission Vérité et Réconciliation (CVR). Le Sommet a salué en outre, la déclaration faite par le Président Pierre Nkurunziza de ne plus se présenter aux élections présidentielles en 2020, et exhorté le Gouvernement et les partis politiques à travailler ensemble pour le bon déroulement des prochaines élections. A la même occasion, le Sommet des Chefs d’Etat a réitéré sa demande à l’Union européenne (UE) de lever immédiatement les sanctions unilatérales et immorales imposées au Burundi.
Monsieur le Président, en ce qui concerne, le dialogue entre les partis politiques en vue de l’organisation des élections apaisées 2020, il se poursuit normalement au Burundi dans un esprit d’ouverture et de tolérance politique. Ma délégation rappelle que c’est ce dialogue quasi permanent et efficace qui a abouti à l’adoption de la feuille de route de Kayanza en vue des élections paisibles en 2020, la mise en place de la CENI et l’adoption du code électoral par le parlement et le retour au pays de plusieurs leaders politiques qui avaient fui le pays en 2015. Parmi eux, des anciens présidents et vice-présidents de la République, des anciens parlementaires et autres hauts cadres de l’Etat aujourd’hui intégrés dans leur vie politique et professionnelle.
Les acteurs étrangers qui semblent vouloir ramener cette question de dialogue hors du Burundi visent trois choses : (I) déstabiliser le Burundi à la veille des élections de 2020, (II) donner un coup de pouce aux putschistes de 2015 aujourd’hui en cavale, hébergés, nourris et protégés par ces mêmes acteurs qui ne cessent d’agresser diplomatiquement et politiquement le Burundi depuis 2015 , (III) détourner l’attention des Burundais de l’essentiel, c’est-à-dire l’organisation des élections de 2020 et la mise en œuvre du plan national de développement.
Tous ces acteurs exogènes devront assumer leur responsabilité le moment venu de toutes les conséquences de leur ingérence dans les affaires qui relèvent de la souveraineté du Burundi. Les Burundais et le monde les observent. Pour sa part, le peuple Burundais restera opposé, par principe, en tout temps, tout lieu et en toute circonstance à toute tentative d’ingérence étrangère, qu’elle soit étatique ou le fait d’une organisation internationale ou régionale.
Sur le plan sécuritaire, la situation au Burundi est généralement très bonne sur toute l’étendue du territoire. Du nord au sud, de l’ouest à l’Est en passant par le centre, la nuit comme le jour, les citoyens Burundais jouissent de leurs droits civiques et politiques en toute quiétude. Ce constat positif sur le plan sécuritaire est partagé par tous les acteurs régionaux et internationaux de bonne foi qui visitent notre pays depuis 2017 jusqu’à nos jours. La dernière visite en date est celle du Président Felix A. Tshisekedi, Président de la République Démocratique du Congo qui a effectué une visite au Burundi aujourd’hui pour s’entretenir avec son Homologue Burundais S.E.M. Pierre NKURUNZIZA, Président de la République du Burundi sur des sujets d’intérêt commun sur le plan bilatéral, régional et international.
Pour ce qui est de la situation humanitaire, nous nous félicitons du retour massif et volontaire des réfugiés Burundais qui avaient fui le pays en 2015. Au-delà des milliers de Burundais qui rentrent d’eux-mêmes sans l’assistance du HCR, depuis le 1er août 2017 jusqu’au 29 mai 2019, 285 réfugiés ont été rapatriés volontairement au Burundi en provenance principalement de la Tanzanie, mais aussi du Kenya, de l’Ouganda et de la RDC. Tout près de nous, le 11 juin, 397 réfugiés sont rentrés au pays via la frontière sud du Burundi, en province Makamba.
Ce mouvement de retour volontaire massif est une manifestation évidente du retour de la paix, la tranquillité et la stabilité dans le pays, nonobstant les propos de certains acteurs étrangers qui continuent de gonfler délibérément le nombre de réfugiés encore en exile pour maintenir le Burundi dans une psychose de crise artificielle. Au-delà des efforts nationaux, le soutien de nos partenaires dans les opérations d’accueil et de réinsertion socio-économique de ces milliers de réfugiés de retour au pays reste nécessaire. Il en est de même pour les communautés locales d’accueil qui doivent être soutenues.
En ce qui concerne la présence du Burundi à l’agenda du Conseil de Sécurité, il est clair que nous y sommes pour des raisons politiques et des intérêts extérieurs qui n’ont rien à voir avec le bien-être du peuple Burundais. La situation politico-sécuritaire actuelle dans le pays ne constitue aucune menace à la paix et la sécurité internationale pour justifier son maintien arbitraire à l’agenda du conseil de Sécurité.
L’organisation en cascade des réunions sur le Burundi qui ne sont pas motivées par la réalité du terrain constitue un facteur de déstabilisation du pays au lieu de favoriser la paix et la tranquillité. De telles réunions intempestives donnent indirectement un coup de pouce aux putschistes de 2015 qui ont fui le pays et qui sont recherchés par la justice burundaise. Nous réitérons donc notre appel légitime pour le retrait du Burundi de l’agenda du Conseil de Sécurité. Le temps précieux consacré au Burundi peut être alloué aux autres zones en ébullition qui sont légion. La place du Burundi devrait être au niveau des agences et programmes des Nations Unies traitant du développement socio-économique pour accompagner les efforts nationaux dans la mise en œuvre du plan national de développement et des objectifs de développement durable de l’agenda 2030.
Monsieur le Président, nous rejetons cette agression politico diplomatique injustifiée contre le Burundi et son peuple. La diplomatie des muscles doit céder la place à la coopération mutuellement bénéfique et respectueuse. Ce ne sont pas ce genre de pressions à double standard, disproportionnées et injustes qui vont nous remettre à genoux 57 ans après la fin de la colonisation dans notre pays, une période cauchemardesque dont le peuple Burundais essaie encore se réveiller aujourd’hui.
Que des acteurs étrangers cessent d’infantiliser le peuple Burundais. Le peuple Burundais un peuple fier, digne et très attaché à son indépendance politique et à ses valeurs d’UBUNTU. Il est suffisamment mature pour s’occuper de ses affaires sans aucune interférence étrangère, qu’elle soit proche de nos frontières ou lointaine. Toute tentative d’entrer dans notre cuisine interne sans y être convié, se heurtera toujours au sursaut et au patriotisme burundais comme ce fut le cas lors de la conspiration de changement de régime en 2015. Nous sommes conscients que le complot de 2015 n’est pas mort et enterré. Certains cherchent à le faire ressusciter par des moyens subtils moins apparents et difficiles à déceler à première vue, mais qui n’échappent pas à notre vigilance.
Pour conclure Monsieur le Président, ma délégation souhaite souligner deux chantiers majeurs qui sont actuellement au centre de l’attention des Burundais. Il s’agit du processus électoral de 2020 et du processus de mise en œuvre du plan national de développement du Burundi.
Le premier chantier est le processus de mise en œuvre du plan national de développement qui s’étale sur une période de 10 ans allant de 2018 à 2027. Le Gouvernement du Burundi s’est engagé à redoubler d’efforts pour mobiliser des ressources domestiques nécessaires pour financer la majeure partie des priorités identifiées. Nous remercions déjà l’équipe pays des Nations Unies au Burundi pour son accompagnement et invitons nos partenaires qui souhaitent y contribuer de passer à l’action.
Le deuxième chantier qui tient à cœur les Burundais en ce moment est l’organisation des élections de 2020. Il s’agit ici d’une affaire interne qui relève exclusivement de la souveraineté nationale. Tout accompagnement à ce processus doit être fourni sur demande du gouvernement du Burundi conformément aux principes de la Charte de l’ONU.
Toute tentative de vouloir créer un nouveau rôle ou de redéfinir un rôle existant aux Nations Unies pour s’occuper des élections au Burundi à la place des Burundais serait une atteinte à la souveraineté nationale et une violation flagrante de la Charte des Nations Unies qui stipule en son art.2, alinéa 7, je cite: « Aucune disposition de la Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la Charte… », fin de citation.
Je vous remercie de votre aimable attention!