Guinée: la colère de la capitale Conakry contre le président Alpha Condé
 
Alpha Condé, président depuis 2010, veut se représenter aux élections de 2020 mais depuis maintenant 1 an, des manifestations massives s’organisent contre ce pouvoir anti-démocratique et autoritaire. La quatrième de ces manifestations était appelée ce jeudi par la principale force d’opposition, le Front national pour la défense de la constitution (FNDC) qui regroupe partis politiques, syndicats et associations.

Précarité et révolte 

Si les Gilets Jaunes ont exprimé leur colère contre un système qui exploite et précarise les travailleurs, les jeunes, les retraités, alors nous pouvons bien imaginer les conditions de vie dans un pays semi-colonial exploité par les puissances impérialistes que sont la France et les Etats-Unis. En témoigne ces propos d’une Guinéenne rapportés par Libération : « Je veux parler de ma colère à propos du Monsieur. Je ne veux même pas dire son nom. Il casse mes reins. On ne se nourrit pas bien, on est en mauvaise santé parce que les hôpitaux nous demandent trop d’argent. […] Lui, il tue nos enfants, des petits de 15 ans ». Le PIB par habitant en Guinée est en effet de 670 $ par an. Cela ne permet ni de se nourrir ni de se loger décemment, de payer les frais du quotidien. Quant aux services publics, ils existent mais sont quasiment inaccessibles et de surcroît gangrenés par la corruption. Pour faire des études supérieures, ce sont quelques 100 000 GNF (Francs guinéens) qu’il faut débourser par an – ce qui représente 10 000 € – et une chambre d’hôpital peut monter jusqu’à 350 000 GNF par jour – c’est à dire 35 000 €.

Mais il n’y a pas que la précarité qui révolte les Guinéens car c’est une « colère » plus profonde contre tout un système. Alpha Condé était le premier président élu « démocratiquement », mais celui-ci n’a évidemment pas mené une politique en faveur des plus précaires. Les travailleurs qui ont voté pour lui auraient par exemple souhaité un SMIC décent, alors qu’aujourd’hui les Guinéens vivent avec environ 56 GNF par mois – 50 €, les jeunes auraient voulu pouvoir étudier gratuitement sans être inquiété par les divers frais, etc. Au contraire Condé a de plus en plus privatisé l’ensemble des services. Plutôt que d’investir dans l’éducation ou la santé, il a notamment massivement investi dans la Compagnie de bauxite de Guinée (CBG) dont l’Etat est actionnaire à 49% et dont les réserves à exploiter sont de 25 milliards de tonnes, c’est-à-dire la moitié des réserves mondiales. Les meilleurs clients de CBG sont justement les puissances impérialistes américaines et françaises, mais aussi Allemandes et britanniques. Bien évidemment aucun des bénéfices ne sont redistribués, ils sont accaparés par quelques-uns.

C’est contre ce système qui ne profite qu’aux plus riches, qu’aux grands patrons et politiciens que les Guinéens se révoltent. Car cette façade démocratique ne cache rien d’autre que la dictature d’une minorité sur tout le reste de la population, une dictature du profit et des gouvernants. C’est de cette société que les Guinéens ne veulent plus ; c’est cette société que les classes dominantes n’arrivent plus qu’à contenir plus que par la répression.

Autoritarisme et répression

Rappelons tout d’abord que le 12 octobre une dizaine de dirigeants de l’opposition ont été arrêtés. Mais Libération affirme également que de 2015 à 2019, 61 manifestants ont été tués dont une cinquantaine directement par la police ; 103 jeunes manifestants ont également été clandestinement tués lors des récentes manifestations. Le gouvernement est forcé de réprimer car il n’a plus aucune légitimité : il ne tient plus que par sa police et son armée.

Quelle démocratie pour les travailleurs et la jeunesse guinéenne ? 

Les travailleurs, les jeunes, les retraités, sont bien évidemment ceux qui font la véritable démocratie en Guinée et ils le manifestent dans la rue. Mais cela ne suffit pas car Alpha Condé est toujours au pouvoir : de la même manière que les Gilets Jaunes revendiquent « Macron Démission », les Guinéens veulent dégager Condé !

Or, si les intérêts du gouvernement et des grands patrons se trouvent en outre dans la CBG, alors plus que des manifestations, les travailleurs de la Compagnie pourraient notamment faire grève, bloquer l’économie et ainsi faire véritablement vaciller le gouvernement. C’est cette logique de grève générale, d’auto-organisation des travailleurs et des jeunes qui doit pouvoir être mise en place pour établir une démocratie. Nous condamnons en ce sens le FNDC qui appelle à une manifestation tous les 3 mois car c’est une stratégie perdante dès le début ! Nous revendiquons le contrôle démocratique de tous les lieux de production et de tous les lieux de pouvoirs par les travailleurs eux-mêmes qui s’érigeraient comme instance de contre-pouvoir, par exemple au sein d’une Assemblée constituante démocratique.

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