(Réaction à l’article du journal Le Monde et repris par le site web arib.info)
Par Edouard Bizimana
Après lecture de l’article (entretien) que vient de publier le journal Le Monde1 et repris par le site arib.info (16/03/2016)2 et consacré au voyage effectué au Burundi en janvier 2016 par Madame Beate Klarsfeld, je me suis senti, en tant que citoyen burundais et avec tout le respect dû à cette personnalité, interpellé pour réagir à ses propos qui choquent et insultent plus d’un Burundais.
Comment savait-elle d’avance qu’elle n’obtiendrait pas le visa diplomatique ? Si elle peut avoir le visa touristique, elle pouvait obtenir plus facilement le visa diplomatique si elle l’avait voulu vu le respect réservé aux diplomates. Si elle a menti sur le motif de son voyage au Burundi, elle peut aussi mentir sur autre chose. Ce mensonge délibéré suscite des questionnements et m’a poussé à lire et relire l’article qui n’a rien à avoir avec la déclaration que l’Unesco a choisie de publier sur son site.

Tout le contenu de l’article montre bien le parti-pris de Madame Klarsfeld : comment peut-elle réduire 70% de la population burundaise qui ont élu P. Nkurunziza à « une petite équipe resserrée qui le suit aveuglement » ? Peut-on infantiliser tout un peuple de cette façon sans lui denier sa dignité et son droit à s’élire ses dirigeants ? On sent toute la haine qu’elle a envers le président burundais quand elle dit : « …Mais j’ai également croisé des véhicules chargés de miliciens qui patrouillent en chemise bleue, les armes à la main. Certains étaient jeunes, très jeunes, même. D’autres sans uniforme. Ils le font probablement parce que le président les paie pour cela ». Personne d’autres n’a vu ces milices patrouillant dans la capitale armes à la main sauf Klarsfeld: veut-elle parler de la police nationale burundaise ? Là on comprend très vite l’objectif caché derrière de tels propos : montrer au monde qu’il n’y a plus d’institutions au Burundi capables d’assurer la sécurité du pays jusqu’à la remettre aux mains des milices, donc, une nécessité absolue pour la communauté internationale d’agir vite. De telles manipulations de l’opinion ont effectivement failli induire la communauté internationale en erreur quand elle évoquait l’envoi des troupes étrangères au Burundi. Je pense que si elle suivait objectivement l’évolution de la situation au Burundi, elle ne tiendrait pas de telles contre-vérités aujourd’hui.

Il faut tout simplement dire qu’un petit raisonnement permet de comprendre que la mission de Klarsfeld était plutôt destinée à noyer le peuple burundais. Les points suivants le prouvent:

 Que signifie la différence entre sa déclaration conciliante sur le site de l’Unesco3 et ses propos totalement militants publiés par Le Monde le 16/3/2016 ?

 Pourquoi a-t-elle choisi de mentir alors que le visa diplomatique est plus facile à obtenir que le visa touristique.

 Les enfants mendiants, ce n’est pas une spécificité du Burundi à moins que ses yeux ne s’ouvrent à cette réalité qu’au Burundi.

 Parlant de l’enfant de la sœur du propriétaire du bar-restaurant, elle ne se pose pas la question de savoir où partaient ces enfants, qui les emmenait et pourquoi car elle s’est déjà fixée un coupable.

 Est-ce qu’elle s’est une fois posé la question sur l’authenticité des images qu’elle dit l’avoir motivée à aller au Burundi ?

 Pourquoi préfère-t-elle rapporter « le refrain » que lui « ont chanté » („…, puis ils m’ont chanté le même refrain….“) les membres du gouvernement, ou les propos de la jeune femme du ministère de l’éducation nationale et de « un adjoint à la présidence » et non celui des autres ? Comme si les membres du gouvernement ou ceux qui soutiennent les institutions de la République sont dépourvus de raisonnement !

 Son attitude et son manque de discernement sont scandaleux pour une personnalité de son rang : que signifie par exemple « un adjoint à la présidence »? Est-ce une mauvaise traduction ? J’espère que le journal Le Monde pourra éclairer davantage le lecteur.

 Faire référence à l’Holocauste, aux nazis, à Auschwitz ou au Rwanda de 1994 en parlant du Burundi de 2015 est une insulte grave au peuple burundais et prouve plutôt une intention de nuire que celle de sauver des vies humaines. Elle essaie de susciter des rancœurs, des réactions basées sur des sentiments et des ralliements subjectifs dictés par le poids des événements à charge émotive et historique très forte auxquels elle fait référence.

 Une affirmation comme « les tutsi sont en première ligne » (de quoi? Qui sont sur les autres lignes, combien de lignes il y a ?) montre encore une fois une désinformation totale sur la réalité burundaise ou une volonté de manipuler l’opinion internationale, ou tout au moins se faire passer pour une « spécialiste des génocides ». Les organisateurs de l’insurrection eux-mêmes n’ont pas encore dit que c’est une affaire hutu-tutsi ce qui est aussi prouvé par leur diversité ethnique, politique et régionale. Réduire la situation qui prévaut au Burundi à la seule dimension ethnique, prouve un manque d’informations de la part de Madame Klarsfeld.

Ce sont en effet de telles prises de position erronées, de telles déclarations qui ont envenimé davantage la situation au Burundi. On peut la féliciter quand même pour ses yeux qui voient ce que les chefs d’Etats, les membres du Conseil de Sécurité, le Secrétaire Général des Nations Unies, qui ont aussi visité le Burundi à des moments différents, n’ont pas vu.

Faudrait-il conclure que tous ceux qui prennent des visas touristiques en abusent comme Madame Klarsfeld ? En refusant de révéler le motif de son voyage, cela montre bien qu’elle avait effectivement une mission de salir et noyer le Burundi en usant de son statut. Heureusement, le peuple burundais lui a déjà prouvé qu’elle a tort. Les « vendeurs de génocide » avaient déjà misé sur le Burundi pour se faire la santé financière et renommée mais le peuple burundais vient de leur prouver sa maturité politique, diplomatique et démocratique. Si « les membres du gouvernement étaient outrés » qu’elle soit entrée au Burundi avec un visa touristique alors qu’elle y est allée pour autre chose, ceux œuvrant dans le secteur du tourisme le sont davantage car un tel comportement peut avoir des conséquences néfastes sur leurs activités.

Disons tout simplement que le peuple burundais a bien appris les leçons des crises vécues et refuse donc de retomber dans les mêmes travers. Le monde et les mentalités ont évolué, le peuple burundais aussi et son refus catégorique d’être instrumentalisé, d’être dressé contre lui-même en est une illustration parfaite.

[1] http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/03/16/beate-klarsfeld-au-burundi-le-risque-de-genocide-n-est-pas-a-exclure_4884064_3212.html
[2] http://www.arib.info/index.php?option=com_content&task=view&id=14435&Itemid=1
[3] http://www.unesco.org/new/fr/member-states/single-view/news/ms_beate_klarsfeld_visits_burundi/#.Vuv_X2XKx9G